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3 juillet 2011 7 03 /07 /juillet /2011 07:40

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La bière 1837

 

 

 

Au Québec, à Chambly (c'est à une vingtaine de kms à l'est de Montréal, le long de la rivière « Richelieu », au sud du Saint Laurent), la brasserie Unibroue fabrique plusieurs types de bières dont la « 1837 ».

Sur ces bouteilles de bière 1837, il y a 2 étiquettes.

Sur celle du recto, il y a la marque : « 1837 » et juste en dessous, en illustration, un groupe de Patriotes francophones de 1837, dont l'un est armé d'un fusil et les autres de faux. Cette illustration est la reproduction d'une aquarelle conservée aux archives nationales du Canada à Ottawa. Elle est l'œuvre d'une artiste canadienne nommée Katherine Jane Ellice (1814/1864). Elle fut prisonnière des Patriotes à Beauharnois en novembre 1838.

Au verso, sur la seconde étiquette, voici ce qui est écrit :

« 1837 est une bière de grand cru brassée en souvenir de nos héros morts pour la patrie et la liberté. Notamment Jean-Olivier Chénier et 60 de ses compagnons à la Bataille de Saint Eustache et, exécutés au Pied-du-Courant »

Puis suivent les noms des Patriotes suivants :

« Joseph-Narcisse Cardinal, Joseph Duquet , Pierre-Théophile Decoigne, François-Xavier Hamelin, Joseph-Marie Robert, Ambroise Sanguinet, Charles Sanguinet, Amable Daunais, Thomas-Marie Chevalier De Lorimier, Charles Hindenlang, Pierre-Rémi Narbonne, François Nicolas. »

Explications :

Après la découverte du Canada (Jacques Cartier 1534), Français et Anglais se combattirent pour s'assurer la possession de ce nouveau territoire. Richelieu, Louis XIII, Louis XIV soutinrent le Canada français, mais Louis XV l'abandonna aux Anglais par le traité de Paris du 10 février 1763.

Les Gouverneurs anglais nommés par la Couronne britannique eurent pour mission « d'angliciser » les Francophones, ou à défaut de les noyer dans la masse des Anglophones ou, faute de mieux de les éliminer.

En 1791, le parlement de Londres avait octroyé une assemblée législative aux provinces du Canada. Mais la plupart des lois votées par les Francophones majoritaires étaient cassées par les gouverneurs britanniques. En outre, certains droits ou privilèges étaient réservés aux Anglophones et goutte d'eau qui participa à faire déborder le vase, aux élections du 21 mai 1832, 3 Patriotes francophones furent tués (François Languedoc, Pierre Billette, Casimir Chauvin).

Les Patriotes francophones s'armèrent comme ils purent et 4.000 d'entre-eux affrontèrent 30.000 soldats anglais, en outre mieux armés. Les Patriotes furent vainqueurs à la première bataille qui eut lieu le 23 novembre 1837 à Saint Denis-sur-Richelieu (la rivière « Richelieu » part du lac Champlain et va se jeter dans le Saint Laurent sur sa rive sud ), mais les Patriotes furent vite submergés par le nombre. L'action que menèrent alors les Anglais contre les Patriotes francophones peut se résumer en trois mots : massacres, pendaisons, déportations.

Quelques Patriotes parvinrent à fuir aux U.S.A.

Sur ces faits, voir Jules Verne : « Famille-sans-nom », livre de 1889. (ou voir sur mon blog « Jules Verne, deux livres peu connus » http://jean.delisle.over-blog.com/article-jules-verne-deux-livres-peu-connus-63314876.html. Sur le même sujet, il existe au Québec, à Saint Denis-sur-Richelieu un « Musée national de la Maison des Patriotes ». La mairie de cette commune est d'ailleurs située « chemin des Patriotes »! c'est la route 133 qui longe la vallée de Richelieu et passe par différents lieux de bataille de 1837/1838. Sur la même commune un monument a été érigé à la mémoire des Patriotes au centre de la place … des Patriotes. Voir également le « Manoir des cultures et du patrimoine » à Saint-Eustache, ville située à une trentaine de kms au nord-ouest de Montréal et dont il est question sur l'étiquette de la bière 1837. Le 14.12.1837, à Saint-Eustache, 150 Patriotes, conduits par Jean-Olivier Chénier, affrontèrent 2.000 soldats anglais. Les Patriotes se réfugièrent dans l'église que les Anglais bombardèrent et incendièrent. Ce n'était pourtant pas la division S.S. « Das Reich » (division allemande responsable des massacres d'Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944).

Ce n'est qu'en 1867, c'est-à-dire 30 ans plus tard que les Francophones au Canada obtinrent les mêmes droits que les Anglophones. Aujourd'hui, et compte-tenu du système fédéral canadien, la Province du Québec est officiellement francophone, elle a sa capitale (la ville de Québec), son Parlement à Québec (ce qui n'empêche pas une représentation du Québec au Parlement du Canada), son drapeau (croix blanche sur fond bleu avec 4 fleurs de lys, différent du drapeau canadien à feuille d'érable), sa fête nationale (le 24 juin alors que la fête nationale du Canada est le 1er juillet), sa devise (« Je me souviens », devise que l'on voit partout car elle figure sur les plaques minéralogiques des automobiles immatriculées dans la province de Québec)...Cependant, je ne suis pas certain que tous les citoyens accordent le même sens à cette devise.

Pour avoir effectué un séjour familial au Québec en juin 2011, dans la région du Saguenay/lac Saint-Jean et à Québec, j'ai pu constater que toutes les collectivités locales préparaient d'importantes manifestations pour la fête nationale du Québec le 24 juin, mais rien pour le 1er juillet, que, hormis sur les bâtiments officiels, le seul drapeau que l'on voit arboré par des particuliers est celui du Québec etc. Dans toute la Province du Québec, par le biais des noms des lacs, des rivières, des villes, des rues.... on rend hommage à Jacques Cartier, à Samuel de Champlain, au Marquis de Montcalm, à Richelieu …. Ainsi par exemple, le long de la rivière Richelieu, il y a 4 villes qui ont « Richelieu » dans leur nom. A Québec même, il y a un « Musée de l'Amérique française », un « centre de la francophonie des Amériques », une rue Saint Louis (sur la plaque de la rue, il est indiqué que c'est en hommage à Louis XIII), une rue Sainte Anne en souvenir d'Anne d'Autriche, un buste de Louis XIV sur la place Royale et même une statue grandeur réelle de Charles De Gaulle sur une autre place (cours du Général de Montcalm).

Est-ce à dire que les habitants de la province du Québec veulent leur indépendance ? Probablement pas, des consultations effectuées sur ce sujet l'ont démontré, mais ils veulent le respect de leur langue et de leur culture. Pour le confirmer, voici un très beau texte. Il s'agit d'un communiqué d'Alexandre Cloutier député du lac Saint Jean au Parlement de Québec (ce lac est à 400 kms au nord de Montréal). C'est paru dans le journal « Le lac Saint Jean » du 15 juin 2011 page 29 :

Sous le titre : « bonne fête nationale ! » et avec le drapeau du Québec en fond d'illustration, voici le texte :

« Cette année, nous soulignons la Fête nationale du Québec sous le thème « Entrez dans la légende! ». Ce thème est admirablement bien choisi puisqu'il nous invite à revisiter notre histoire et à la célébrer.

Ce 24 juin, inspirons-nous de cette étincelle d'imaginaire pour affirmer tous ensemble notre culture, notre identité et notre langue.

Célébrons avec fierté notre fête nationale. »

 

J.D. 3 Juillet 2011

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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 10:39

Jules-Verne 2

 

Jules Verne - deux œuvres peu connues

 

 

L'œuvre de Jules Verne (Nantes 8.2.1828 / Amiens 24.3.1905) est considérable. Mais tous ses écrits n'ont pas la notoriété du « Tour du monde en 80 jours », de « Cinq semaines en ballon », de « Vint mille lieues sous les mers », de « Michel Strogoff » etc. Voici deux livres peu connus :

 

L'Archipel en feu :

Livre publié en 1884. J'ai cherché ce livre en 2005, année où, en France, on faisait grand cas de Jules Verne à l'occasion du centenaire de sa mort. Tant en librairies que dans les bibliothèques de la région (Rhône-Alpes), pour celles que j'ai pu visiter, ce livre était introuvable. Pour le lire j'ai dû me rendre à Genève à la bibliothèque publique (parc des Bastions) ! En 2006, enfin, j'ai pu trouver une vieille édition de « l'Archipel en feu » chez un bouquiniste, à Paris, sur les quais de la Seine.

Ce livre relate les atrocités commises par les Turcs en Grèce dans les années 1820 lorsque les Grecs, après presque 4 siècles d'occupation sous la férule ottomane, se sont révoltés pour recouvrer leur liberté. (voir des extraits de Jules Verne sur mon blog dans le texte consacré à « l'indépendance de la Grèce » http://jean.delisle.over-blog.com/article-grece-independance-58616338.html). Alors bien sûr, au début du XXIe siècle, cela ne fait plus parti du « politiquement correct ». Si c'est une censure, elle est vraiment « bête et méchante ». Les Turcs d'aujourd'hui ne sont pas responsables d'événements datant de deux siècles. Est-ce que les crimes des nazis empêchent des liens d'amitiés avec les Allemands d'aujourd'hui et est-ce que ceux-ci prétendent censurer tous les écrits sur la période hitlérienne ?

Encore que..., la Bible nous conte bien les combats des Hébreux avec les occupants de la « bande de Gaza » ( les célèbres Philistins, de qui est d'ailleurs dérivé le nom de la Palestine), combats qui à l'époque s'étendirent sur 3 siècles et qui ne semblent pas terminés trois mille ans plus tard.... mais c'est une autre histoire ! Voir sur mon blog l'histoire d'Israël. http://jean.delisle.over-blog.com/article-histoire-d-israel-55889409.html

 

Famille-sans-nom :

Livre publié en 1889, à ne pas confondre avec « sans famille » d'Hector Malot.

Ce roman, comme « l'Archipel en feu » est basé sur des faits historiques et à l'occasion d'un roman, Jules Verne apporte quantité d'informations sur des événements, à partir de toutes les sources qu'il a pu utiliser.

L'action de « Famille-sans-nom » se déroule en 1837/1838 au Québec.

Toute la première partie du livre de Jules Verne rappelle les faits relatifs à la conquête du Canada depuis l'arrivée de Jacques Cartier en 1534, jusqu'aux événements des années 1837/1838, en passant par la fondation de la ville de Québec par Champlain en 1608, tous les combats qui opposèrent troupes françaises et anglaises jusqu'à la désastreuse bataille du 13 septembre 1759 dans les plaines d'Abraham (qui vit la mort de Montcalm qui commandait les troupes françaises) et le traité du 10 février 1763 par lequel Louis XV abandonna complètement le Canada aux Anglais. Cette plaine d'Abraham est située à proximité de la ville de Québec qui fit l'objet d'un siège naval de 49 navires anglais armés de 1944 canons.

A partir de là tous les gouverneurs successifs nommés par la couronne britannique développèrent une politique qu'on qualifierait aujourd'hui « d'apartheid » contre les colons de langue française : les distributions de terre, les emplois etc furent réservés aux anglophones.

Cette situation amena les francophones a créer un parti en 1832 : « parti patriote ». Ce parti remporta une victoire électorale en 1834, ce qui ne changea rien à la politique des gouverneurs, pourtant les francophones ne demandaient qu'à jouir des mêmes droits que les anglophones. Le 23 octobre 1834 lors d'une assemblée tenue à St Charles de Richelieu (appelée « assemblée des 6 comtés »), un orateur (le docteur Côté) s'écria : « le temps des discours est passé, c'est du plomb qu'il faut envoyer à nos ennemis ». Les patriotes s'armèrent et ce fut de nouveau des combats contre les Anglais en 1837/1838. Mais les francophones armés n'étaient que 4.000 contre 33.000 britanniques, en outre mieux armés. La défaite était inévitable et la répression s'abattit sur les francophones. Ceux des "patriotes" qui ne furent pas tués au combat, et qui ne purent s'exiler, furent pendus ou déportés en Australie par les Anglais. C'est la toile de fond du roman de Jules Verne qui n'est pas tendre avec les Anglais. On trouve dans son texte quantité de phrases du genre : «  les Anglais n'ont jamais su s'adjoindre les peuples qu'ils ont soumis; ils ne savent que les détruire ».

En première phrase de son roman, Jules Verne rappelle ce que disaient les philosophes français au XVIIIe siècle à propos du Canada : « On plaint ce pauvre genre humain qui s'égorge à propos de quelques arpents de glace ». En France tant l'opinion publique que les gouvernements abandonnèrent les Français du Canada à leur triste sort, tandis qu'en Angleterre le pouvoir encouragea l'émigration massive vers le Canada pour noyer les francophones et soutint les actions de ses gouverneurs sur place pour réduire l'influence française. Le résultat fut ce qu'il devait être.

Au Canada il fallut attendre une constitution datée de 1867, pour voir reconnaître les droits des francophones. La conclusion de Jules Verne se termine ainsi : « Chaque année, une touchante cérémonie réunit les patriotes de Montréal, au pied de la colonne élevée sur la côte des Neiges, aux victimes politiques de 1837/1838. Là, le jour de l'inauguration, un discours fut prononcé par M. Euclide Roy, président de l'Institut, et ses derniers mots peuvent résumer l'enseignement qui ressort de cette histoire : Glorifier le dévouement, c'est créer des héros! ».

Cette tradition de cérémonie, longtemps abandonnée, est reprise depuis 2003. Chaque année, le lundi précédant le 25 mai est appelée au Québec : « Journée nationale des Patriotes » et c'est un jour férié et chômé.

C'est le 8 avril 1904, que furent signés une série d'accords bilatéraux entre la France et la Grande Bretagne, accords connus sous le nom « d'Entente Cordiale ». Le roman de Jules Verne très critique vis-à-vis des Anglais n'était plus de bon ton et c'est probablement la raison pour laquelle il est très peu connu.

Un certain Charles De Gaulle né à Lille le 22 novembre 1890, n'avait pas 15 ans lors de la mort de Jules Verne à Amiens. Fut-il lecteur de « Famille-sans-nom » ? En eut-il le souvenir lorsqu'il lança « Vive le Québec libre » le 24 juillet 1967 à Montréal ? Qui le sait ?

J.D. 18.12.2010

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