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23 février 2014 7 23 /02 /février /2014 21:00

La déclaration de guerre de l'empire d'Autriche-Hongrie à la Serbie le 28 juillet 1914 (juste un mois après l'assassinat à Sarajevo de l'archiduc d'Autriche François-Ferdinand et de Sophie son épouse) fut le premier pas de l'engrenage de la première guerre mondiale.

Quatre pays (Italie, Grèce, Bulgarie et Roumanie) vendirent leur participation à la guerre au plus offrant en termes d'extensions territoriales. La Bulgarie se rangea du côté de l'Allemagne et les trois autres, dans l'ordre Italie, Roumanie et Grèce, de notre côté.

*La Bulgarie : devenue « principauté indépendante » (de l'empire ottoman) en 1878, la Bulgarie s'était proclamée « royaume de Bulgarie » le 5 octobre 1908 et Ferdinand s'était proclamé « tsar de Bulgarie ».

La Bulgarie avait participé avec la Roumanie et la Grèce à une guerre contre l'empire ottoman appelée « première guerre balkanique » en octobre 1912 où l'empire ottoman avait été vaincu, puis la Bulgarie s'était retournée contre ses alliés en juin 1913 (seconde guerre balkanique) mais avait été vaincue par la Grèce et la Roumanie. La Bulgarie avait dû céder au traité de Bucarest le 10 août 1913 la Macédoine qui fut partagée entre la Serbie et la Grèce et la « Dobroujna » (région à l'est de Bucarest) à la Roumanie. C'est le 5 octobre 1915 que la Bulgarie entra en guerre aux côtés de l'empire allemand et de l'empire d'Autriche-Hongrie, imitée le 1er novembre 1915 par l'empire ottoman.

La Bulgarie se trouva à la fin de la guerre dans le camp des vaincus.

*L'Italie : Voir la note N°161 « L'Italie et la guerre de 14 ». Pour sa participation, l'Italie avait demandé beaucoup. Les alliés avaient beaucoup promis mais tinrent peu après la guerre. En matière politique, il est bien connu que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent !

Un siècle plus tard, on peut penser que l'Italie fit le bon choix en terme d'intérêt général mais sur le stricte plan italien, elle fit peut-être le mauvais choix, ce qu'elle fit encore lors de la seconde guerre mondiale. Que ce serait-il passé si l'Italie comme la Bulgarie s'était mise du côté allemand ? Cela aurait peut-être entraîné aussi Grèce et Roumanie, changé le sort de la guerre, évité la seconde guerre mondiale …. On ne réécrit pas l'histoire. Mais il n'est pas interdit de faire du roman fiction et je serais curieux de voir ce qu'écrirait un bon romancier de docu-fiction.

*La Grèce : Constantin était roi de Grèce au début de la guerre. Il était le petit-fils d'un roi du Danemark, l'arrière petit-fils d'un tsar de Russie et le beau-frère du kaiser Guillaume II. Il penchait du côté allemand, mais Venizelos son premier ministre penchait de l'autre côté et autorisa le 3 octobre 1915 le débarquement anglo-français à Salonique contre l'avis du roi qui débarqua...son premier ministre !

Venizelos vint rejoindre les franco-anglais à Salonique (ou Thésalonique) et constitua un gouvernement provisoire le 16 novembre 1916 et la Grèce fut divisée en 2 : les partisans du roi contre les partisans de son ex premier ministre.

Le 10 juin 1917, le roi dut abdiquer en faveur de son fils. Le 7 décembre 1916 la Grèce de Venizelos avait déclaré la guerre à l'Allemagne et à la Bulgarie. Après l'abdication du roi, Venizelos était revenu à Athènes et redevenu chef du gouvernement de toute la Grèce.

La Grèce ne tira presque pas d'avantages de cette guerre mais se lança dans une nouvelle guerre contre la Turquie le 15 mai 1919 pour récupérer Constantinople que les Grecs considéraient comme leur appartenant « historiquement ». Ils furent vaincus.

*La Roumanie : C'est le roi Ferdinand qui régnait à Bucarest lors de la guerre de 14. En 1893 il avait épousé Marie d'Edimbourg fille du duc d'Edimbourg et d'une princesse impériale russe. Son président du conseil en même temps ministre de la guerre s'appelait Vintila Bratiano. Celui-ci passa son temps à des surenchères et les alliés en eurent une très mauvaise opinion. Voici quelques extraits de ce qu'en dit Suarez dans « Briand », livre III (publié en mars 1939) chapitre XI :

« Mais le président du Conseil, Bratiano, n'abusa-t-il pas, lui aussi, d'une situation qui se prêtait à pas mal de marchandages et de tractations tortueuses ? ...Un Anglais, Harold Nicholson, l'a dépeint sous un jour fort disgracieux. Bratiano, écrit-il, est une femme à barbe, un mystificateur, un intellectuel de Bucarest, un homme très déplaisant. Exubérant et beau, il penche sa belle tête de côté, regardant son propre profil dans la glace, stupide, imbécile. Il est aujourd'hui très verbeux et ne convainc personne. Dans son propre pays, l'opposition lui reprochait sa politique d'usurier. Les faits aller démontrer l'exactitude de ces griefs...

Cette décision ajoutée à leurs machiavéliques combinaisons pour obtenir beaucoup en risquant peu fut une des causes déterminantes de leur débâcle...

Enfin, Bratiano réclamait pour son pays le droit d'être traité sur le pied complet d'égalité avec les grandes puissances. Tous ces sacrifices étaient scandaleusement disproportionnés avec les résultats que l'on pouvait espérer d'une intervention roumaine...

Tout semblait, cette fois, indiquer la fin des tergiversations. La sotte avidité de Bratiano allait cependant retarder encore l'événement...

Le 17 août (1916) le traité était signé à Bucarest. Les stipulations politiques octroyaient aux Roumains la Transylvanie, la Bukovine et le Banat de T'emesvar. Les Alliés s'engageaient à ne pas conclure de paix séparée avec l'ennemi tant que ces territoires n'auraient pas été cédés à la Roumanie et à admettre celle-ci dans les délibérations des grandes puissances. Ces concessions exorbitantes furent un des grands scandales de la guerre qui , pourtant, n'en manqua pas. Mais la France et ses Alliés n'avaient pas le choix. On fondait sur le concours des Roumains des espoirs qui allaient se muer en autant de graves déceptions....

Le 28, l'ordre de mobilisation était lancé...

La réponse fut une déclaration d'hostilité en bonne et due forme, expédiée de Sofia (capitale de la Bulgarie et non de la Lorraine!) à Bucarest (capitale de la Roumanie) le 1er septembre. En même temps, l'Allemagne et la Turquie imitaient la Bulgarie et se déclaraient en état de guerre avec la Roumanie. Ainsi s'ouvrit une campagne qui allait être terminée en quatre mois par l'écrasement de l'armée roumaine et l'invasion du pays. L'ennemi du reste fut généralement bien accueilli, surtout par les dames de la société de Bucarest. A qui revint la responsabilité de la débâcle ? Certainement à l'esprit intransigeant de Bratiano qui en voulant jouer au plus fin laissa passer toutes les occasions de faire tenir à son pays un rôle utile dans la guerre. Son aveuglement à l'égard de la Bulgarie, qui le détourna du véritable objectif militaire à atteindre et ses palinodies tantôt pour gagner du temps, tantôt pour accroître ses exigences furent les vraies causes de la catastrophe. Six semaines plus tôt, quand les troupes austro-hongroises reculaient en désordre devant la fulgurante chevauchée de Broussilow (le Russe), l'intervention roumaine eût pu être décisive. Elle se produisit lorsque l'instant où elle aurait pu servir était passé. Les Russes n'avançaient plus. Les Italiens piétinaient ; la bataille de la Somme était enrayée. La Roumanie ne pouvait plus être que la victime de l'excès d'habileté de son premier ministre. »

Durant les mois qu'avaient duré les négociations, les Roumains avaient utilisé des commandos de charme. Voici ce qu'écrit à ce sujet Suarez (ouvrage cité, même tome, chapitre IV) :

« Pendant la grande guerre, elle (la Roumanie) monnaya avec la même habileté d'abord sa neutralité et ensuite sa coopération. Jusqu'à la dernière minute, elle espéra qu'il serait toujours temps d'intervenir aux côtés du plus fort pour réclamer sa part du butin. Malheureusement la guerre dura plus longtemps que ne le prévoyait ce plan ingénieux et un jour vint où il fallut se décider à opter. En attendant, les dames de ce galant royaume, entreprenantes et expansives, cherchaient à conquérir le monde à leur manière et surtout la France. Il n'est pas de pays qui se soit montré plus sensible que le nôtre aux charmes des nombreuses ambassadrices que Bucarest déversa sur nous pendant la guerre. On en trouvait et on en trouve encore (Suarez écrit en 1939) à tous les degrés de l'échelle sociale. Et toutes avaient une opinion sur notre politique, sur nos homme d’État, sur les événements. Elles donnaient des conseils, multipliaient les avis et quelquefois, pas toujours, exerçaient victorieusement leur séduction sur les ministres. On conçoit qu'avec une armée aussi gracieuse et remuante, le sage monarque de Roumanie ait ménagé l'autre (c'est-à-dire l'Allemagne) pendant deux ans, avec l'espoir de ne pas avoir à s'en servir. »

L'utilisation de charmes féminins à des fins diplomatiques, politiques, militaires, sans parler du commercial, n'est pas nouveau dans l'histoire des sociétés humaines. L'ancien testament nous en fournit déjà des exemples célèbres comme Dalila chez les Philistins qui séduisit Samson pour connaître le secret de sa force (livre des Juges) ou Judith qui séduisit Holopherne général assyrien de Nabuchodonosor pour lui couper la tête et la rapporter chez les Hébreux (livre de Judith) ou encore Esther qui épousa à Suse le « Grand Roi » (des Perses) et évita l'extermination des Juifs (livre d'Esther).

La ville de Bucarest fut prise par les Allemands dès le 21 décembre 1916 et le pays aux 3/4 occupés.

Le pays fut libéré lors de la grande offensive de 1918.

A la grande loterie des traités d'après guerre la Roumanie fut grande gagnante et doubla grosso modo sa superficie entre avant et après la guerre. Mais était-ce dû à l'héroïsme de l'armée, à l'habileté des diplomates ou au charme des Roumaines ?

J.D. 23 février 2014

le prince Carol de Roumanie qui sera roi (Charles II) de 1930 à 1940, photo "Le Miroir" du 23 septembre 1917

le prince Carol de Roumanie qui sera roi (Charles II) de 1930 à 1940, photo "Le Miroir" du 23 septembre 1917

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