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20 janvier 2013 7 20 /01 /janvier /2013 20:18

 

 

Le numéro CXV de « Mémoires et Documents » daté quatrième trimestre 2012 et édité par la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie (SSHA dont le siège est à Chambéry), publie les Mémoires d'un Savoyard nommé Jean Fleury Lacoste.

Ce Jean Fleury Lacoste est né à Montmélian (Savoie) le 16 janvier 1803 et il est décédé à Cruet (Savoie) le 21 juin 1871. Il fut viticulteur, agronome, fondateur et premier Président de la Société centrale d'agriculture de 1857 à sa mort. Il mit au point des procédés de lutte contre les maladies de la vigne, écrivit des livres, dont un "manuel du vigneron" en 1855, un "cours élémentaire d'agriculture" en 1862 et un "guide pratique du vigneron" en 1865. etc.

De 1864 à 1870, il rédigea ses mémoires. Le texte original comportait 325 folios dont 98 seulement nous sont parvenus, soit à peine plus du quart. Dommage car c'est du « sans fleurs ni couronnes ». Les amateurs de politiquement très incorrect seront ravis à la lecture de ces mémoires. Et comme la nature humaine n'a guère changé depuis des siècles....

Dans ce qu'il reste de ces mémoires, la partie concernant la réunion de la Savoie à la France est particulièrement intéressante. Et voici des extraits du texte de Jean Fleury Lacoste tel que l'a publié la SSHA à partir de la page 108 du N° précité:

« L'organisation du royaume du Piémont grandissait chaque jour. L'Empire d'Autriche finit par comprendre qu'au moyen de cette puissance naissante, les idées de nationalité italienne auraient un appui formidable dans ce Piémont libéral et régénéré qui paraissait devoir être à la tête de toute l'Italie. En effet, tous les Italiens opprimés avaient les yeux fixés sur le royaume de Victor-Emmanuel. Or, pendant que l'illustre comte de Cavour dévoilait à l 'Europe le despotisme affreux de l'Autriche, l'Italie se réveillait à ses accents si patriotiques et malgré la police écrasante du régime autrichien, on faisait circuler dans toute la péninsule les adresses de la Société nationale italienne avec le cri : indépendance-union . Des volontaires arrivèrent en Piémont pour former un corps d'armée sous les ordres du célèbre Garibaldi. Le gouvernement sarde autorise l'organisation de ce corps de volontaires. Ce petit corps prend bientôt des proportions considérables et la jeunesse de Florence, de Parme, de Modène, de Milan accourt au camp de Garibaldi. L'Autriche commence à ne plus prendre de ménagement : elle arme en toute hâte sa frontière et remplit de troupes Pavie et Milan. L'archiduc Maximilien forme son Etat-major. Le 22 avril 1859, un décret du roi de Sardaigne complète l'Etat-major de Garibaldi. C'est alors que François-Joseph adresse un manifeste à ses peuples et déclare que le Piémont n'ayant pas voulu désarmer, il vient de donner l'ordre à son armée de passer la frontière. En effet, le 29 avril les Autrichiens entrent en Piémont : la guerre est commencée.

Plusieurs combats ont lieu entre les garibaldiens et les corps détachés autrichiens et ces derniers éprouvent de graves échecs. L'enthousiasme est à son comble, mais la lutte était impossible contre l'armée formidable de l'Autriche. Aussi les yeux étaient tournés vers la France si grande et généreuse qui était entraînée par l'opinion publique si favorable à l'Italie. Une armée de 120.000 hommes s'ébranle et nous voyons passer ces magnifiques troupes avec une joie sans pareille. Les premiers corps français arrivent à temps car quelques jours plus tard, les Autrichiens auraient fait leur entrée à Turin. C'est ce que les Italiens n'ont pas assez compris car dans leurs fanfaronnades belliqueuses, ils ont trop vite oublié qu'ils doivent leur liberté et leur unification à la Grande nation. Qu'on se souvienne d'ailleurs du moment où les Français entrent dans Turin : on les couvre de fleurs, on les embrasse et l'enthousiasme pour eux est difficile à exprimer...

Comme je n'ai pas l'intention d'écrire l'histoire de cette belle campagne dItalie, il me suffira de vous dire qu'à l'affaire de Palestro, Victor-Emmanuel a montré un courage héroïque au milieu des braves zouaves français qu'on avait mis sous ses ordres. Le 4 juin a lieu la terrible bataille de Magenta soutenue par les chasseurs de la garde impériale : combat héroïque et secours apporté par le général Mac-Mahon qui décide la victoire. L'empereur nomme Mac-Mahon duc de Magenta. Enfin la grande victoire de Solférino (24 juin 1859), suivie de la paix de Villafranca.

J'avoue que cette paix de Villafranca nous étonne et nous indigne, mais n'étant pas assez versé dans les secrets de la diplomatie, nous n'y comprenons rien et c'est avec stupéfaction que nous apprenons cette nouvelle : s'arrêter juste au moment de la complète déroute des Autrichiens était en effet un problème insoluble. Mais plus tard, nous avons appris que cette guerre d'Italie avait été improvisée pour ainsi dire et qu'on avait négligé d'avoir des forces suffisantes sur les frontières du Rhin. Or une grande agitation régnait dans les provinces rhénanes et l'on craignait une prise d'armes de ce côté si peu gardé. La paix de Villafranca mit fin à ces craintes et après plusieurs mois de séjour en Italie, l'armée française fit sa rentrée en France où elle fut acclamée dans la ville de Paris.

Le comte de Cavour s'était entendu avec l'empereur Napoléon III et avait arrangé la cession de la Savoie et de Nice. Mais l'empereur qui sans doute était enchanté de cette annexion qui rendait à la France ses frontières naturelles, ne veut accepter qu'après la votation des populations de ces deux pays. Un sénateur français vient faire un voyage en Savoie : il est parfaitement accueilli et on n'a pas de doute que la votation sera satisfaisante. On craint cependant le parti démocratique italien; on craint les partisans de la Suisse et une société se forme à Chambéry pour travailler à l'annexion à la France. Cette société se réunit chez M. l'avocat Cornier et M. François qui a toujours eu l'esprit français fait partie de cette réunion. Je vais un jour à Chambéry et Charles François me fait part des projets de la réunion me disant : Nous comptons sur toi. Je lui demande le nom des principaux annexionnistes et il me nomme : le comte Greyfié de Bellecombe, M. Laracine avocat, M. Denarié médecin et plusieurs autres de la même catégorie! Mon étonnement et ma stupéfaction ne connaissent plus de bornes et furieux de la béatitude incroyable de ce pauvre François, je lui réponds : Comment oses-tu me proposer de faire partie d'une société composée en plus grande partie des ennemis acharnés de la France? Jamais je ne me réunirai à de la canaille politique de ce genre. La présence seule de l'assassin comte Greyfié me soulève le cœur d'indignation. Je repars pour mon ermitage et voilà pourquoi je n'ai pas paru dans les manifestations pour la France dont j'étais et avais toujours été le plus enthousiaste admirateur.

Expliquons en quelques mots ce changement si spontané de l'entraînement de nos Prussiens et Autrichiens de Chambéry en faveur de l'annexion à la France. M. le comte Greyfié avait à se plaindre du gouvernement de Victor-Emmanuel qui ne lui avait pas donné l'avancement qu'il désirait dans la cour d'appel et, d'autre part, sa haine se trouvait encore augmentée par les libertés nouvelles du gouvernement piémontais. L'empereur Napoléon qui dans ce moment était pour ainsi dire un roi absolu et le plus grand soutien de l'horrible despotisme de la papauté, en voilà plus qu'il ne fallait pour exciter l'entraînement de ce triste personnage.... ».

Comme on le voit par cet exemple, Jean Fleury Lacoste ne connait pas la langue de bois. Ses mémoires sont un peu un réquisitoire sur l'hypocrisie humaine. La brochure de la SSHA pour ses mémoires fait 160 pages. Qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son, c'est connu depuis longtemps et les gens qu'il met en cause ne sont plus là pour donner leur version. Mais les affirmations de l'auteur faute d'être toutes vérifiables sont vraisemblables. Il suffit de se souvenir par exemple de Français qui dans les années 1940 servirent d'abord les nazis ou le régime de Vichy puis tournèrent leur veste après la capitulation de Stalingrad (31 janvier 1943) et l'entrée en guerre des Américains.

20.1.2013

 

inscriptions à Chambéry : 1 rue Derrière les Murs, plaque sur une tour bâtie en 1516 qui servit de prison; 2 Avenue de Lyon, plaque indiquant la maison du bourreau au XVIIIe siècle, 3 rue Juiverie plaque indiquant la résidence de l'Infant d'Espagne durant l'occupation espagnole de la Savoie

inscriptions à Chambéry : 1 rue Derrière les Murs, plaque sur une tour bâtie en 1516 qui servit de prison; 2 Avenue de Lyon, plaque indiquant la maison du bourreau au XVIIIe siècle, 3 rue Juiverie plaque indiquant la résidence de l'Infant d'Espagne durant l'occupation espagnole de la Savoie

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