Alexandre Dumas et Bismarck N°743

Alexandre Dumas et Bismarck N°743

C’est dès le 23 septembre 1862 que le roi de Prusse Guillaume 1^er avait nommé Otto von Bismarck (1815/1898) chef du gouvernement.

« La force prime le droit » était la devise de ce Bismarck.

Après l’écrasement de l’armée autrichienne par les Prussiens le 3 juillet 1866 à Sadowa (dans l’actuelle République tchèque), Alexandre Dumas écrivit : « La terreur prussienne » (texte publié en 1867).

Le chapitre IV est consacré à Bismarck. Voici le texte de Dumas en italique et quelques précisions en écriture droite :

« les vieux ministres, rompus à toutes les ruses de la diplomatie, le suivaient des yeux, une longue vue à la main…

Les jeunes diplomates… l’étudiaient plus sérieusement, croyant aux débuts d’une politique nouvelle destinée à porter leur époque à son apogée, et se répétaient cette question que l’Allemagne se fait depuis trois cents ans :

Ist es der Man ? (est-ce donc là l’homme?)

Pour que cette question adressée par la jeune diplomatie à M. Bismarck soit compréhensible, nous devons dire à nos lecteurs que l’Allemagne attend un libérateur comme les Juifs attendent un Messie. Ce libérateur, elle l’appelle, et, chaque fois que sa chaîne lui pèse trop, elle s’écrie :

Wo bleibt der Mann ? (Où donc est l’homme?)

Or, on prétend qu’aujourd’hui, en Allemagne, un quatrième parti s’apprête à surgir, qui, jusqu’à présent, s’est tapi dans l’ombre, mais, terrible, si l’on en croit les poètes blonds de l’Allemagne.

Écoutez ce que dit Heine à ce sujet : (Il s’agit de Heinrich Heine 1797/1856, poète et écrivain allemand peu connu en France malgré qu’il vécut à Paris de 1831 à sa mort) Le tonnerre est à la vérité , en Allemagne, allemand aussi ; il n’est pas très leste et vient en roulant un peu lentement ; mais il viendra. Et quand vous entendrez un craquement, comme jamais craquement ne s’est fait entendre encore dans l’histoire du monde, sachez que le tonnerre allemand aura enfin touché le but….On exécutera alors en Allemagne un drame auprès duquel la révolution française ne sera qu’une innocente idylle.

Si la prophétie s’était bornée à avoir Henri Heine pour prophète, je n’en parlerais même pas. Heine était un rêveur. Mais voici ce que dit de son côté, Ludwig B...(il s’agit de Beethoven né à Bonn en 1770 ; or la ville de Bonn avait été prise par les troupes du général Moreau le 18 octobre 1794 et intégrée dans le département français Rhin et Moselle de 1794 à 1814)

A vrai dire, l’Allemagne n’a rien accompli depuis trois siècles...Son jour viendra, et, pour l’éveiller, il faudra peu de chose : un mouvement de bonne humeur, un sourire du fort, une rosée du ciel, un dégel, un fou de plus, un fou de moins, un rien enfin, la cloche d’un mulet suffit pour faire tomber l’avalanche. Alors, la France, qui ne s’étonne pas de peu, cette France qui, tout d’un coup a accompli en trois jours l’œuvre de trois siècles (référence à la Révolution de 1789) et a cessé de s’émerveiller de ses propres œuvres, regardera avec stupeur le peuple allemand... »

Prémonitoire !

Le 5 décembre 1870, Alexandre Dumas mourait à Dieppe ; le 6 les Prussiens entraient dans la ville !

Et le 30 janvier 1933, « un fou de plus » devenait chancelier en Allemagne !

En France, les élections législatives des 26 avril et 3 mai 1936 voyaient la victoire du front populaire qui faisait élire 386 députés de gauche contre 224 de droite. C’est cette assemblée qui décida la participation de la France aux J.O. de Berlin (cérémonie d’ouverture le 1^er août 1936), envoya Edouard Daladier signer les accords de Munich (le 30 septembre 1938), déclara la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, mobilisa 4.700.000 soldats et vota les pleins pouvoirs à Pétain à Vichy le 10 juillet 1940 (par 569 voix pour et 80 contre). Pour comprendre comment une assemblée de gauche a pu voter les pleins pouvoirs, il faut se souvenir que le 10 juillet 1940, Staline était encore copain comme cochons avec Hitler !

J.D. 1^er mai 2023

portrait de Bismarck