Cette note N°300 est consacrée à Saint Jean d'Arvey, où je réside depuis 37 années. Je devais bien cela à cette commune de Savoie.
L'Histoire et le passé de cette commune ont déjà fait l'objet d'un certain nombre de publications. En voici 2 :
*« Saint-Jean-d'Arvey en Savoie » de Nicole Vaget-Grangeat publié en 1999 à La Fontaine de Siloé. Ce livre est très documenté et abondamment illustré.
* »Je suis née avant la guerre... à Saint Jean » de Geneviève Crémilleux née Roux. Ce livre est encore en vente chez l'auteure à Saint Jean d'Arvey (04 79 28 42 47)
En complément à ces ouvrages, voici 3 anciennes descriptions de Saint Jean d'Arvey :
* »Dictionnaire du Duché de Savoie », auteur anonyme (1840) :
« Saint Jean d'Arvey : commune à 1 lieue 1/2 au nord-est du mandement, postes et insinuation de Chambéry (Savoie-propre). Population : 1.000 habitants, superficie : 3193 journaux. Son territoire en pente prend de la montagne du Nivolet et s'étend jusqu'à la rive droite de la rivière de Laisse et forme une commune assez étendue ayant regard au sud-est. Elle est très productive en vins, grains, bois, fruits, légumes et fourrages. Elle est traversée par la nouvelle route de communication avec les Bauges par Les Déserts. »
* »Promenades en Savoie » par Achille Raverat 1872 :
« le chemin plusieurs fois replié sur lui-même nous conduit bientôt à Saint Jean d'Arvey, gros village s'étendant à son aise sur le large plateau qui descend du mont Chaffardon, et s'appuie sur les rochers du Bout-du-Monde. La commune est riche en grains, légumes, fourrage et bois ; on y trouve même quelques vignes.
L'église, moderne de style grec, a son intérieur décoré dans le genre pompéïa, décoration assez originale et en harmonie avec l'architecture de l'édifice. Non loin de l'église, dans un carrefour du village, voici une grosse pierre brute dont les villageois font l'objet d'une vénération traditionnelle, nous avons tout lieu de présumer que c'est un menhir, une petite croix de fer fixée au sommet de ce monument druidique, l'a conquis au christianisme.
Il existait sur ce territoire plusieurs domaines ayant le titre de fiefs : Salins, modeste maison bourgeoise, Chaffardon, gros bâtiment qui semble écrasé sous le poids d'une énorme toiture aplatie, La Bathie, construction massive, crénelée et habitée malgré son délabrement. La Bathie appartenait à la famille de Seyssel, dont on voit les armes au dessus de la porte d'entrée.
Au-delà de Saint Jean d'Arvey, un nouveau chemin se détache de la route principale et descend au fond du ravin de la Laisse, là où cette rivière reçoit le nant de Tormeroz. Un pont élevé, un vieux moulin placé entre les deux cours d'eau, une puissante végétation et de gros rochers forment en cet endroit un très heureux tableau. »
* »Histoire des communes savoyardes », ouvrage rédigé par un collectif (Philippe Paillard, Michèle Brocard, Lucien Lagier-Bruno, André Palluel-Guillard), éditions Horvath, mai 1982 :
Saint-Jean-d'Arvey (à noter les 2 traits d'union dans l'orthographe du nom de la commune. Sur les bulletins municipaux, c'est à partir de 2010 que l'on trouve : Saint-Jean d'Arvey, alors que sur l'annuaire des postes on a : Saint Jean d'Arvey, comme sur le dictionnaire du duché de Savoie en 1840, tandis que sur l'annuaire des communes de France, on a toujours Saint-Jean-d'Arvey, ainsi que sur l'almanach du facteur)
Appellation médiévale : Arvisium
Toponyme révolutionnaire : Mont d'Arvey
Habitants : les Sangerains (et les Sangeraines).>
Population : 635- 669 (en 1776)-1030- 715- 597- 587 (au recensement de 1975 et 1628 habitants au recensement de 2013)
Altitude : 570 mètres (au chef-lieu)
Superficie : 1301 hectares
à 7 kms de Chambéry.
Province de Savoie, puis de Savoie-Propre, mandement de Chambéry (1815/1860). Judicature mage de Chambéry. Tabellion de Chambéry.
Diocèse de Grenoble (Décanat de Savoie) puis diocèse de Chambéry (1779/1792), diocèse de Chambéry et Genève (1802/1820), puis de Chambéry depuis 1820.
Pendant la Révolution, canton de Saint-Alban. Après 1800, canton de Chambéry-Nord. Après 1816, mandement de Chambéry.
Hameaux et lieux-dits : La Corbière, la Crouette, l’Église, Lovettaz, Montagny, Le Nivolet, Planaz, Le Puisat, Les Thermes, Les Villard.
En grande partie adossée au rebord méridional du plateau des Bauges, du Mont-Peney et du Nivolet, Saint-Jean-d'Arvey est apprécié depuis longtemps, comme station climatique jouissant d'une des plus belles vues sur la cluse de Chambéry, les massifs de la Chartreuse et des Belledonnes et la vallée du Grésivaudan. La commune est limitée au sud et à l'est par le cours de la Leysse qui se précipite en cascade au Bout du Monde. Un de ses affluents, la Doria, sort d'un trou du rocher au pied de la falaise ; un autre orifice au-dessus du précédent laisse également sortir de l'eau, en cas de fortes pluies ; elle coupe la commune en deux par un profond ravin.
Les fouilles du docteur Carret (1844/1912) : Le relief calcaire des Préalpes a provoqué la formation de nombreuses grottes. Non loin de la source de la Doria s'ouvre la grotte de la Doria dite aussi Grotte à Carret. Une légende locale voulait que cette grotte ait été habitée par une famille princière expulsée d'Italie ; la famille Donaz dit le Prince, connue à Saint-Jean, tirerait son origine des anciens habitants de cette grotte.
Ce lieu fut certainement habité à l'époque néolithique (période qui, en Europe, va de 7000 à 2000 avant J.C.); on a trouvé quelques silex.Mais il est surtout intéressant par l'évocation du personnage du docteur Carret qui devait pendant sept années, à partir de 1886, faire fouiller la grotte de fond en comble. Jules Carret, notable chambérien, conseiller municipal (de Chambéry), député de la Savoie, fut un personnage haut en couleurs : franc-maçon, anthropologue et archéologue à ses heures, le portrait de ce que l'on considérait alors comme un original. En 1895, il achète à la commune de Saint-Jean-d'Arvey une parcelle de terrain devant l'entrée de la grotte et se fait bâtir, sous la caverne, une maison à moitié enterrée, sobre et austère, où il résidera durant ses vacances de député et plus longtemps après avoir été battu, en 1889. Il mettra à jour des ossements d'animaux et un squelette humain de Cro Magnon (c'est en 1868 que fut découvert en Dordogne, un squelette dit de Cro Magnon qui remonte à 27.000 ans avant notre ère, à la suite, par analogie, les squelettes compris entre -40.000 et -12.000 ans furent considérés comme de Cro Magnon), mais, malgré un travail colossal, ses découvertes ne combleront pas son attente.
Les origines : Le Mont Peney fut donc un lieu très anciennement habité (on y a découvert aussi des gravures rupestres de l'âge de bronze) (grosso-modo, l'âge de bronze va de -3000 à -1000 avant notre ère) ; dans la commune ont été trouvées des tombes romaines.
Au Moyen Age (période qui va de la chute de l'Empire romain d'occident en l'an 476 à la chute de Constantinople en 1453), Saint-Jean-d'Arvey releva d'abord de la seigneurie d'Arvey qui comprenait aussi Thoiry et Puygros ; deux familles se partageaient le pays : les d'Arvey et les Chaffardon. Les Chaffardon apparaissent au début du XIIIe siècle et se firent construire une maison forte qui fut transformée plus tard en château. La seigneurie passe en 1633 à la famille d'Oncieu par les mains de Janus d'Oncieu, président du Sénat de Savoie, en faveur de qui elle fut érigée en marquisat en 1682. Sous la Révolution (Saint-Jean-d'Arvey est alors devenu Mont-d'Arvey), la famille émigra à Turin. En 1876, Joseph d'Oncieu épousera la fille d'un riche industriel de la Sarre qui fera reconstruire le château sur les parties anciennes, lui donnant son aspect actuel. La famille Perrier en est devenu propriétaire depuis 1970.
Les d'Arvey connus dès le Xe siècle avaient fait construire au XIIIe siècle une maison forte sur l'emplacement de la villa d'un colon romain du nom d'Alvisius. En 1421, le duc de Savoie (il s'agit d'Amédée VIII qui en 1421 avait le titre de duc depuis 5 ans) accorde à Pierre de Salins l'investiture et le fait seigneur de Salins. En 1539, il est vendu à la famille de Antoine Piochet , avocat à Chambéry. Son petit-fils y fera d'importantes réparations. Viendra ensuite la famille de la Place qui gardera le titre de Salins puis Perrier de la Bathie.
Actuellement, on voit une tour ancienne englobée dans un corps de logis des XVIe et XVIIe siècles.
L'église de Saint-Jean-d'Arvey, dédiée à Saint> Jean-Baptiste, était, comme le prieuré de Thoiry, sous la dépendance du chapitre de la Sainte Chapelle (du château de Chambéry). Pendant une grande partie du Moyen Age, les visites pastorales la dépeignent comme mal entretenue et délabrée ; en 1667, elle est une première fois reconstruite de fond en comble et disparaissent ainsi les vestiges des anciennes chapelles ; l'église actuelle est du XIXe siècle.
Métiers du fer : En dehors de l'activité rurale traditionnelle qui permettaient de subvenir aux besoins des habitants, la commune offrait la particularité de posséder une petite industrie métallurgique.
Cette activité semble d'ailleurs remonter loin dans la passé et s'exerçait dans le hameau de la Crouettaz, dont le nom viendrait peut-être d'une grotte d'où aurait été extrait le minerai de fer.
Cette exploitation aurait été le fait des moines chartreux tant de Bellevaux-en-Bauges (il y a sûrement une erreur de frappe et il s'agit probablement de Bellecombe-en-Bauges) que de Saint-Hugon, d'où serait venu (d'Arvillard plus exactement) un certain Grangeat qui exploitera les mines de son vivant. Les Grangeat seront maîtres de forges jusqu'en 1840.
Le combustible était fourni par le bois de forêt du Bois-Rond et l'on raconte que les plaques de fer, extraites des hauts fourneaux, étaient traînées dans la forêt dans des couloirs jusqu'au sommet de la côte ; de là elles glissaient jusqu'aux forges, au lieu-dit le Martinet, un peu après le hameau de la Crouettaz, non loin du mamelon, de la Pallud (commune de Thoiry) où résidaient les nobles de la Pallud, premiers propriétaires des forges. Les ouvriers des forges logeaient à la Crouettaz.
De petits métiers procuraient quelques ressources aux habitants. Certains avaient ainsi au XIXe siècle continué de porter le bois de la forêt communale et le bois de noyer au marché de Chambéry ; cet usage aurait cessé à la fin du siècle (il >s'agit du XIXe siècle).
Les servants : Les servants étaient l'objet d'une croyance très généralement répandue en Savoie mais qui donnaient motifs dans la région de Saint-Jean et de Thoiry aux récits les plus fantastiques. C'étaient des sortes de génies tutélaires (génies de protection), que possédaient les familles importantes et principalement les seigneurs. Ils prenaient volontiers la forme d'un animal monstrueux (chien, cheval ou petit chat devenant soudain d'une grosseur prodigieuse) et apparaissaient souvent la nuit. Gare alors à celui qui s'aventurait dans le champ d'un de ces personnages ; en sus de la frayeur, il risquait de voir s'abattre sur lui une grêle de pierres ou d'être emporté par d'énormes blocs de rocher dévalant de la montagne. D'autres fois il renversait la marmite de soupe de l'intrus à table, cassait la vaisselle, ou suspendait pendant la nuit une jument à la charpente du galetas. Il y avait plusieurs de ces êtres fantastiques à Saint-Jean-d'Arvey : le servant du Bois-Rond qui surveillait les propriétés des seigneurs de S>alins et leurs troupeaux. Celui de Ste Nicolle (on trouve aussi souvent l'orthographe Saint Nicolle que Sainte Nicolle) qui prenait un malin plaisir à cacher les outils des ouvriers agricoles, celui du château de Salins, apparaissant la nuit sous la forme d'un élégant cavalier ou d'un chien énorme.
Au début du présent siècle (il s'agit du vingtième siècle) Saint-Jean-d'Arvey était un lieu de villégiature apprécié ; à la veille du second conflit mondial, cinq hôtels étaient ouverts ; la commune comptait aussi plusieurs cafés (6) et de nombreux commerçants (épiciers, fromagers, boulangers, bouchers). Il y avait aussi un maréchal-ferrant, un cordonnier, et plusieurs charpentiers et menuisiers. Aujourd'hui encore, le village garde trace de cette pluri-activité qui en fait ses charmes ; la population, longtemps en déclin, remonte progressivement depuis 1968. En octobre 1980, elle était de 824 habitants, en hausse donc importante sur le dernier recensement.
St-Jean-d'Arvey veut actuellement maîtriser l'afflux de population engendré par la croissance du chef-lieu (il s'agit de Chambéry et de son agglomération), et respecter l'environnement : éviter la pollution des sources par les infiltrations provenant du plateau des Déserts, intégrer la propriété Chaffardon que la commune vient d'acquérir. La municipalité y projette le maintien d'un espace vert sur trente-cinq hectares, accroissant ainsi la surface lui appartenant (c'était déjà le village ayant la plus grande superficie appartenant à la commune). Trois hectares supplémentaires seront constructibles sous forme de lotissements ».
Commentaires : Les citations sont en italiques, les ajouts en caractères droits sont des précisions pour éclairer le lecteur.
Il convient de lire ces textes en gardant en mémoire leur date de publication.
A titre de cadrage général, on peut ajouter :
*C'est à partir du XIe siècle que les descendants du Mauriennais Humbert constituèrent une dynastie et agrandirent leur territoire. D'abord avec un titre de comtes puis de ducs (en 1416) puis de rois (à partir de 1720). Le terme « duché de Savoie » concerna l'ensemble du territoire de la Maison de Savoie, jusqu'à la royauté. Ensuite il désigna seulement la partie française de leurs possessions, ce qui correspond aujourd'hui aux départements Savoie et Haute-Savoie.
*Vassale du Saint Empire romain germanique jusqu'en 1720, la Savoie fut souvent envahie surtout par les troupes françaises, mais aussi par les Espagnols. Une première annexion de la Savoie par la France eut lieu de 1536 à 1559 sous les règnes de François 1er et d’Henri II. C’est durant cette période que François 1er imposa l’usage du Français en Savoie. A partir du traité de Lyon en 1601, les possessions de la Maison de Savoie de ce côté-ci des Alpes diminuèrent , tandis qu'elles augmentaient du côté italien.
*Le « duché de Savoie » fut une nouvelle fois annexé par la France après l'invasion de septembre 1792 puis rendu au royaume de Sardaigne après la chute de Napoléon Bonaparte avant d'être finalement « réuni » à la France officiellement à compter du 14 juin 1860 à midi.
*Entre 1815 et 1860, le duché de Savoie avait été divisé en provinces. La région de Chambéry constituait « la Savoie propre », la région d'Albertville : « la Haute-Savoie » etc
On rappellera, parce que c'est quand même croustillant, qu'au référendum d'avril 1860 pour savoir si les habitants voulaient devenir Français, dans les bureaux de vote, ils n'eurent à leur disposition que des bulletins « OUI », pas d'isoloirs et que dans beaucoup de villages, les électeurs se rendirent pour voter, en cortège, au sortir de la messe, drapeaux français et fanfare en tête.
En dernière remarque, ajoutons que sur la porte latérale, l'église de Saint Jean d'Arvey, consacrée à Saint Jean-baptiste, porte la date de 1665, ouf, les ouvriers qui ont construit l'église avaient déjà la bière 1664 pour se rafraîchir !
Sur le « Dictionnaire étymologique des noms de lieu de la Savoie » d'Adolphe Gros, publié en 1994 à La Fontaine de Siloë, voici l'évolution du nom de Saint Jean d'Arvey :
-Ecclesia Sancti Johannis de Arvesio vers l'an 1100
-Apud Sanctum Johannem de Arvisiis en 1207
-Parrochia Sancti Johannis de Arveisio en 1344
-Ecclesia Sancti Johannis de Arveysio en 1497
-St Jehan d'Alveys en 1575
-St Jehan d'Alvay en 1632
-St Jean d'Arveis au XVIIe siècle
-St-Jean-d'Arvey en 1738
Illustrations :
on trouvera en illustrations jointes à cette note :
*une photo du Mont Peney qui domine Saint Jean d'Arvey, photo Michèle Delisle 1998
*la photo d'une habitation de Saint Jean d'Arvey, route de la Crouette. Photo Dominique Croix avril 2016. Voir son site consacré principalement à la photo :
http://croixdelisle.over-blog.com
J.D. 26 juin 2016