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19 janvier 2014 7 19 /01 /janvier /2014 18:24

Quand j'étais gamin, cela remonte à plus de 60 ans, à l'école on disait : « Cicéron c'est Poincaré ». Des générations successives d'élèves ont dû dire la même chose. Cette formule m'est revenue à l'esprit à la lecture d'un texte sur Raymond Poincaré. Il fut président de la République durant la première guerre mondiale dont on va fêter le centenaire cette année. C'est l'occasion de faire le point.

Poincaré :

Il naquit à Bar-le-Duc le 20 août 1860 et décéda à Paris le 15 octobre 1934. Après des études de droit, il devint avocat et commença une carrière politique après son élection comme député de la Meuse en 1887, il le fut jusqu'en 1903, puis fut sénateur du même département de 1903 à 1913 et de 1920 à 1934. Durant sa carrière politique, il fut :

*ministre de l'Instruction publique d'avril à décembre 1893 et de janvier à novembre 1895,

*ministre des Affaires étrangères de janvier 1912 à janvier 1913 puis de janvier 1922 à juin 1924

*ministre des finances de mai 1894 à janvier 1895, de mars à octobre 1906 et de juillet 1926 à novembre 1928

*Président du Conseil des ministres de janvier 1912 à janvier 1913, de 1922 à 1924 et de 1926 à 1929

*Président de la République élu le 17 janvier 1913 jusqu'en 1920, il ne se représenta pas. Il écrivit ses mémoires en 10 volumes de 1926 à 1934

Cette énumération montre que Poincaré fut impliqué à un titre ou à un autre dans tous les grands événements de la France de la fin du XIXe siècle et du début du XXe y compris la guerre de 14, le déménagement du gouvernement à Bordeaux lors de l'avance allemande. Très patriote, Poincaré soutint le renforcement militaire français face à l'énorme effort de guerre allemand, les conditions draconiennes imposées à l'Allemagne après la guerre, l'occupation de la Ruhr à compter du 11 janvier 1923. On lui doit également la loi du 25 juin 1928 créant un nouveau franc qui fut appelé « franc Poincaré » après une dévaluation de notre monnaie dont le cours fut divisé par 5 !

Poincaré s'était rendu en Russie en août 1912 et en juillet 1914 après l'attentat de Sarajevo. Certains historiens lui imputent d'avoir encourager les Russes à la fermeté ce qui enclencha l'engrenage menant à la guerre. Sur les causes de la guerre de 14 voir sur mon blog la note N° 133 (le funiculaire franco-allemand)http://jean.delisle.over-blog.com/le-funiculaire-franco-allemand-n-133.

Sous la troisième République, les Présidents étaient élus par « l'Assemblée Nationale », mais à l'époque il s'agissait de l'ensemble Sénat et Chambre des députés. Les partis avaient donc une grande influence sur l'élection et chaque renouvellement entraînaient discussions, tractations etc entre les partis et à l'intérieur de chaque parti la guerre entre les prétendants. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil.

Avant Poincaré c'était Armand Fallières qui avait été élu en 1906. A l'approche de la fin de son mandat, les grandes manœuvres commencèrent. Clemenceau aurait bien voulu être Président mais il s'était fait trop d'ennemis pour avoir une chance d'être élu. Clemenceau mit en avant l'un de ses pions en la personne de Pams qui était ministre dans un gouvernement dont Poincaré était le Président du Conseil. Aristide Briand qui ne voulait pas de Clemenceau encouragea Poincaré, fit sa campagne et parvint à rameuter assez de voix pour faire élire Poincaré au grand dam de Clemenceau qui n'était pas habitué à ce genre d'échec. Voir sur mon blog la note consacrée à Ferdinand Sarrien qui était parvenu à faire rentrer dans le même gouvernement Poincaré, Clemenceau et Briand (note N° 124) : http://jean.delisle.over-blog.com/ferdinand-sarrien-n-124

. Même en cherchant bien, il me paraîtrait difficile dans le personnel politique français actuel de trouver 3 grosses pointures comparables !

Sur l'élection de Poincaré comme Président de la République, voici le commentaire qu'en fait Georges Suarez dans sa biographie de Briand, livre second édité en 1938, chapitre X :

« Le septennat de Fallières s'achevait et déjà les milieux politiques supputaient avec passion les chances des candidats à l'Elysée....

C'était Briand qui avait décidé Poincaré à se lancer dans la bataille présidentielle....

Un jour au Sénat, Clemenceau entraîna Pichon et Poincaré dans un bureau et posa nettement la question de la succession de Fallières. Il affecta d'ignorer que Poincaré avait déjà été pressenti et se livra à un féroce jeu de massacre sur les candidats éventuels....La série était épuisée. Pas un candidat n'était sorti vivant de cette hécatombe. Chacun se disposait à prendre congé, quand le Tigre, d'un geste amical, arrêta Poincaré : On parle aussi de vous, mais vous êtes trop jeune pour être élu. Dans sept ans, vous serez tout indiqué. L'impression de Poincaré et de Pichon, après cette conversation mouvementée, était que Clemenceau avait espéré que l'un des deux lui dirait : Et pourquoi pas vous ? Son orgueil intraitable l'avait empêché de se proposer lui-même. Il attendait qu'un autre le fit à sa place, ce qui était d'une bien grande naïveté chez un homme réputé pour son cynisme....La candidature de Poincaré, par le prestige intellectuel qui s'attachait à sa figure, par son exemplaire assouplissement aux rites parlementaires, avait un caractère sensationnel que les mœurs du régime n'eussent pas admis dans une période normale. Mais les menaces qui assombrissaient l'horizon semblaient justifier l'exception faite à la règle. Pour des raisons de politique étrangère autant que pour restituer au pays une confiance durement éprouvée par les erreurs passées, il fallait aux yeux de Briand que le choix du chef de l'Etat impliquât une volonté de redressement et de restauration du prestige national . Le personnage de Poincaré remplissait l'emploi à merveille. Il avait le ton, la tenue, l'autorité extérieure qui convenait à la fonction.... Clemenceau n'avait pas d'amis qui ne s'attendait à devenir son ennemi....la campagne se poursuivait avec de sourdes violences, alimentée de vilains potins et de fielleuses insinuations....

Pour la première fois, le candidat de Clemenceau à l'Elysée était battu. Sa réputation de faiseur de chef d'Etat était touchée. Mais celle de Briand naissait. Désormais le Tigre ne serait plus seul pour imposer au pays le premier venu de son choix ou de son caprice....

L'élection de Poincaré était désirée par l'opinion publique. Il symbolisait par sa probité, son patriotisme, la dignité de sa vie, le changement souhaité par tous. On ne le confondait pas, à tort ou à raison, avec les professionnels de la politique et du pouvoir. Depuis l'alerte d'Agadir et les révélations sur le rôle de Caillaux dans ses tractations avec l'Allemagne, le pays aspirait sincèrement à un renouveau d'hommes et de méthodes. Poincaré semblait être désigné par un ensemble de vertus, pour donner le sentiment à l'opinion publique que la France était gouvernée, que l'ère des scandales était close, et que le redressement du pays national était commencée. Son retour à Paris fut triomphal. Sur les boulevards, dans les cafés, jamais on n'avait tant acclamé un président de la République... »

Cicéron :

Difficile de faire une comparaison entre 2 individus et 2 carrières à 2000 ans d'intervalle.

Cicéron naquit le 3 janvier de l'an 106 avant notre ère à Arpinum (aujourd'hui Arpino dans le Latium, région autour de Rome) et mourut assassiné par les soldats d'Antoine le 7 décembre -43 à Gaeta, aussi dans le Latium.

D'abord avocat il fut aussi orateur, auteur et homme politique. Beaucoup de ses plaidoiries sont restées dans les annales . Il fut questeur en -75, édile en -69, prêteur en -66 et consul en -63. Cette année là il était opposé à Lucius Catilina à propos duquel Plutarque (écrivain grec du début du second siècle de notre ère) écrit dans « Vie de Cicéron » en 10 : « Lucius Catilina qu'on avait accusé entre autres crimes de taille, d'avoir eu avec sa fille des relations incestueuses et d'avoir tué son propre frère ».

Catilina évincé, prépara un coup d'Etat décrit par Plutarque mais aussi par Salluste (Conjuration de Catilina). Catilina s'allia avec une délégation d'Allobroges venue à Rome, mais les Allobroges préférèrent dénoncer le projet. Cicéron put faire arrêter les principaux conjurés. Catilina lui-même fut tué en janvier -62 à Pistoia. Sur proposition de Caton, Cicéron fut proclamé « père de la patrie ». C'est à l'occasion du conflit contre Catilina que Cicéron prononça devant le Sénat cette formule d'éternelle actualité : « O tempora ! O mores » (quelle époque, quelles mœurs).

Dans la guerre civile qui opposa Pompée et César, Cicéron prit le parti de Pompée. César, vainqueur, lui pardonna. Après Pompée, Cicéron bénéficia de la protection d'Octave (futur Auguste) et Cicéron se déchaîna contre Antoine dans « Les Philippiques ». Mais lorsque Octave s'allia à Lépide et à Antoine dans le second triumvirat, Octave abandonna Cicéron à la vengeance d'Antoine et les soldats lui coupèrent les mains pour le punir d'avoir écrit les Philippique puis la tête, tranchant le pauvre Cicéron comme des rondelles de saucisson.

J.D. 19 janvier 2014

buste de Cicéron au Palais des Conservateurs à Rome

buste de Cicéron au Palais des Conservateurs à Rome

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