Cette note fait suite à la note N° 172 sur le traité de Versailleshttp://jean.delisle.over-blog.com/2014/04/le-desastreux-traite-de-versailles-n-172.html et à la note N° 177 sur la conférence de Cannes http://jean.delisle.over-blog.com/2014/06/la-conference-de-cannes-n-172.html.
Raymond Poincaré qui avait été Président de la République durant la première guerre mondiale n'avait pas souhaité se représenter lorsque son septennat arriva à échéance début 1920.
Deschanel :
Il fut d'abord remplacé par Paul Deschanel qui avait été député d'Eure-et-Loir de 1885 à 1920 et même Président de la Chambre (des députés) de 1898 à 1902 et de 1912 à 1920. Paul Deschanel fut élu (à l'époque par le Parlement) Président de la République le 17 janvier 1920.
Lors d'un déplacement, le 23 mai 1920, Paul Deschanel tomba du train en pyjama (dans le Loiret à une douzaine de kms au N.O. de Montargis). Situation dûe probablement à du somnambulisme. L'affaire fit grand bruit et ravit tous les humoristes. Comme l'avait fait la mort de Félix Faure à l'Elysée le 16 février 1899 ! Ah, cette troisième République !
Finalement, Deschanel remit sa démission de Président pour « raison de santé » en septembre 1920. Entré en fonction le 18 février, il aura été Président tout juste 7 mois.
Millerand :
Alexandre Millerand qui était Président du Conseil au moment de la démission de Deschanel fut élu Président de la République.
Ce Millerand né à Paris le 10 février 1859 fut d'abord avocat et journaliste (proche de Clemenceau) Il fut élu député de la Seine à partir de 1885.
D'abord socialiste, Millerand commença à prendre ses distances avec les socialistes en entrant dans le gouvernement de Waldeck-Rousseau en 1899. Il fut le premier socialiste français à être membre d'un gouvernement « bourgeois ».
Plus il montait en responsabilité, plus Millerand glissait de gauche à droite. Au moment de son élection comme Président de la République, le parlement était divisé en 2 grands blocs : le « bloc national » à droite et le « cartel des gauches » à ...gauche (mais enfin!). Millerand avait été élu avec le soutien de la droite.
Millerand Président de la République avait sapé le travail de Briand Président du Conseil lors de la conférence internationale de Cannes. Cela avait amené la démission de Briand en janvier 1922, malgré le soutien que lui avait apporté le Parlement.
Raymond Poincaré qui avait remplacé Briand comme Président du Conseil avait fait occuper militairement la Ruhr à compter du 11 janvier 1923. Le traité de Versailles était un désastre, l'occupation de la Ruhr ajouta du désastre au désastre, non seulement en Allemagne mais aussi en France. L'arrêt d'une grande partie des productions en Allemagne eut des conséquences pour les autres pays. Il en alla de même de l'inflation. En 1924, le franc perdit 50% de sa valeur. Ce n'était rien par rapport au mark allemand. Une nouvelle monnaie d'abord appelée « Rentenmark » fut créée en Allemagne à compter du 1er décembre 1923. Un de ces nouveaux marks était échangé contre 1.000 milliards d'anciens marks. C'est dire à quelle situation totalement débile on était arrivé.
Des élections législatives eurent lieu en France le 11 mai 1924. La population excédée vota massivement pour le cartel des gauches qui soutenait Aristide Briand. Les différents partis du cartel des gauches eurent 441 élus et la droite 137. La politique Millerand-Poincaré était massivement rejetée par le corps électoral. Et voici ce qu'écrit Georges Suarez dans « Briand » tome VI, chapitre I :
« Le 1er juin 1924, 307 députés cartellistes votèrent un ordre du jour où il était dit que le président de la République ayant pratiqué une politique personnelle -celle du bloc national que le pays venait de condamner- son maintien à l'Elysée blessait la conscience républicaine et ne manquerait pas d'engendrer des désaccords incessants entre le gouvernement et le chef de l'Etat. »
Une liste de griefs faits à Millerand suivait, parmi cette liste, ses interventions à la conférence de Cannes.
A la suite de quoi, Millerand eut beaucoup de mal à trouver quelqu'un pour former un gouvernement ; tous les pressentis se récusaient. Enfin un nommé François-Marsal se décida. Son investiture fut rejetée le 10 juin 1924 au Sénat par 154 voix contre 144 et à la Chambre des députés par 327 voix contre 217.
Le lendemain (11 juin 1924) Millerand se démettait de ses fonctions de Président de la République et le 13 juin l'Assemblée Nationale (à l'époque Sénat et Chambre des députés) élisait Gaston Doumergue comme Président de la République.
Cela montre que les parlementaires peuvent avoir la peau d'un président désavoué par les électeurs, sauf quand le système est bloqué par la concomitance des élections présidentielles et législatives.
J.D. 10 juin 2014
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