La bière 1837
Au Québec, à Chambly (c'est à une vingtaine de kms à l'est de Montréal, le long de la rivière « Richelieu », au sud du Saint Laurent), la brasserie Unibroue fabrique plusieurs types de bières dont la « 1837 ».
Sur ces bouteilles de bière 1837, il y a 2 étiquettes.
Sur celle du recto, il y a la marque : « 1837 » et juste en dessous, en illustration, un groupe de Patriotes francophones de 1837, dont l'un est armé d'un fusil et les autres de faux. Cette illustration est la reproduction d'une aquarelle conservée aux archives nationales du Canada à Ottawa. Elle est l'œuvre d'une artiste canadienne nommée Katherine Jane Ellice (1814/1864). Elle fut prisonnière des Patriotes à Beauharnois en novembre 1838.
Au verso, sur la seconde étiquette, voici ce qui est écrit :
« 1837 est une bière de grand cru brassée en souvenir de nos héros morts pour la patrie et la liberté. Notamment Jean-Olivier Chénier et 60 de ses compagnons à la Bataille de Saint Eustache et, exécutés au Pied-du-Courant »
Puis suivent les noms des Patriotes suivants :
« Joseph-Narcisse Cardinal, Joseph Duquet , Pierre-Théophile Decoigne, François-Xavier Hamelin, Joseph-Marie Robert, Ambroise Sanguinet, Charles Sanguinet, Amable Daunais, Thomas-Marie Chevalier De Lorimier, Charles Hindenlang, Pierre-Rémi Narbonne, François Nicolas. »
Explications :
Après la découverte du Canada (Jacques Cartier 1534), Français et Anglais se combattirent pour s'assurer la possession de ce nouveau territoire. Richelieu, Louis XIII, Louis XIV soutinrent le Canada français, mais Louis XV l'abandonna aux Anglais par le traité de Paris du 10 février 1763.
Les Gouverneurs anglais nommés par la Couronne britannique eurent pour mission « d'angliciser » les Francophones, ou à défaut de les noyer dans la masse des Anglophones ou, faute de mieux de les éliminer.
En 1791, le parlement de Londres avait octroyé une assemblée législative aux provinces du Canada. Mais la plupart des lois votées par les Francophones majoritaires étaient cassées par les gouverneurs britanniques. En outre, certains droits ou privilèges étaient réservés aux Anglophones et goutte d'eau qui participa à faire déborder le vase, aux élections du 21 mai 1832, 3 Patriotes francophones furent tués (François Languedoc, Pierre Billette, Casimir Chauvin).
Les Patriotes francophones s'armèrent comme ils purent et 4.000 d'entre-eux affrontèrent 30.000 soldats anglais, en outre mieux armés. Les Patriotes furent vainqueurs à la première bataille qui eut lieu le 23 novembre 1837 à Saint Denis-sur-Richelieu (la rivière « Richelieu » part du lac Champlain et va se jeter dans le Saint Laurent sur sa rive sud ), mais les Patriotes furent vite submergés par le nombre. L'action que menèrent alors les Anglais contre les Patriotes francophones peut se résumer en trois mots : massacres, pendaisons, déportations.
Quelques Patriotes parvinrent à fuir aux U.S.A.
Sur ces faits, voir Jules Verne : « Famille-sans-nom », livre de 1889. (ou voir sur mon blog « Jules Verne, deux livres peu connus » http://jean.delisle.over-blog.com/article-jules-verne-deux-livres-peu-connus-63314876.html. Sur le même sujet, il existe au Québec, à Saint Denis-sur-Richelieu un « Musée national de la Maison des Patriotes ». La mairie de cette commune est d'ailleurs située « chemin des Patriotes »! c'est la route 133 qui longe la vallée de Richelieu et passe par différents lieux de bataille de 1837/1838. Sur la même commune un monument a été érigé à la mémoire des Patriotes au centre de la place … des Patriotes. Voir également le « Manoir des cultures et du patrimoine » à Saint-Eustache, ville située à une trentaine de kms au nord-ouest de Montréal et dont il est question sur l'étiquette de la bière 1837. Le 14.12.1837, à Saint-Eustache, 150 Patriotes, conduits par Jean-Olivier Chénier, affrontèrent 2.000 soldats anglais. Les Patriotes se réfugièrent dans l'église que les Anglais bombardèrent et incendièrent. Ce n'était pourtant pas la division S.S. « Das Reich » (division allemande responsable des massacres d'Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944).
Ce n'est qu'en 1867, c'est-à-dire 30 ans plus tard que les Francophones au Canada obtinrent les mêmes droits que les Anglophones. Aujourd'hui, et compte-tenu du système fédéral canadien, la Province du Québec est officiellement francophone, elle a sa capitale (la ville de Québec), son Parlement à Québec (ce qui n'empêche pas une représentation du Québec au Parlement du Canada), son drapeau (croix blanche sur fond bleu avec 4 fleurs de lys, différent du drapeau canadien à feuille d'érable), sa fête nationale (le 24 juin alors que la fête nationale du Canada est le 1er juillet), sa devise (« Je me souviens », devise que l'on voit partout car elle figure sur les plaques minéralogiques des automobiles immatriculées dans la province de Québec)...Cependant, je ne suis pas certain que tous les citoyens accordent le même sens à cette devise.
Pour avoir effectué un séjour familial au Québec en juin 2011, dans la région du Saguenay/lac Saint-Jean et à Québec, j'ai pu constater que toutes les collectivités locales préparaient d'importantes manifestations pour la fête nationale du Québec le 24 juin, mais rien pour le 1er juillet, que, hormis sur les bâtiments officiels, le seul drapeau que l'on voit arboré par des particuliers est celui du Québec etc. Dans toute la Province du Québec, par le biais des noms des lacs, des rivières, des villes, des rues.... on rend hommage à Jacques Cartier, à Samuel de Champlain, au Marquis de Montcalm, à Richelieu …. Ainsi par exemple, le long de la rivière Richelieu, il y a 4 villes qui ont « Richelieu » dans leur nom. A Québec même, il y a un « Musée de l'Amérique française », un « centre de la francophonie des Amériques », une rue Saint Louis (sur la plaque de la rue, il est indiqué que c'est en hommage à Louis XIII), une rue Sainte Anne en souvenir d'Anne d'Autriche, un buste de Louis XIV sur la place Royale et même une statue grandeur réelle de Charles De Gaulle sur une autre place (cours du Général de Montcalm).
Est-ce à dire que les habitants de la province du Québec veulent leur indépendance ? Probablement pas, des consultations effectuées sur ce sujet l'ont démontré, mais ils veulent le respect de leur langue et de leur culture. Pour le confirmer, voici un très beau texte. Il s'agit d'un communiqué d'Alexandre Cloutier député du lac Saint Jean au Parlement de Québec (ce lac est à 400 kms au nord de Montréal). C'est paru dans le journal « Le lac Saint Jean » du 15 juin 2011 page 29 :
Sous le titre : « bonne fête nationale ! » et avec le drapeau du Québec en fond d'illustration, voici le texte :
« Cette année, nous soulignons la Fête nationale du Québec sous le thème « Entrez dans la légende! ». Ce thème est admirablement bien choisi puisqu'il nous invite à revisiter notre histoire et à la célébrer.
Ce 24 juin, inspirons-nous de cette étincelle d'imaginaire pour affirmer tous ensemble notre culture, notre identité et notre langue.
Célébrons avec fierté notre fête nationale. »
J.D. 3 Juillet 2011
commenter cet article …