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26 février 2016 5 26 /02 /février /2016 09:06

On trouvera, jointe en illustration, une carte montrant l'emprise territoriale respective des Républiques maritimes de Gênes et de Venise au tournant XIVe/XVe siècles. Carte publiée sur le net dans le cadre d'un article de Romain Lamothe et Jean-Christophe Ricklin.

Fondée à la fin du septième siècle, comment cette République de Venise « coincée » au fond de l'Adriatique a-t-elle pu parvenir à une telle puissance, non seulement par ses acquisitions terrestres et maritimes, mais par la force de sa monnaie (le ducat d'or vénitien fut créé en 1284), de son économie, de son commerce … ?

Il n'y a probablement pas une réponse unique mais un ensemble de causes, parmi lesquelles je mettrais volontiers en avant d'une part une organisation politique efficace (voir note N°273 http://jean.delisle.over-blog.com/2016/02/la-venetie-n-273.html) et surtout la puissance de la marine vénitienne aussi bien commerciale que militaire. Cette puissance était elle-même le résultat de l'organisation des chantiers navals.

I-L'Arsenal :

L'Arsenal (arsenale en italien) est situé à l'est de la cité dans le quartier du même nom, mais en signalant que sur certains documents, le quartier « Arsenale » est rattaché au quartier « Castello », mais il paraît plus pertinent de considérer l' »arsenale » comme un quartier à part entière.

*Les premiers chantiers navals à Venise datent du huitième siècle, mais les vrais chantiers navals organisés rationnellement ont été lancés en 1104 par Ordelafo Faliero qui fut de 1102 à 1118 le trente-quatrième doge de Venise. Il mourut à Zadar (en Croatie, sur l'Adriatique, mais ville appelée à l'époque de Faliero : « Zara ») en expédition militaire en 1118. Il fut inhumé dans la basilique Saint Marc.

*Des extensions des chantiers eux-mêmes et/ou de leurs accès à la mer furent réalisés entre 1143 et 1169, entre 1304 et 1325 (arsenale nuovo) en 1473 (arsenale nuovissimo). L'activité de l'arsenal cessa à partir de 1716.

*En 1797, Bonaparte récupéra les armements disponibles et en 1806, fit réaliser une nouvelle extension. En octobre 1866, la Marine italienne en prit possession.

*Dès le doge Faliero, tout fut pensé de façon rationnelle : les approvisionnements, les stockages, les fabrications, les utilisations… non seulement pour les coques des galères mais pour leurs armements (canons, poudres, boulets...) les cordages, les rames, les mâts, les voiles… Au plus fort de l'utilisation de cet arsenal (XVIIe siècle), 16.000 ouvriers y étaient employés, les chantiers avaient la capacité de sortir une galère par jour ! (La galère était un navire navigant à la fois à voiles et à rames. Une copie de galère du XVIIIe siècle a été lancée à Morges, sur le lac Léman, en 2001). Ils étaient alors considérés comme les plus grands chantiers navals au monde. On peut en tout état de cause penser qu'ils furent un modèle très en avance de grande entreprise industrielle. Dès 1297, il fut décidé que les galères construites seraient polyvalentes afin d'être utilisées comme navires de commerce en temps de paix et pouvoir être transformées en navires de guerre en quelques heures en cas de besoin. La marine vénitienne compta jusqu'à 3.000 navires marchands et 300 navires de guerre. Outre le transport marchand pour les négociants vénitiens et les galères armées pour les opérations de guerre de la République, la marine vénitienne servit encore à transporter de nombreuses troupes : pour les croisés, pour le compte d'autres Etats… mais bien sûr la Sérénissime se faisait payer ses services.

*Un bon exemple du génie vénitien d'alors, peut être donné avec l'approvisionnement en bois. Les bois vinrent des préalpes vicentines (au nord de Vicence) , de l'Altopiano dei Sette comuni. Afin de pouvoir évacuer aisément les bois exploités, les Vénitiens créèrent une voie d'accès et de dégagement de 2,5 kms sur 810 mètres de dénivelé, comprenant 4.444 marches et une partie lisse pour la circulation des bois. Cette voie fut appelée : « Calà del Sasso ».

*On enseigne encore Austerlitz dans les écoles de guerre, on devrait enseigner l'organisation de l'Arsenal de Venise dans les écoles de management !

II-le déclin :

L'examen de la carte de l'expansion de Venise et de Gênes montre que Venise investit sur la côte adriatique et sur les îles de la Méditerranée orientale, tandis que Gênes investissait sur les côtes de la Mer Noire mais aussi sur la Méditerranée orientale. Pour les 2 cités-états, il s'agissait de favoriser ses négociants, ses marins marchands dans le commerce orient-occident.

*Les 2 Etats furent forcément en guerre comme Venise le fut avec les autres cités maritimes : Pise, Amalfi, Ancône, Raguse (ancien nom de Dubrovnik)… mais aussi pour l'extension terrestre avec Milan, Florence, les Etats du Vatican, puis à l'extérieur avec l'Autriche, la Hongrie, l'Espagne et la France qui se mêlaient des affaires italiennes…

Dans toutes ces guerres à répétition, Venise connut plus de victoires que de défaites et poursuivit son expansion jusqu'à ce que deux événements nouveaux viennent gripper la belle machine à conquêtes :

*la découverte de l'Amérique, à partir de 1492, entraîna la fréquentation de nouvelles routes maritimes, la découverte de produits nouveaux … ce qui dévalorisa le commerce orient-occident

*mais du point précédent, Venise aurait pu s'en remettre. Pour l'essentiel, ce sont les conquêtes de l'empire ottoman qui amenèrent la décadence de Venise. Après la prise de Constantinople le 29 mai 1453, les Ottomans se répandirent sur l'Europe par l'est et voulurent dominer la Méditerranée. Cela entraîna de nombreuses guerres entre Venise et les Ottomans : de 1499 à 1503, en 1538, de 1570 à 1573, de 1645 à 1669, de 1684 à 1716 etc. Les Ottomans s'emparèrent de Rhodes en 1522, de Chypre en 1571, de la Crète en 1700 et de toutes les îles vénitiennes de la Méditerranée orientale, des possessions sur la côte Yougoslave…. La brillante victoire navale de Lépante (en Grèce dans le golfe de Patras) le 7 octobre 1571, ne modifia pas le cours des choses. C'est donc d'une Venise très affaiblie dont s'empara Bonaparte en 1797.

Si l'on veut résumer : dans l'histoire de Venise, il y eut 8 siècles d'expansion puis 3 siècles de déclin. « La Roche tarpéienne est proche du Capitole » disaient les Romains mais la chute est toujours plus rapide que l 'ascension !

J.D. 26 février 2016

empires de Venise et Gênes, fin XIVe siècle

empires de Venise et Gênes, fin XIVe siècle

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12 mars 2015 4 12 /03 /mars /2015 10:43

C'est en avril 1915 que tous les commentateurs font commencer le massacre des Arméniens par les Turcs (c'était encore l'Empire ottoman). En fait les massacres d'Arméniens par les Turcs avaient commencé de 1894 à 1896 puis en avril 1909 et avaient repris de plus belle, de façon plus systématique et plus massive de 1915 à 1918. C'est cette dernière période qui fut appelée « le génocide arménien ».

Les Turcs s'étaient fait la main dans les années 1820 en massacrant les Grecs qui s'étaient soulevés pour leur indépendance. Voir sur mon blog la note N°9 http://jean.delisle.over-blog.com/article-grece-independance-58616338.html

la note N°14 http://jean.delisle.over-blog.com/article-l-enfant-58967808.html

et la note N°32 http://jean.delisle.over-blog.com/article-jules-verne-deux-livres-peu-connus-63314876.html

Sur le contexte dans lequel s'est déroulé le massacre des Arméniens voir

la note N°55 http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-fin-des-4-empires-97643758.html

et la note N°158 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/02/la-turquie-et-l-europe-n-158.html

Au total, entre les massacres des années 1890, ceux de 1909 et ceux de 1915 à 1918, selon les sources disponibles et en hypothèse moyenne, 1.500.000 Arméniens auraient été exterminés.

Mais pourquoi les Turcs ont-ils voulu anéantir les Arméniens ?

Bonne question, mais a-t-on encore le droit de se poser des questions ?

Voici quelques données pour y répondre.

L'Arménie et les Arméniens :

*L'histoire de l'Arménie et des Arméniens commence au début du septième siècle avant notre ère sur un territoire qui a grandement varié au fil des siècles et des événements mais qui recoupe en grande partie l'actuelle Turquie.

*L'Arménie fut envahie et annexée successivement par les Perses, les Parthes, puis les Grecs à partir d'Alexandre le Grand .

*Ils redevinrent indépendants en -189 sous le règne d'Artaxias avec comme capitale Artaxate. Mais c'est au siècle suivant sous le règne de Tigrane le Grand que l'Arménie connut son apogée avec une capitale transférée à Tigranocerte vers -78 et un territoire qui allait de la Méditerranée à la mer Caspienne.
*Les Romains inquiets de voir monter la puissance de Tigrane envoyèrent successivement Sylla puis Pompée et Lucullus. Les Arméniens furent finalement vaincus spécialement lors d'une bataille le 6 octobre -69 et Rome imposa un protectorat
à l'Arménie.

*A partir de là, les Arméniens vécurent dans l'ombre de Rome avec des périodes de plus ou moins grande indépendance.

*En l'an 301 de notre ère, le roi arménien Tiridate IV mis en place par les Romains se convertit au catholicisme sous l'inspiration de Grégoire l'illuminateur (il s'agit d'un saint Grégoire qui vécut de l'an 257 à l'an 331, évangélisa l'Arménie et fut évêque de Césarée de Cappadoce) et déclara le catholicisme « religion d'état ». L'Arménie fut ainsi le premier Etat catholique.

*Vers l'an 406, l'Arménie adopta un nouvel alphabet

*Après la chute de l'empire romain d'Occident (en l'an 476) l'Arménie se trouva être un enjeu entre l'empire byzantin et les Arabes avec des périodes d'occupation.

*Un nouveau royaume arménien de Cilicie vit le jour en 1137 jusqu'à l'invasion des mamelouks en 1375 et l'Arménie tomba sous la coupe des Ottomans.

*Dans le cadre des traités d'après la guerre de 14, l'Arménie devint une République de 1918 à 1920 puis République soviétique jusqu'à l'indépendance à compter du 21 septembre 1991. Durant la période soviétique, une partie de l'Arménie (le Haut-Karabagh) fut annexée par Staline en 1921 à l'Azerbaïdjan, autre République soviétique.

*Depuis 1991, l'Arménie est une République indépendante d'une superficie de 29.800 km2 (soit l'équivalent de la Belgique à peu de choses près) avec une population d'environ 4 millions d'habitants. Erevan en est la capitale.

*Cet Etat qui n'a aucun accès à la mer est entouré (pour ne pas dire encerclé) par La Turquie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan et l'Iran.

*L'Azerbaïdjan devint aussi indépendant en 1991. La population du Haut-Karabagh majoritairement arménienne demanda son rattachement à l'Arménie, ce qui entraîna un conflit entre Azerbaïdjan et Arménie, avec massacres...

*Les combats ont cessé depuis une trêve du 12 mai 1994 et le Haut-Karabagh s'est auto-proclamé République indépendante.

Turquie et Arménie :

Le dix-neuvième siècle est celui de la décadence lente mais continue de l'empire ottoman. Malgré cela, au tournant XIXe/XXe siècle, il avait encore de beaux restes. Mais c'était un empire musulman avec tout ce que cela implique.

A l'intérieur même de cet empire musulman et implanté dans le cœur même de cet empire, c'est-à-dire en Turquie, une minorité chrétienne résistait encore et toujours à l'islamisation. En effet, aujourd'hui encore la population arménienne est chrétienne à 95%. Majoritairement orthodoxe avec des minorités catholiques et protestantes, mais chrétiennes !

Il me semble tout à fait évident que si les Arméniens avaient été musulmans, les Turcs n'auraient pas décidé un plan d'extermination car c'est bien de cela dont il s'agit. Ce n'est donc pas parce qu'ils étaient Arméniens qu'ils furent massacrés mais parce qu'ils étaient Arméniens-chrétiens !

En outre, à l'intérieur de l'empire ottoman, la minorité arménienne avait une position sociale et culturelle au dessus de la moyenne.

Le génocide arménien ne fut donc pas un génocide « ethnique » mais un génocide culturel et surtout religieux.

J.D. 12 mars 2015

P.S. A Grenoble, à l'ancien musée de peintures (place de Verdun) se tiendra du 15 avril au 2 mai 2015 une exposition consacrée au sauvetage des orphelins du génocide

ajouts du 5 mai 2015 :

I) « Des vieillards, des femmes, des enfants, chrétiens ceux-là, brûlés dans l'église d'Orfa au nombre de trois mille à la fois ! L'incident, comme disait notre ami Lobanov, n'a pas paru digne d'une remontrance. Il a fallu des infidèles, comme moi, pour protester. A peine les grands chrétiens de la Chambre (des députés) prenaient-ils jésuitement des mines effarouchées. Tout cela pour ne pas répondre à cette simple question : Un homme, juif ou chrétien, peut-il être jugé sans les garanties de la loi ? Mesurez par là le recul de l'esprit français. »

Georges Clemenceau dans l'Aurore du 29 janvier 1898, cité par Le Point du 30 avril 2015 page 123.

Nota : le massacre dont parle Clemenceau se situe fin décembre 1895 à Orfa (ancienne Edesse) dans le Vilayet d'Alep (au nord de l'actuelle Syrie). Un autre massacre de chrétiens par les musulmans avait déjà eut lieu dans la même ville le 28 octobre 1895. Lobanov cité par Clemenceau est un homme d'Etat russe décédé le 30 août 1896 et qui fut ambassadeur à Constantinople en 1878/1879

II) « Depuis le 1er juillet 1894, pendant plus de deux ans, plus de 300.000 Arméniens ont été massacrés dans l'empire ottoman. C'est ici le plus grand massacre du siècle ; ni les massacres turcs de Chio de 1822, du Liban en 1860, de la Bulgarie en 1876, ni les massacres français de juin 1848 n'ont fait à beaucoup près, un si grand nombre de victimes. Par qui, pourquoi et comment ce crime a-t-il été commis ? C'est ce que nous apprend en partie le livre de M. Bérard, livre d'histoire précis, documenté, probant. Quand tout un peuple de trois cent mille personnes est non seulement assassiné mais tourmenté des maux les plus effroyables sur l'ordre d'un tyran, il est oiseux, et même il est criminel de passer son temps à chercher à savoir de qui on pourrait bien faire le jeu en venant au secours de ce peuple ».

Charles Péguy dans « la revue socialiste » du 15 mars 1897, cité par Le Point du 30 avril 2015, page 123.

Nota : les massacres de Chio sont ceux que firent les Turcs lors du soulèvement des Grecs pour retrouver leur indépendance dans les années 1820 ; voir sur mon blog la note N°9

les massacres de 1860 sont ceux contre les chrétiens maronites au Liban

Quant aux massacres d'avril/mai 1876, il s'agit de la répression turque contre un soulèvement de Bulgares qui eux aussi voulaient leur indépendance. De source bulgare la répression turque aurait entraîné la destruction de 58 villages, de 5 monastères et le massacre de 30.000 Bulgares.

Le Bérard cité par Charles Péguy est Victor Bérard (1864/1931) qui fut sénateur du Jura de 1920 à 1931. Géographe et historien il est le co-auteur du livre : « La politique du sultan, les massacres des Arméniens 1894/1896 ».

l'Arménie dans sa plus grande extension, carte établie par Ewan ar Born

l'Arménie dans sa plus grande extension, carte établie par Ewan ar Born

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8 octobre 2012 1 08 /10 /octobre /2012 15:57

En 1078, les Turcs musulmans seldjoukides de Malik Shah 1er, s'emparèrent de Jérusalem, que les Arabes musulmans avaient conquise en 638 (6 ans après la mort de Mahomet). Mais les Arabes avaient toujours laissé aux chrétiens le libre accès aux « lieux saints », tandis que les Turcs, en prenant la ville de Jérusalem, massacrèrent la population, en grande partie musulmane, (au nom de Dieu, cela va de soi) et interdirent l'accès de la ville aux chrétiens.

La même année, les Turcs s'emparèrent de Nicée (aujourd'hui Iznik), ville située près de la mer de Marmara, sur la rive sud et presqu'en face de Constantinople. C'était une grave menace pour l'empire byzantin chrétien ou empire romain d'orient. L'empereur byzantin Alexis 1er Commène fit appel aux Européens.

En 1095, le pape Urbain II convoqua un concile à Clermont (qui ne deviendra Clermont-Ferrand par fusion qu'en 1630) et le 27 novembre 1095, le pape lança un appel à la croisade en vue de retrouver le libre accès aux lieux saints (en outre le saint Sépulcre avait été détruit par les musulmans en 1009) et aussi pour défendre l'empire byzantin. L'appel du pape fut repris par de nombreux prédicateurs dont le plus célèbre est Pierre l'Hermite. Ils prêchaient la croisade parce que « Deus lo volt » (Dieu le veut).

Des groupes se constituèrent un peu dans toute l'Europe et convergèrent vers Jérusalem. Cela fut appelé la première croisade, en fait il y en eut plusieurs dans la même. Chemin faisant certains groupes se livrèrent à des pillages et même à des massacres notamment de communautés juives, toujours au nom de Dieu !

A Paris, le 8 novembre 1793, Manon Roland sur l'échafaud s'écria : « Ô liberté que de crimes on commet en ton nom ! » Mais ce n'est rien dans l'histoire de l'espèce humaine au regard de tous les massacres qui se firent et qui se font encore au nom de Dieu !

Enfin, le 15 juillet 1099, la ville de Jérusalem était prise et un royaume chrétien de Jérusalem se constitua. Godefroy de Bouillon (duc de Basse-Lotharingie, et descendant de Charlemagne), un des principaux chefs de la croisade, ne voulant pas d'un titre de roi, c'est son frère , Baudoin, qui le devint. On sait qu'il y eut conquêtes et reconquêtes successives. Jérusalem fut reprise par Saladin le 2 octobre 1187 et Saint Jean d'Acre, dernier bastion chrétien en terre sainte, retomba entre les mains des musulmans le 18 mai 1291. Cela mit fin à l'ère des croisades.

Sans entrer dans l'histoire des neuf croisades (et même 10, puisqu'il y eut en 1239 une croisade qui ne fut pas numérotée, comme elle se situe entre la sixième et la septième, on pourrait l'appeler la six bis), voici quelle fut la participation des Comtes de Savoie aux croisades, avec comme principale source Samuel Guichenon dans « Histoire généalogique de la royale Maison de Savoie », texte de 1660 :

*Humbert II dit Le Renforcé fut le sixième comte de Savoie de 1094 à son décès en 1103. Il participa à la première croisade.

*Amédée III septième comte de Savoie de 1103 à son décès en 1148, participa d'abord en mai 1104 à une expédition génoise pour libérer Saint Jean d'Acre, puis à la seconde croisade qui eut lieu de 1147 à 1149. Amédée III mourut à Chypre le 30 août 1148. Selon Guichenon, c'est à la suite de cette seconde croisade, que la Maison de Savoie, remplaça dans son blason, l'aigle par la croix blanche qui était le symbole des Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem.

*Thomas 1er neuvième comte de Savoie de 1189 à son décès en 1233. Participa avec de nombreux membres de la noblesse savoyarde à la quatrième croisade qui se déroula de 1202 à 1204 et qui fut prêchée par le pape Innocent III. L'objectif était Jérusalem, mais la croisade fut détournée de son objectif initial au profit des Vénitiens, au temps du doge Enrico Dandolo, et au lieu de prendre Jérusalem, les croisés s'emparèrent de Constantinople, ville chrétienne, capitale de l'empire byzantin, les 12/13 avril 1204. Ils pillèrent la ville durant 3 jours, détruisant un important patrimoine de l'humanité (écrits et sculptures antiques...) sans oublier des massacres et établirent un empire latin de Constantinople. On trouve encore des traces de ce pillage par exemple à Venise avec les lions à l'entrée de l'arsenal ou avec les 4 chevaux de bronze qui se trouvent sur la balustrade au dessus du portail central de la basilique Saint Marc (il s'agit de copies, les originaux étant conservés à l'abri dans la galerie de Saint Marc). Les Byzantins reprirent la ville en 1261, ce qui mit fin à cet empire latin.

Parmi les membres de la noblesse savoyarde, il y avait Pierre de Seyssel, marquis d'Aix. Il rapporta à Aix un morceau de la Sainte Croix. Il s'agissait de la croix qu'Hélène la mère de l'empereur Constantin avait retrouvée à Jérusalem en 326, en faisant effectuer des fouilles dans la grotte du tombeau du Christ au dessus de laquelle l'empereur Hadrien avait fait élever un temple dédié à Vénus.

Arrivé à Aix, probablement en 1205, ce morceau supposé de la vraie croix fut placé dans un reliquaire et vénéré dans une église qui se trouvait sur l'actuelle place Maurice Mollard. Cette église appelée de Sainte Marie avait pris la place d'un monument romain. L'église changea de nom pour s'appeler église Sainte Croix à partir de 1205. La présence de la relique amena à Aix de nombreux pèlerinages dont le plus célèbre reste celui de Saint François-de-Sales en 1594.

Officiellement la relique de la Sainte Croix fut remise le 29 ventôse an II (19 mars 1794) avec tous les objets de piété au directoire du district révolutionnaire de Chambéry (voir sur mon blog la note intitulée « La Révolution française et la Savoie») http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-revolution-francaise-et-la-savoie-109795056.html). Dans « L'Histoire d'Aix-les-Bains », Jules de Mouxy de Loche explique en 1898, que la relique de la croix avait été cachée par la famille Despine et restituée par un baron Despine à l'église d'Aix après le rétablissement du culte. Monseigneur Bigex évêque de Chambéry en reconnut l'authenticité lors d'une visite qu'il fit à Aix le 1er mai 1826 (voir dans la réédition du livre de Jules de Mouxy de Loche de 1978 chez Laffitte Reprints à Marseille, tome 1 pages 551 et suivantes). L'église Sainte Croix fut démolie au début du XXe siècle après l'inauguration de la nouvelle église Notre Dame. Des vitraux, statues et reliques furent transportés dans la nouvelle église, mais on ne parla plus de la sainte Croix, il semble que les reliques n'aient plus le vent en poupe.

La fin des croisades ne mit pas fin pour autant aux guerres entre Orient et Occident, entre monde musulman et monde chrétien. On peut penser que cela se situe dans un cadre historique plus vaste, dans une lutte millénaire entre Orient et Occident allant de la guerre de Troie à la situation actuelle et passant par les guerres médiques, les guerres puniques, les croisades etc. Quant aux musulmans, depuis le tout début du huitième siècle, c'est-à-dire depuis treize siècles, ils ont l'idée fixe d'envahir l'Europe pour l'islamiser (l'invasion musulmane de l'Europe par l'Espagne commença dès l'an 711). La Maison de Savoie prit amplement sa part dans la défense de l'Europe chrétienne :

*Amédée V, quatorzième comte de Savoie de 1285 à 1323. En 1315, sa flotte délivra Rhodes assiégée par les Ottomans. C'est à la suite de cette expédition que F.E.R.T. (Fortitudo ejus Rhodum tenuit : son courage a sauvé Rhodes) devint la devise de la Maison de Savoie (voir Alexandre Dumas « La Royale Maison de Savoie », éditions La Fontaine de Siloé 1998, tome 1 page 8).

*Amédée VI dit le Comte Verd (avec un « d » selon l'orthographe en usage au temps du Comte), dix-septième comte de Savoie de 1343 à son décès en 1383. En 1366, le Comte Verd alla porté secours à son cousin l'empereur byzantin Jean V Paléologue qui avait été attaqué par les Turcs et les Bulgares et qui était retenu prisonnier en Bulgarie. La victoire d'Amédée VI sur les Turcs à Gallipoli avait assuré provisoirement la survie de l'empire byzantin. Après avoir vaincu les Turcs, le comte Verd envahit la Bulgarie, s'empara de plusieurs villes et assiégea Varna. Le roi de Bulgarie accepta alors de libérer Jean V Paléologue qui put reprendre son trône à Constantinople. Les Bulgares durent regretter leur alliance avec les Turcs car en 1396, ils furent envahis par les Ottomans et ne retrouvèrent leur indépendance qu'en 1878 soit 5 siècles plus tard.

*En 1396, Humbert le Bâtard (fils d'Amédée VII, le comte Rouge, et de Françoise Arnaud de Bourg-en-Bresse) participe avec 70 chevaliers savoyards à une croisade organisée par Sigismond roi de Hongrie. Ils furent fait prisonniers à Nicopolis (dans l'actuelle Bulgarie) par le sultan Bajazet. Ils ne furent libérés contre rançon qu'en 1402 et parce que Bajazet avait lui-même été vaincu par Tamerlan (venu d'Ouzbékistan et qui avait sa capitale à Samarcande).

*Emmanuel-Philibert dit Tête de Fer, dixième duc de Savoie de 1553 à 1580. En 1571, trois galères de la flotte d'Emmanuel-Philibert, parties de Nice et commandées par l'amiral André Provana de Leyni, participèrent à la bataille navale de Lépante le 7 octobre 1571, bataille au cours de laquelle les Ottomans perdirent 240 navires et 30.000 hommes.

*Prince Eugène de Savoie-Carignan, petit fils de Charles-Emmanuel onzième duc de Savoie. Le prince Eugène s'était mis au service de la Maison d'Autriche. Il fut nommé Feld-maréchal en 1687 puis Feld-maréchal général en 1693. Il fut principalement chargé d'arrêter l'invasion musulmane de l'Europe par l'Est. Il infligea aux armées ottomanes de terribles défaites au terme de victoires à Zenta en Serbie le 11 septembre 1697, à Petrovaradin en Serbie le 5 août 1716, à Timisoara en Roumanie en août 1716 ou à Belgrade en Serbie, le 22 août 1717.

J.D. 8 octobre 2012, mise à jour le 11 novembre 2014

 

Liens entre l'empire byzantin et la Maison de Savoie au quatorzième siècle

Liens entre l'empire byzantin et la Maison de Savoie au quatorzième siècle

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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 09:35

La fin des 4 empires


La guerre de 14/18 a entraîné la disparition de 4 empires : l'empire allemand, l'empire austro-hongrois, l'empire ottoman et l'empire russe.

L'empire allemand : Dans l'espace germanique avait existé « le Saint Empire Romain Germanique ». Créé le 2 février de l'an 962 par le couronnement d'Otton 1er à Rome (par le pape Jean XII), cet empire se voulait la continuation à la fois de l'empire romain et de l'empire de Charlemagne. Otton 1er avait d'abord été roi « de Francie orientale » créée par le traité de Verdun en l'an 843 lorsque les petits-fils de Charlemagne (mort le 28 janvier 814) se partagèrent son empire.
Il s'agissait en fait d'une confédération d'états, une sorte d'union européenne avant l'heure, dans laquelle il y eut toujours des luttes pour le pouvoir, ce qui entraîna de nombreuses guerres de successions, de sept ans, de trente ans... sans oublier la guerre entre cet empire et la papauté de 1075 à 1122, conflit connu sous le nom de « querelles des investitures ». Puis au XVIe siècle, un certain nombres de princes allemands soutinrent la cause de Luther, ce qui divisa l'empire un peu plus, avec un nord (la Prusse) majoritairement protestante et un sud (l'Autriche) majoritairement catholique. C'est Napoléon qui mit fin à cet empire le 6 août 1806 et le remplaça par « la Confédération du Rhin »
Les souverains les plus connus comme empereurs germaniques furent : Otton 1er, le fondateur, Henri IV pour son conflit avec le pape et sa soumission finale au pape Grégoire VII à Canossa, Frédéric Barberousse et Charles Quint. Les fonctions de capitale de cet empire étaient réparties entre Vienne, où siégeait l'empereur et le conseil aulique (conseil de l'empereur), Ratisbonne où siégeait la Diète (représentation des Etats confédérés) et Wetzlar où se trouvait la Chambre impériale de Justice. Cela ressemble fort à la situation de l'Union Européenne aujourd'hui où l'on a à Luxembourg la Cour de Justice et son tribunal associé, la Cour des Comptes, la Banque européenne d'investissement et le secrétariat du parlement européen, à Strasbourg une partie des sessions du parlement, à Bruxelles l'autre partie, plus le siège de la commission, du conseil des Ministres et du Conseil européen, tandis que Francfort est le siège de la BCE (Banque Centrale Européenne)
Après la chute de Napoléon, le congrès de Vienne en 1815 laissa 2 puissances dans l'espace germanique : un royaume de Prusse au nord et un empire d'Autriche au sud. C'était « forcément » une puissance de trop.
Le 24 septembre 1862, Guillaume 1er roi de Prusse appelait le célèbre Bismarck à la présidence du Conseil prussien. Le 16 juin 1866, la Prusse déclarait la guerre à l'Autriche et lui infligeait une cuisante défaite le 3 juillet 1866 à Sadowa  (dans l'actuelle République Tchèque). La Prusse s'assurait ainsi la suprématie (aujourd'hui on dirait le leadership) sur l'espace germanique. Il faut rappeler que l'Autriche avait perdu beaucoup de soldats, de chevaux, de canons, en Italie du nord,  lors de la guerre en 1859 contre le royaume de Sardaigne et la France de Napoléon III (batailles de Magenta, de Solferino etc). Elle avait dû en outre céder la Lombardie, région riche et peuplée. Avec la Lombardie, l'Autriche perdait donc une zone de recrutement de soldats. En 1866, le royaume de Sardaigne devenu royaume d'Italie s'était allié avec la Prusse contre l'Autriche ce qui permit à l'Italie de récupérer la Vénétie.
La rapide victoire sur l'Autriche donna de l'appétit aux Prussiens. Ce fut la guerre contre la France (guerre de 1870) qui entraîna la fin du second empire en France mais aussi la proclamation de l'empire allemand le 18 janvier 1871 à Versailles dans la galerie des glaces. Guillaume 1er roi de Prusse devenait l'empereur (Kaiser) d'Allemagne. Ce nouvel empire profitait de la défaite de la France pour récupérer l'Alsace et la Lorraine. La victoire sur l'Autriche avait assuré aux Prussiens la suprématie sur l'espace germanique, la guerre de 1870 leur assura la suprématie sur l'Europe. Cet empire allemand fut particulièrement dynamique et efficace dans tous les domaines : recherche, industrie, armement, commerce, expansion coloniale, marine etc.

L'Angleterre comprit très vite que son meilleur ennemi depuis des siècles (La France) n'était plus l'ennemi principal. les 2 pays se rapprochèrent et ce fut l'entente cordiale, signée le 8 avril 1904. Avant cela, la diplomatie française, elle aussi consciente du danger, avait conclu une alliance avec la Russie(27 décembre 1893). Depuis la grande Catherine, la Russie avait pour ambition de s'étendre vers le sud, de contrôler la mer Noire pour avoir un accès à la Méditerranée. L'Angleterre était farouchement contre ce projet russe ce qui fut la cause de la guerre de Crimée en 1854/1855. Mais devant le péril prussien, l'Angleterre signa aussi le 31 août 1907 une alliance avec les Russes et ces ententes bilatérales se transformèrent en une "triple entente".

De son côté la diplomatie prussienne n'était pas inactive, elle signa le 7 octobre 1879 une alliance anti-russe avec l'empire austro-hongrois. Depuis des siècles, l'Autriche et l'empire ottoman se combattaient pour le contrôle de l'Europe de l'est et des Balkans, mais les ambitions de la Russie sur cette zone rebattit complètement les cartes et comme l'Angleterre, l'Autriche changea de meilleur ennemi. Le 20 mai 1882, l'Italie rejoignait l'alliance germano-autrichienne. Ainsi dans l'espace européen, il y eut 2 blocs : une triple alliance au centre du continent et une triple entente à la périphérie.
On connaît la suite, ce fut l'engrenage de la guerre de 14/18.

Petit rappel :
*28 juin 1914, en Bosnie, à Sarajevo, assassinat de l'archiduc d'Autriche François-Ferdinand et de sa femme par un anarchiste serbe
*28 juillet 1914, l'Autriche qui avait des visées sur les Balkans (elle avait déjà annexé la Bosnie-Herzégovine en 1908) déclare la guerre à la Serbie
*29 juillet 1914, la Russie qui se voulait protectrice des Slaves du sud (les Yougo  ...Slaves), déclare la guerre à l'empire d'Autriche-Hongrie
*1er août 1914, l'Allemagne qui se voulait, elle, protectrice de l'espace germanique et qui avait encouragé l'Autriche à déclarer la guerre à la Serbie, déclare la guerre à la Russie
*2 août 1914, l'Allemagne envahit le Luxembourg
*3 août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la Belgique et à la France. Les Prussiens avaient en mémoire leur victoire rapide en 1866 contre l'Autriche puis en 1870/1871 contre la France de Napoléon III, et ils étaient conscients de la supériorité de leur industrie d'armement (Krupp etc). En outre en 1914, l'empire allemand comptait 65 millions d'habitants, l'empire d'Autriche 50 millions, la France moins de 40 millions et la Grande-Bretagne 36 millions. Mais ces chiffres étaient  trompeurs car ils ne tenaient pas compte de l'immense empire colonial constitué par les Anglais et les Français tout au long du XIXe siècle et qui fournit non seulement des combattants mais des matières premières... Quoi qu'il en soit, les Prussiens étaient persuadés qu'ils allaient mener « une guerre fraîche et joyeuse » selon l'expression que l'on retrouve dans tous les livres d'histoire.
*4 août 1914, la Grande-Bretagne déclare la guerre à l'empire allemand; cette déclaration engageait toutes les colonies et dominions britanniques
*5 août 1914, le Gouverneur Général du Canada et le Premier Ministre australien déclarent la guerre à l'Allemagne
*6 août 1914, l'empire d'Autriche-Hongrie déclare la guerre à l'empire russe
*12 août 1914, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l'empire Austro-Hongrois
*23 août 1914, le Japon déclare la guerre à l'empire allemand
*28 octobre 1914, l'empire ottoman entre en guerre aux côtés des Allemands et des Autrichiens
*1er novembre 1914 : la Serbie déclare la guerre à l'empire ottoman
*3 novembre 1914 : la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l'empire ottoman
*26 avril 1915, à Londres, l'Italie signe un accord secret avec la Grande-Bretagne et la France, contre des promesses d'extensions territoriales, promesses qui ne seront pas tenues après la guerre. Mussolini s'en souviendra lors de la seconde guerre mondiale. L'Italie n'était pas entrée en guerre en 1914 malgré ses traités d'alliance avec l'empire allemand et l'empire d'Autriche-Hongrie
*3 mai 1915 : l'Italie quitte la triple alliance
*23 mai 1915, l'Italie entre en guerre contre l'empire d'Autriche-Hongrie retrouvant ainsi son « meilleur ennemi »
*21 août 1915, l'Italie déclare la guerre à l'empire ottoman
*5 octobre 1915, la Bulgarie entre en guerre aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche et déclare la guerre à la Serbie
*9 mars 1916, l'Allemagne déclare la guerre au Portugal
*27 août 1916, la Roumanie déclare la guerre à l'empire austro-hongrois,

*28 août 1916, la Bulgarie déclare la guerre à la Roumanie tandis que l'Italie déclarait la guerre à l'Allemagne
*2 février 1917, des troupes portugaises débarquent à Brest pour combattre aux côtés des alliés
*2 avril 1917, les Etats-Unis déclarent la guerre à l'Allemagne
*16 avril 1917, Lénine arrive en Russie. Ce sont les Prussiens qui ont financé et organisé son transfert et celui de son Etat-Major depuis Zurich jusqu'en Russie (voir Max Gallo « Le pacte des assassins » Fayard février 2008, chapitre 5)
*16 juin 1917, la Grèce déclare la guerre aux empires centraux et entre en guerre aux côtés des Anglais et des Français
*26 juin 1917, les premiers soldats américains débarquent à Saint Nazaire

*14 août 1917, la Chine déclare la guerre à l'empire allemand
*15 décembre 1917, armistice entre les nouveaux maîtres de la Russie et l'empire allemand. Cet armistice avec la Russie de Lénine permit aux Allemands de rapatrier sur le front ouest les troupes importantes qui combattaient en Russie. De 1914 à 1917, sur le front français, les forces s'équilibrèrent et malgré des pertes énormes en vies humaines aucun des camps ne parvenait à s'imposer à l'autre. Le renfort provenant du front russe fut inutile aux Allemands car trop tardif, les renforts d'Amérique reçus par les alliés furent supérieurs et les Prussiens perdirent la guerre
*29 septembre 1918, armistice avec la Bulgarie
*30 octobre 1918, armistice avec l'empire ottoman
*4 novembre 1918, cessez-le-feu sur le front italien
*9 novembre 1918, abdication du Kaiser Guillaume II, proclamation de la République en Allemagne. L'empire allemand aura duré moins de 50 ans.
Guillaume II était le petit-fils de Guillaume Ier. A la mort de celui-ci le 9 mars 1888, ce fut son fils Frédéric III qui devint empereur mais décéda d'un cancer le 15 juin 1888 après 99 jours de règne. Guillaume II, devenu empereur, exigea en 1890 la démission de Bismarck qu'il ne supportait plus. Ce Bismarck mourut à 83 ans le 30 juillet 1898. Avec Metternich et Cavour il fut l'un des grands hommes politiques de l'Europe post-napoléonienne du XIXe siècle. Il n'aura, heureusement pour lui,  pas vu l'effondrement de sa grande œuvre.
Pour résumer, durant la première guerre mondiale, l'empire allemand déclara la guerre à la Russie, au Luxembourg, à la Belgique, à la France, au Portugal tandis que déclarèrent la guerre à l'empire allemand : la Grande-Bretagne, le Canada, l'Australie, le Japon, l'Italie, les USA, la Grèce et la Chine.

L'empire austro-hongrois : Les empereurs du Saint Empire romain germanique résidaient à Vienne ce qui entraîne parfois des confusions entre empire d'Autriche et Saint Empire. A Vienne les empereurs avaient aussi le titre d'archiducs d'Autriche et bien d'autres (roi d'Italie etc). Ce n'est qu'à partir de la fin du Saint Empire romain germanique proclamée par Napoléon qu'exista l'empire d'Autriche; François II empereur du Saint empire romain germanique devenant François 1er empereur d'Autriche. Ce n'est que le 19 mai 1867 que l'empire d'Autriche prit le titre d'empire d'Autriche-Hongrie ou empire austro-hongrois, l'empereur d'Autriche se faisant couronner roi de Hongrie à Budapest. Parmi les souverains de l'empire d'Autriche, issus de la maison Habsbourg-Lorraine, le plus connu fut François-Joseph 1er qui régna 68 ans, d'abord comme empereur d'Autriche de 1848 à 1867, puis comme empereur de l'empire d'Autriche-Hongrie jusqu'à sa mort le 21 novembre 1916, à l'âge de 86 ans. Sa mort l'empêcha de voir le démembrement de son empire. C'est cet empereur qui épousa le 24 avril 1854 Elisabeth dite Sisi fille de Maximilien de Bavière.
Au congrès de Vienne en 1815, grâce à l'habileté de Metternich, l'Autriche se tailla la part du lion dans la répartition des dépouilles napoléoniennes. Ainsi l'Autriche se retrouva avec un territoire comprenant l'Autriche, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, et une partie de l'Italie, de la Yougoslavie, de la Pologne, de la Roumanie et de l'Ukraine. Si la dimension de cet empire fut un atout, ce fut aussi un handicap car il associait des peuples qui n'avaient ni la même langue, ni la même histoire etc. Cela entraîna de nombreux soulèvements de populations qui voulaient leur indépendance. De même les pays voisins tentèrent d'amputer à leur profit l'empire d'Autriche. Voici les principaux faits marquants de l'histoire de cet empire :
En 1848, dans le cadre de ce qui fut appelé le « printemps des peuples », les habitants de Venise et de Milan se soulevèrent contre l'Autriche. A Turin, le roi de Sardaigne Charles-Albert, pensant que la poire était mûre se mit à la tête de ses troupes et envahit la Lombardie. Il fut vaincu le 23 mars 1849 à la bataille de Novare par le vieux maréchal autrichien Radetzky. Dès le lendemain, Charles-Albert démissionnait au profit de son fils supposé qui devint roi sous le nom de Victor-Emmanuel II. Dix ans plus tard, le célèbre Cavour fit alliance avec Napoléon III et grâce à l'aide française, l'Autriche fut vaincue au terme d'une douzaine de batailles en Italie du nord et dut céder la Lombardie.
En 1864, l'Autriche participa à « la guerre des duchés ». Trois duchés situés entre le Danemark et la Prusse étaient convoités par le Danemark, la Prusse et l'Autriche. L'Autriche s'allia avec la Prusse contre le Danemark qui fut vaincu et dut renoncer à ses prétentions sur les duchés. Ensuite les vainqueurs ne purent s'entendre et cela servit de prétexte à Bismarck pour déclarer la guerre à l'empire austro-hongrois en 1866. A l'occasion de cette guerre, l'Autriche perdit la Vénétie au profit de l'Italie, plusieurs territoires au profit de la Prusse et dut accorder une certaine autonomie à la Hongrie, d'où découla le changement d'appellation d'empire d'Autriche en Empire d'Autriche-Hongrie.
Bismarck avait dû lire l'histoire des Horace et des Curiace et avait compris qu'il fallait prendre ses ennemis l'un après l'autre. Le Danemark en 1864, l'Autriche en 1866, la France en 1870, pour les Prussiens ce fut le tiercé gagnant. Par contre Guillaume II en 1914, n'avait probablement pas médité l'histoire des Horace et des Curiace car il engagea la guerre sur tous les fronts en même temps.
L'Autriche entra dans la guerre de 14/18 aux côtés de l'empire allemand mais dut combattre sur plusieurs fronts contre les Serbes, les Russes et les Italiens. Malgré quelques victoires , l'Autriche ne put faire face. Charles 1er qui avait succédé à François-Joseph tenta de négocier avec la France mais sans succès. En octobre 1918, la Hongrie proclamait unilatéralement la fin de l'empire austro-hongrois. Le 12 novembre 1918 était proclamée à  Vienne la République mettant ainsi fin à l'empire d'Autriche puis d'Autriche-Hongrie qui avait duré quand même un peu plus d'un siècle.

L'empire ottoman : Celui-ci fut fondé en 1299 par Osman 1er qui prit le titre de Sultan. A partir du XVIe siècle, les sultans ajouteront le titre de Califes c'est-à-dire de successeurs (de Mahomet). Soliman le Magnifique, décédé en 1566, est le plus célèbre des sultans.
L'empire ottoman mit tout le monde musulman à sa botte, réalisant ainsi l'ouma, l'unité des musulmans. Cela n'empêcha pas les conflits sanglants entre les chiites et les sunnites, mais cela dure depuis la mort de Mahomet en juin 632, il n'y avait pas de raison que cela s'arrête!
Après la main mise sur le monde musulman, l'empire ottoman se lança dans une politique de conquêtes spécialement en Europe en vue d'islamiser ce continent. C'est une idée fixe chez les musulmans depuis le VIIIe siècle (bataille de Poitiers : 25 octobre 732). Ils furent longtemps arrêtés par l'empire byzantin ou empire romain d'orient. Après la prise de Constantinople le 29 mai 1453, ils se répandirent sur l'Europe par l'est : prise d'Athènes en 1456, de la Bosnie en 1463, de l'Albanie en 1476, de Belgrade en 1521, de la Hongrie en 1541, de Chypre en 1570, de la Crête en 1669 etc.
Au nord, le 24 mai 1571, les tatares de Crimée (turcophones musulmans sunnites) s 'emparaient de Moscou, massacraient la population et incendiaient la ville. Ils furent vaincus l'année suivante à la bataille de Molodi, près de Moscou. A l'ouest (pour les Turcs, c'est-à-dire à l'est pour nous), les Ottomans faisaient le siège de Vienne du 27 septembre au 15 octobre 1529, mais durent lever le siège devant leurs pertes. Ils revinrent en 1683, et assiégèrent la ville à partir du 14 juillet. La ville de Vienne sur le point de succomber fut délivrée le 12 septembre 1683 par une coalition commandée par Jean III Sobiesky roi de Pologne et le duc Charles V de Lorraine à la tête des armées du Saint Empire. Pour la petite histoire, afin de fêter leur délivrance, les boulangers de Vienne fabriquèrent des brioches en forme de croissants (symbole de l'empire ottoman). De là naquit la mode des croissants. Au moins chaque année, le 12 septembre, on devrait manger des croissants ! Quant au Grand Vizir Kara Mustafa Pacha qui commandait les armées ottomanes à Vienne, il fut décapité sur ordre du Sultan.
Dans sa plus grande dimension, l'empire ottoman comprit toute l'Afrique du nord (sauf le Maroc), l'Arabie, tout le Moyen-Orient, tout le tour de la mer noire, une grande partie de l'Europe de l'est. Mais cette dimension même entraîna des guerres avec tous les voisins : la République de Venise, le Saint Empire puis l'empire d'Autriche, l' empire russe etc.
Rien qu'avec l'empire russe, il y eut onze guerres appelées « guerres russo-turques » de 1568 à 1570, de 1676 à 1681, de 1686 à 1700, en 1710/1711, de 1735 à 1739, de 1768 à 1774 et  de 1787 à 1792 (sous le règne de Catherine II, tsarine de 1762 à 1796), de 1806 à 1812, en 1828/1829, de 1853 à 1856, en 1877/1878.
D'une guerre à l'autre les Russes gagnèrent des territoires sur les Ottomans.
Ce ne fut pas mieux avec l'Autriche car dans la foulée de  la libération de Vienne en 1683, les Ottomans furent encore vaincus le 11 novembre 1683 à Szczecin (à l'époque cette ville appartenait à la Suède avant de devenir prussienne en 1720 puis polonaise en 1945), puis à Mohacs dans le sud de la Hongrie le 12 août 1687, ce qui permit la libération de toute la Hongrie et son rattachement au Saint Empire. Ensuite le prince Eugène de Savoie, à la tête des armées autrichiennes infligea de lourdes défaites aux Ottomans de 1697 à 1717, les chassant d'une partie de l'Europe de l'est.
Il faut dire que l'empire ottoman prit du retard sur les nations européennes dans tous les domaines scientifiques et techniques y compris en matière d'armement, de marine etc. Le résultat fut de terribles défaites. Par exemple la marine ottomane fut détruite à Lépante le 7 octobre 1571 par une coalition de Venise avec l'Espagne, le 6 juillet 1770 par la flotte russe à la bataille de Tchesmé (près de l'île de Chio), puis à Navarin (au sud-ouest du Péloponnèse) etc. Sur terre ce ne fut pas mieux; l'armée ottomane fur écrasée par l'armée russe de Catherine II le 4 avril 1791 à Maschin en Serbie etc
Le XIXe siècle fut celui de la décadence de l'empire ottoman :
*en Egypte, en juillet 1805, Méhémet Ali (qui s'écrit aussi Muhammad Ali) prenait le pouvoir et s'affranchissait de la tutelle des Ottomans. Le 1er mars 1811, il faisait massacrer les mamelouks.
*le 12 décembre 1806, les Serbes chassèrent les Turcs de Belgrade; la révolte des Serbes avait commencé en 1804 et ils obtinrent finalement leur indépendance en 1817, ce qui incita d'autres nations à se révolter contre l'occupant turc et musulman.
*en 1821, les Grecs occupés depuis le milieu du XVe siècle se soulevaient pour retrouver leur indépendance. Après plus de 6 années d'abominables massacres, les Turcs étaient parvenus à mater la rébellion lorsque la flotte ottomane fut anéantie par une flotte alliée (russe, anglais et français) à Navarin le 20 octobre 1827. Les Turcs durent accorder l'indépendance à la Grèce (voir sur mon blog la note sur ce sujethttp://jean.delisle.over-blog.com/article-grece-independance-58616338.html)
*en 1830 la France s'emparait de l'Algérie, soustrayant ce territoire à l'autorité du Sultan, puis les Français occupèrent la Tunisie à partir de 1881
*la dernière guerre russo-turque (1877/1878) acheva le déclin de l'empire ottoman, qui à la suite perdit Chypre, la Bosnie,  la Bulgarie et la Roumanie.
*en 1897, c'est la Crète qui devint indépendante.
Le début du XXe siècle ne fut pas mieux pour l'empire ottoman :
*d'une guerre perdue contre le royaume d'Italie en 1911, l'empire ottoman dut céder la Tripolitaine et la Cyrénaïque (2 régions de l'actuelle Libye) au traité de Lausanne le 18 octobre 1912
*en octobre 1912, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Monténégro entraient en guerre contre l'empire ottoman qui fut vaincu
Sur le plan intérieur la situation n'était pas meilleure. En 1807, les Janissaires avaient assassiné le sultan Sélim III. Le 15 juin 1826, le Sultan Mahmut II avait fait massacrer les Janissaires qui devenaient trop dangereux pour le pouvoir et le 21 janvier 1913, il y eut à Istanbul le coup d'état des « Jeunes Turcs ».
C'est donc un empire ottoman affaibli qui entra dans la guerre de 14/18.
Les troupes turques durent combattre les Russes (campagne du Caucase) puis faire face à des débarquements français puis anglais assistés de troupes australiennes et indiennes qui opérèrent à paartir de l'Egypte ou du golfe persique ou de la côte libanaise. Les Alliés s'emparèrent successivement, par exemple, de Bagdad le 11 mars 1917, de Gaza le 6 novembre 1917, de Jaffa le 17 novembre 1917, de Jérusalem le 10 décembre 1917, de Damas le 7 octobre 1918 d'Alep le 27 ocotobre 1918, de Mossoul le 31 octobre 1918.... Enfin ils durent faire face à la révolte des Arabes encouragés (fortement) par les Anglais. C'est la célèbre histoire de Thomas Edward Lawrence plus connu sous le nom de Lawrence d'Arabie.
Aux traités d'après guerre, l'empire ottoman perdit la Syrie, la Palestine, le Liban, l'Irak et l'Arabie. Officiellement l'empire ottoman disparut en 1922 pour faire place à la République turque, après 623 ans d'existence.

L'empire russe : C'est le 2 novembre 1721 que le Sénat de Russie décerna le titre d'empereur à Pierre 1er dit Pierre-le-Grand pour sa victoire sur les Suédois de Charles XII dans une guerre qui dura de 1700 à 1709, s'interrompit, reprit et se termina lors de la mort de Charles XII en 1718.
Mais c'est à Ivan III dit lui aussi Ivan-le-Grand que l'on peut faire remonter l'empire russe. Cet Ivan né le 22 janvier 1440, commença à régner en 1462. A partir d'une principauté, celle de Moscou, il étendit son territoire par ruses, guerres et conquêtes. Le 14 avril 1502, il reçut le titre de « grand prince de Vladimir et de Moscou ». Avant d'en arriver là, il avait fait empoisonner ou assassiner ses 4 frères afin de récupérer leurs territoires, avait fait la guerre aux Lituaniens et aux Mongols et enfin avait épousé, le 12 novembre 1472,  Zoé Paléologue nièce du dernier empereur byzantin. Après la chute de l'empire byzantin (en 1453), ce mariage permettait à cet Ivan de se présenter comme l'héritier des empereurs. En se convertissant à la religion orthodoxe, Zoé avait pris le nom de Sophie.
Après Ivan III, signalons son petit-fils né le 25 août 1530 et qui régna sous le nom d'Ivan IV dit Ivan-le-Terrible, d'abord avec le titre de Grand  Prince de Vladimir et Moscou puis de tsar à partir du 16 janvier 1547 jusqu'à sa mort le 18 mars 1584. Il fit la guerre à la Pologne, à la Suède, à la Lituanie, aux Chevaliers teutoniques, et parvint à étendre le territoire jusqu'à l'Oural, mais laissa un pays exsangue après 25 ans de guerre. Il épousa successivement 8 femmes dont l'une prénommée Anastasia est l'ancêtre du premier Romanov qui régna à partir de 1613.
Moscou fut la capitale de l'empire russe jusqu'à la fondation de Saint Pétersbourg par Pierre 1er en 1703, puis le redevint sur décision de Lénine le 5 mars 1918. C'est en 1947 que les Moscovites fêtèrent le huit-centième anniversaire de la fondation de la ville. Saint Pétersbourg pour sa part s'appela Pétrograd de 1914 à 1924, puis Léningrad jusqu'en 1991 et enfin redevint Saint Pétersbourg.
Les tsars eurent l'ambition constante d'agrandir leur territoire, mais ce faisant ils se heurtèrent aux ambitions des autres puissances : à l'empire ottoman au sud (voir ci dessus), à la Suède ou à la Lituanie au nord, à la Pologne et à la Prusse à l'ouest, et enfin au Japon à l'est, sans oublier la Grande-Bretagne qui eut le soucis constant de sécuriser ses routes vers l'Inde etc.
En 1904/1905, il y eut une guerre entre la Russie et le Japon. C'est ce dernier qui attaqua la Russie à Port-Arthur le 8 février 1904, détruisant plusieurs navires russes et assiégeant la garnison qui dût se rendre le 2 janvier 1905 (Port-Arthur est situé en Mandchourie, c'est-à-dire en Chine, mais à l'époque ce territoire avait été concédé à la Russie). La flotte russe fut également détruite à Vladivostok le 10 août 1904 puis à la bataille des îles Tsushima (dans le détroit de Corée) le 27 mai 1905. Sur terre ce ne fut pas mieux, rien qu'à la bataille de Moukden (en Chine) le 21 février 1905, l'armée russe eut 92.000 tués. Le 5 septembre 1905, un traité fut signé à Porsmouth aux Etats-Unis à l'avantage des Japonais. Si les tsars avaient conquis un vaste empire, ils avaient oublié le peuple. Sa situation misérable aggravée par la guerre avec le Japon entraîna le dimanche 22 janvier 1905 (appelé « dimanche rouge ») une manifestation devant le palais d'hiver (résidence des tsars) à Saint Pétersbourg. L'armée tira sur la foule il y eut 2.000 tués ou blessés, ce qui étendit la révolte à tout le pays. C'est durant cette révolte (et non en 1917 comme le croient beaucoup de gens) que se situe la mutinerie du cuirassé Potemkine à Odessa le 27 juin 1905, entraînant de nombreuses autres mutineries qui furent réprimées par l'armée. Entre la guerre désastreuse contre le Japon et les mutineries fréquentes, c'est une Russie affaiblie qui entra dans la guerre de 14/18. L'armée russe eut l'avantage sur l'armée ottomane ainsi que sur l'armée austro-hongroise mais dût reculer un peu partout devant l'avancée des Prussiens. Le 15 mars 1917, le tsar abdiquait et dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918, il était exécuté ainsi que sa famille et quelques serviteurs à Ekaterinbourg.
Le 6 novembre 1917 (selon le calendrier grégorien, mais le 25 octobre selon le calendrier julien encore en vigueur dans la Russie tsariste), Léon Trotski et ses troupes prenaient d'assaut le palais d'hiver à Pétrograd (Saint Pétersbourg) et le lendemain était constitué un gouvernement avec Lénine comme Président, Trotski comme ministre des Affaires étrangères et Staline chargé des nationalités. C'en était fini de l'empire russe qui dura quand même plus de 4 siècles. Des puissances occidentales dont la France envoyèrent une escadre en mer Noire pour aider les « blancs » à chasser les Bolcheviks. C'est là que se situe l'épisode des « mutins de la mer Noire » le 19 avril 1919 avec Charles Tillon et André Marty. La mutinerie s'étendit à toute la flotte et la France rapatria sa marine.

Ainsi la guerre de 14/18 aura entraîné la disparition de 4 empires. On peut toujours dire qu'ils auraient quand même disparu sans la guerre, mais il semble incontestable que pour le moins la guerre a accéléré leur chute.
J.D. 22 janvier 2012, mise à jour le 29 mai 2013
 

1 l'armée russe en 14, 2 l'armée turque en 14, 3 le prince de Serbie sur le front

1 l'armée russe en 14, 2 l'armée turque en 14, 3 le prince de Serbie sur le front

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10 octobre 2010 7 10 /10 /octobre /2010 11:18

 

NOTE SUR L’INDEPENDANCE DE LA GRECE

 

Afin de prendre Constantinople en tenaille, les Ottomans avaient mis le pied au nord de la Grèce dès la fin des années 1380, et ils s’étaient emparés de Thessalonique (dont ils avaient massacré la population) en 1430.

Après la chute de Constantinople le 29 mai 1453, ils s’emparèrent d’Athènes en 1456 et du reste de la Grèce ensuite; réalisant ainsi le vieux rêve de Darius et de Xerxès au début du Ve siècle avant notre ère. Un opéra de Rossini de 1826 (Le siège de Corinthe) a pour toile de fond la conquête de la Grèce par le sultan Mehmet II dans les années 1450.

Sous la férule ottomane, les Grecs furent écrasés d’impôts, les jeunes garçons grecs périodiquement enlevés pour en faire des janissaires... Chateaubriand, par exemple, qui visita la Grèce en 1806 à l’occasion d’un voyage de Paris à Jérusalem, fait de nombreuses observations sur les abominations commises par les Turcs en Grèce et le triste sort réservé, en conséquence, à la population grecque.

Afin de conserver la langue grecque et la religion, le clergé orthodoxe organisa des écoles secrètes appelées “KRIFA SHOLEIA”. Un timbre grec de 1971 représente cette école secrète.

En 1821, les Grecs se soulevèrent pour retrouver leur indépendance qui fut proclamée au congrès d’Epidaure le 12 janvier 1822 (un timbre grec de 1971 commémore ce congrès, tandis qu’un autre de 1975 concerne l’assemblée secrète de janvier 1821 à Vostitsa qui décida de l’insurrection). Ils choisirent Missolonghi (sur la rive nord du golfe de Patras) comme capitale provisoire. Les Turcs se livrèrent alors à une répression féroce. Rien que dans l’île de Chio (Khios en grec et Scio en italien) qui comptait 75.000 habitants, en avril 1822, les Turcs en massacrèrent 30.000 et déportèrent les femmes et enfants (45.000) qui furent réduits en esclavage.

Cela révolta la conscience citoyenne européenne. Des volontaires partirent combattre aux côtés des Grecs. Parmi eux le comte italien de Santarosa, tué en combattant, l’amiral anglais Thomas Cochrane, l'Ecossais Thomas Gordon major général dans l'armée britannique, l'Irlandais Richard Church qui fut commandant en chef des forces terrestres grecques en 1827, qui resta en Grèce après l'indépendance et fut nommé général de l'armée grecque en 1854, Lord Byron, célèbre poète anglais, le baron français Fabvier (Charles Nicolas) ex-général d’empire ou Olivier Voutier, officier de marine français qui rejoignit la résistance grecque dès septembre 1821 et reçut le titre de colonel de l'armée grecque en mai 1822. . Byron mourut d’une fièvre à Missolonghi le 19 avril 1824. En 1924, pour le centenaire de sa mort, deux timbres grecs furent émis dont l’un représente Byron à Missolonghi, deux autres timbres lui furent consacrés en 1974. Joseph Denis Odevaere peignit en 1826 “La mort de Byron” (au Rijksmuseum d’Amsterdam), Ludovico Lipparini “Le serment de Byron à Missolonghi” en 1824 (Musée Benaki à Athènes), et Wiliam Purser “Vue de la maison de Byron à Missolonghi” en 1824 (au Musée Benaki d’Athènes).

Les Turcs prirent la ville de Missolonghi en 1826 après un long siège et le massacre des survivants. Certains avec leur chef Capsalis s’étaient fait sauter avec la poudrière pour échapper aux Turcs. (timbre grec commémoratif en 1971, d’autres timbres consacrés à Missolonghi furent émis en 1930, 1976 et 1982).
Eugène Delacroix peignit en 1824 un tableau intitulé : “La Grèce sur les ruines de Missolonghi” (exposé au Musée des Beaux-Arts de Bordeaux; ce tableau fut reproduit sur un timbre grec en 1968). J. D. Odevaere réalisa “les derniers combattants de Missolonghi” en 1826 (Amsterdam). Un autre artiste (Ary Scheffer) réalisa sept dessins intitulés : “Les débris de la garnison de Missolonghi” et “les femmes souliotes” -de Souli, ville de l’Epire reprise par les Turcs en 1822, où 160 femmes s’étaient précipitées dans la mer (du haut d’une falaise) avec leurs enfants pour échapper à la soldatesque turque- (au Musée d’Orsay à Paris; un timbre grec de 1971 fut consacré aux femmes souliotes et un autre en 1979 “aux combattants de Souli”). Ary Scheffer peignit également un tableau intitulé “ Jeune Grec défendant son père blessé” en 1827 (au Musée Benaki d’Athènes).

Ne parvenant pas à réduire la résistance de Souli, Ali Pacha dut promettre 500 piastres pour chaque tête de Souliotes qui lui serait rapportée.

Henri Serrur peignit la “prise de Tripolitza par les Grecs” (exposé au Musée de Douai. Tripolitza appelée aujourd’hui Tripoli fut reprise par les Ottomans en 1824. Ils la détruisirent, les Grecs l’ont reconstruite depuis). Claude Bonnefond réalisa un tableau intitulé “officier grec blessé” (au Musée de Lyon). Horace Vernet réalisa “La défaite” en 1827 (au Musée Benaki d’Athènes) et “Scène de la guerre d’indépendance” en 1826 (au Palais de l’Archevêque à Nicosie), citons encore : Eugène Delacroix : “Scène de guerre actuelle entre les Grecs et les Turcs” (au salon de 1827), Giovanni Boggi : “Portrait de Theodoros Kolokotronis” -un des chefs de la résistance grecque- en 1825 (au Musée de la ville d’Athènes), Ludowig Vogel : “Portraits des réfugiés grecs de Zurich” de 1823 (au Schweizerisches Landesmuseum de Zurich, un comité philhellène suisse assura la formation militaire de volontaires grecs), Charles Lock Eastlake : “Réfugiés grecs” en 1833 (Musée Benaki Athènes), Karl Krazeizen : “Grecs luttant parmi les ruines antiques” de 1829 (collection Mike Krassakis à Cologne)...

Le baron Fabvier, pour sa part rejoignit les combattants grecs en 1823 et organisa la défense d’Athènes. Il fit partie des derniers combattants réfugiés sur l’Acropole qui fut prise par les Turcs en juin 1827. (en 1927, 3 timbres grecs eurent pour thème “la défense de l’Acropole par le général français Fabvier”). A Nauplie, au fort Palamède, un bastion a été baptisé “Robert” en souvenir d’un volontaire français tué durant l’assaut du bastion en novembre 1822.

Malgré l’aide des volontaires, et après 6 ans 1/2 d’une guerre sanglante, les Turcs à force de massacres avaient maté toute rebellion et récupéré tout le territoire perdu. Les Grecs s’étaient battus avec l’énergie du désespoir contre des forces très supérieures, espérant et attendant en vain l’intervention des “Puissances”. Celles-ci ne se décidèrent qu’après l’écrasement complet de la résistance grecque!. Le 20 octobre 1827, une action conjointe de la Russie, de l’Angleterre et de la France, permit de vaincre les Turcs à la bataille navale de Navarin. Au chapitre IV de “L’archipel en feu”, Jules Verne écrit :”C’était l’indépendance que les canons de Navarin venaient d’assurer aux enfants de la Grèce”. (On peut se demander au passage si cette phrase de Jules Verne n’a pas inspiré le titre d’un film de 1961 :”Les canons de Navarone” ?).

Une campagne de l’armée française fut conduite dans le Péloponnèse par le général Maison en 1828 et deux armées russes marchèrent sur Istanbul en 1829. A la suite, divers traités internationaux (dont le traité d’Andrinople en 1829) accordèrent l’indépendance à la Grèce qui s’est achevée (dans les limites actuelles de la Grèce), en 1947 (plusieurs timbres grecs en 1928 et 1977 rappelèrent la bataille de Navarin. L’un des timbres de 1928 est consacré à l’amiral français de Rigny qui avait engagé la bataille contre la flotte ottomane).

Edgar Quinet qui visita la Grèce début 1829, décrivit le pays comme un vaste ossuaire en plein air (dans “la Grèce moderne et ses rapports avec l’antiquité”); rien qu’à Athènes, après le départ des Turcs, la ville est presqu’entièrement détruite, il ne reste que 4.000 survivants. Les Turcs ont même incendié les 150.000 oliviers de l’oliveraie qui se trouvait à l’ouest d’Athènes. Presque partout, avant de se retirer, les Turcs détruisent les oliviers de la Grèce. Dans son “dictionnaire de la Grèce”, Jacques Lacarrière commentant l’ouvrage d’Edgar Quinet écrit : “on se demande vraiment comment laGrèce put survivre à de telles destructions” et parlant de la Crète : “ La domination turque, qui dura jusqu’à 1898, avait provoqué dans l’île un tel état de misère et de détresseque seules les horreurs de l’enfer imaginées par Dante auraient pu l’égaler”.

 

Victor Hugo, pour sa part se déchaîna contre les Turcs dans différents poèmes publiés en 1829 sous le titre : “Les Orientales”. Parmi ceux-ci :

Enthousiasme”de 1827 : appel à la mobilisation de l’Europe pour la Grèce . Ce poème commence ainsi :

En Grèce! en Grèce! adieu, vous tous! il faut partir!

Qu’enfin, après le sang de ce peuple martyr,

Le sang vil des bourreaux ruisselle!

En Grèce, ô mes amis! vengeance! liberté!

Ce turban sur mon front, ce sabre à mon côté!

Allons! ce cheval, qu’on le selle!

Quand partons-nous? Ce soir! demain serait trop long

Des armes! des chevaux! un navire à Toulon!

Un navire, ou plutôt des ailes!...”

Navarin”de novembre 1827, du nom de la bataille navale, illustrée par un tableau de Ambroise Louis Garneray (dans les galeries historiques de Versailles), par 2 tableaux de Jean Charles Langlois (l’un intitulé “combat de Navarin” est exposé à Compiègne au Musée du Palais, l’autre “entrevue du général Maison et d’Ibrahim Pacha à Navarin” est exposé à Versailles), et par un tableau de George Philip Reinagle “La bataille de Navarin” de 1827 (à la “Fine Art Society” à Londres). Voici un extrait du poème de Victor Hugo:

Ibrahim, que rien ne modère...

Il court où le butin le tente,

Et lorsqu’il retourne à sa tente,

Chaque fois sa main dégoûtante

Jette des têtes au Sérail...”

La douleur du Pacha” de décembre 1827, à la suite de la défaite des Turcs.

Ci après un extrait de ce poème :

Ce ne sont pas non plus les villes écroulées,

Les ossements humains noircissant les vallées,

La Grèce incendiée, en proie aux fils d’Omar,

L’orphelin, ni la veuve, et ses plaintes amères,

Ni l’enfance égorgée aux yeux des pauvres mères,

Ni la virginité marchandée au bazar,...”

Les têtes du sérail” de juin 1826, qui conte la mort de 3 héros grecs : Joseph évêque orthodoxe de Rogous, mort en combattant les Turcs, Constantin Canaris, dont la mort avait été annoncée (à tort) au moment où Victor Hugo rédigea son poème, et Markos Botzaris, un des premiers chefs de l’insurrection, mort au combat en 1823, que les Grecs inhumèrent et que les Turcs exhumèrent pour lui trancher la tête et l’envoyer au Sultan. Plusieurs timbres grecs furent consacrés à Botzaris en 1926, 1930 et 1971. A Paris, une station de métro (sur la ligne 7bis) s’appelle “Botzaris”. Dans le chapitre VIII de la deuxième partie de “Vingt milles lieues sous les mers”, Jules Verne fait figurer le portrait de Botzaris dans la cabine du capitaine Nemo. Dans le même roman, le capitaine Nemo livre aux insurgés grecs, du côté de la Crète, un coffre rempli de lingots d’or pour les aider dans leur lutte contre les Turcs. Le Museo Civico à Trevise conserve toute une série de tableaux de Lodovico Lipparini sur la guerre d’indépendance dont l’un sur “La mort de Markos Botsaris”.

Plusieurs timbres grecs de 1930 et toute une série en 1971 sont relatifs à l’action du clergé orthodoxe dans cette guerre d’indépendance; l’un de ces timbres est consacré au patriarche orthodoxe Grégoire V que les Turcs avaient pendu à Istanbul en 1821. L’hymne national grec rend hommage à ce patriarche avec cette phrase : “Pleurez tous : l’Eglise a perdu son chef vénéré; pleurez, pleurez : il a subi l’infâme supplice réservé aux assassins.”

Ci-après un extrait des propos que Victor Hugo prête à Botzaris dans son poème :

Les Musulmans vainqueurs dans ma tombe fouillèrent,

Ils mélèrent ma tête aux vôtres qu’ils souillèrent.
Dans le sac du Tartare on les jeta sans choix.
Mon corps décapité trésaillit d’allégresse;

Il me semblait, ami, pour la Croix et la Grèce

Mourir une seconde fois.”

L’’enfant”de juin 1828, relatif aux massacres de Chio. Eugène Delacroix peignit, lui, “Les massacres de Scio”, tableau exposé au Musée du Louvre, tandis que le sculpteur Pierre Jean David dit “David d’Angers” réalisait une sculpture en marbre : “L’enfant grec” (au Musée des Beaux-Arts d’Angers) et “la jeune grecque sur le tombeau de Markos Botzaris” (au Musée historique d’Athènes. Cette sculpture fut reproduite sur un timbre grec de 1926). Un encrier de bronze avec une statuette de “Markos Botsaris expirant” inspiré de David d’Angers est conservé au Musée Benaki d’Athènes. Sur le thème de la guerre d’indépendance, de nombreux artistes décorèrent des vases, des assiettes, des pendules... (voir “La Grèce retrouvée de Fani-Maria Tsigakou Seghers 1984). En Angleterre le “Morning Chronicle” publia un poème “Les larmes de Scio”.

Cri de guerre du Mufti” d’octobre 1828, rédigé après la défaite des Ottomans, mais si les Turcs avaient perdu Athènes, ils occupèrent l’Acropole jusqu’en 1834. La mosquée qu’ils avaient construite à l’intérieur du Parthénon ne fut démolie qu’en 1842.

Canaris”en novembre 1828, du nom de l’amiral de la flotte grecque. Un timbre grec lui fut consacré en 1930 dans le cadre d’une série sur les “héros de l’indépendance”. Parmi ces timbres, l’un est dédié à Laskarina Bouboulis dite “La Bouboulina”. Cette veuve d’un armateur grec consacra sa fortune à la guerre d’indépendance. Elle arma 4 navires à ses frais pour combattre les Turcs et participa elle-même aux combats. Elle appela son navire amiral “l’Agamemnon”.(nom du chef des Grecs contre Troie). Elle fut assassinée le 22 mai 1825. Deux timbres grecs de 1971 et 1983 représentent des navires de la Bouboulina. Le danois Adam Friedel von Friedelsburg réalisa 24 portraits des principaux chefs de l’insurrection grecque dont une lithographie de Lascarina Bouboulina en 1827. En 1993, Michel de Grèce lui consacra un livre : “La Bouboulina”. Signalons également que la pièce grecque de 2 centimes d’Euro représente une corvette de 1821 ayant participé à la guerre d’indépendance. Au chapitre XIII de “l’Archipel en feu”, Jules Verne cite Modena et Zacharias parmi les femmes grecques qui comme la Bouboulina consacrèrent leur fortune à faire construire des navires pour combattre les Turcs.

Canaris inspira à Victor Hugo deux autres poèmes intitulés “A Canaris”, datés d’octobre 1832 et de septembre 1835 et publiés dans “Les Chants du crépuscule” fin 1835. Voici un extrait du poème de 1832 :

Nous avons un instant crié : La Grèce! Athènes!

Sparte! Léonidas! Botzaris! Démosthènes!

Canaris, demi-dieu de gloire rayonnant!...”

et du poème de 1835 :

Toi qui brises tes fers rien qu’en les secouant,

Toi dont le bras, la nuit, envoie en se jouant,

Avec leurs icoglans, leurs noirs, leurs femmes nues,

Les capitans-pachas s’éveiller dans les nues!...”

 

 

Bien d’autres personnalités ont, à l’époque, pris la défense de la Grèce. Signalons Claude Fauriel qui publia en 1824/1825 “Chants populaires de la Grèce moderne” (chants patriotiques), Jules Verne dans son roman “l’archipel en feu” en 1884, Lamartine dans son poème “Invocations pour les Grecs” en 1826, et surtout Chateaubriand qui, en 1825, dans une “note sur la Grèce”, appela toutes les nations européennes à s’unir pour imposer à l’Empire Ottoman l’indépendance de la Grèce. Cette “note sur la Grèce” fut largement diffusée et figura entre autres en avant-première, dès 1827, de plusieurs éditions de “l’Itinéraire de Paris à Jérusalem”.

Ci-après quelques extraits de cette “note sur la Grèce” copiés dans une édition de 1859 de l’Itinéraire chez Firmin-Didot :

Malheur au siècle, témoin passif d’une lutte héroïque, qui croirait qu’on peut, sans périls comme sans pénétration de l’avenir, laisser immoler une nation! Cette faute, ou plutôt ce crime, serait tôt ou tard suivi du plus rude châtiment”...

Et l’on soutiendrait aujourd’hui qu’il n’y a ni massacre, ni exil, ni expropriation en Grèce! On prétendrait qu’il est permis d’assister paisiblement à l’égorgement de quelques millions de chrétiens!”...

Vous ne voulez pas serrer la main suppliante de la Grèce? eh bien! sa main mourante vous marquera d’une tache de sang, afin que l’avenir vous reconnaisse et vous punisse.”...

N’est-il pas étrange que l’on voie l’Afrique, l’Asie et l’Europe mahométane verser incessamment leurs hordes dans la Grèce, sans que l’on craigne les effets plus ou moins éloignés d’un pareil mouvement? Une poignée de chrétiens qui s’efforcent de briser le joug odieux sont accusés par des chrétiens d’attenter au repos du monde; et l’on voit sans effroi s’agiter, s’agglomérer, se discipliner ces milliers de barbares qui pénétrèrent jadis jusqu’au milieu de la France, jusqu’aux portes de Vienne.”...

Non seulement on fait l’éducation des soldats de la secte la plus fanatique et la plus brutale qui ait jamais pesé sur la race humaine, mais on les approche de nous. C’est nous,chrétiens, c’est nous qui prêtons des barques aux Arabes et aux nègres de l’Abyssinie pour envahir la chrétienté.”...

Etablie sur les ruines de la Grèce antique et sur les cadavres de la Grèce chrétienne, la barbarie enrégimentée menacera la civilisation”...

Recommander l’humanité à des Turcs, les prendre par les beaux sentiments, leur expliquer le droit des gens, leur parler de hospodorats, de trêves, de négociations, sans rien leur intimer et sans rien conclure, c’est peine perdue, temps mal employé”...

l’Europe doit préférer un peuple qui se conduit d’après les lois régénératrices des lumières, à un peuple qui détruit partout la civilisation. Voyez ce que sont devenues, sous la domination des Turcs, l’Europe, l’Asie et l’Afrique mahométanes...”

Sait-on bien ce que c’est pour les Osmanlis (ancien nom des Ottomans) que le droit de conquête, et de conquête sur un peuple qu’ils regardent comme des chiens révoltés? Ce droit c’est le massacre des vieillards et des hommes en état de porter les armes (en note, Chateaubriand signale le cas de 500 hommes de Modon qui furent sciés par le milieu du corps), l’esclavage des femmes, la prostitution des enfants suivie de la circoncision forcée et de la prise du turban. C’est ainsi que Candie, l’Albanie et la Bosnie, de chrétiennes qu’elles étaient, sont devenues mahométanes”....

Il faut considérer l’invasion d’Ibrahim comme une nouvelle invasion de la chrétienté par les musulmans. Mais cette seconde invasion est bien plus formidable que la première : celle-ci ne fit qu’enchaîner les corps; celle-là tend à ruiner les âmes : ce n’est plus la guerre au chrétien, c’est la guerre à la Croix”...

On assure qu’Ibrahim, arrivé à Patras, va faire transporter une partie de son armée à Missolonghi. Cette place, assiégée depuis près d’un an, et qui a résisté aux bandes tumultueuses de Reschid-Pacha, pourra-t-elle, avec des remparts à moitié détruits, des moyens de défense épuisés, une garnison affaiblie, résister aux brigands disciplinés d’Ibrahim?”...

Notre siècle verra-t-il des hordes de Sauvages étouffer la civilisation renaissante dans le tombeau d’un peuple qui a civilisé la terre? La chrétienté laissera-t-elle tranquillement les Turcs égorger des chrétiens?...”

Mais lorsqu’enfin on a pendu ses prêtres et souillé ses temples, lorsqu’on a égorgé, brûlé, noyé des milliers de Grecs, lorsqu’on a livré leurs femmes à la prostitution, emmené et vendu leurs enfants dans les marchés de l’Asie, ce qui restait de sang dans le coeur de tant d’infortunés s’est soulevé. Ces esclaves par force ont commencé à se défendre avec leurs fers”...

 

Dans une intervention à la Chambre des Pairs en date du 15 mars 1826, Chateaubriand demanda que les dispositions de la loi du 15 avril 1818 contre la traite des noirs soient étendues à l’esclavage des chrétiens organisé par certains pays musulmans appelés

par Chateaubriand “puissances barbaresques” dans une autre intervention à la Chambre des Pairs en date du 9 avril 1816.

 

 

 

Interrogation : En Occident on parle souvent du “génocide arménien”, jamais du “génocide grec”. Pourquoi ?

Les Turcs du XXIe siècle ne peuvent naturellement être responsables des crimes des Ottomans. Les crimes des Nazis n’empêchent pas l’alliance avec les Allemands; mais de même que l’amitié d’aujourd’hui avec les Allemands n’exclut pas le devoir de mémoire pour les exterminés des camps, ceux d’Oradour, Jean Moulin, les résistants des Glières, ceux du Vercors etc etc etc, l’alliance avec les Turcs ne doit pas exclure le devoir de mémoire envers les Grecs du XIXe siècle et ce d’autant que dans cette tragédie, les “Puissances” semblent avoir été surtout préoccupées de se surveiller les unes les autres (et d’empêcher les dites autres d’étendre leur zone d’influence), plutôt que d’aider les Grecs. Dans ce sens ces “Puissances” ont aussi leurs responsabilités dans le génocide.

Outre le devoir de mémoire, le rappel des événements permet de mieux comprendre certaines réactions actuelles. L’importance des émissions de timbres grecs sur la guerre d’indépendance (celles citées ci dessus ne sont que partielles, et il faudrait également signaler une émission de timbres chypriotes en 1971 pour commémorer le 150° anniversaire de l’indépendance de la Grèce) suffirait à penser que le souvenir des atrocités du XIXe siècle n’est pas complètement effacé de la mémoire des Grecs. L’hymne national grec composé par Solomos en 1823 et toujours en vigueur en serait un témoignage s’il était nécessaire. En voici quelques extraits :

La terre vomissait à flots pressés les mânes de tous ceux qui avaient été les victimes innocentes de la fureur des Turcs...

Les Grecs braves comme des lions, se battaient en criant toujours feu, et la race impie des Turcs se dispersait en hurlant toujours allah!...

Ô trois cents Spartiates! levez-vous, revenez parmi vos enfants: vous verrez combien ils ressemblent à leurs glorieux pères...

Puissé-je entendre gronder ainsi le vaste Océan, et le voir engloutir sous ses ondes toute la race musulmane...”

 

 

 

Exemples de paroles de chansons grecques des années 1820, rapportées par Claude Fauriel en 1824 dans “chants populaires de la Grèce moderne” :

 

GUERRES DE SOULI (III)

Un oiseau s’est posé sur le haut du pont. Il se lamente et dit; il dit à Ali Pacha : ce n’est point ici Iannina; pour y faire des jets d’eau; ce n’est point ici Prévéza pour y bâtir des forteresses. C’est ici Souli le fameux, Souli le renommé, où vont en guerre les petits enfants, les femmes et les filles; où la femme de Tsavellas combat, le sabre à la main, son nourisson à un bras, le fusil à l’autre, et le tablier plein de cartouches.

 

GUERRES DES SOULIOTES (X)

Un grand bruit se fait entendre : les coups de fusil pleuvent : est-ce une noce que l’on tire? est-ce une réjouissance? Ce n’est ni à une noce que l’on tire, ni dans une réjouissance.
C’est Despo qui combat avec ses brus et ses filles. Les Albanais l’ont assaillie dans la tour de Dimoulas :” Femme de George, rends les armes : ce n’est point ici Souli; ici tu es l’esclave du pacha, la captive des Albanais” - “Souli a beau s’être rendu, Kiapha a beau être devenue turke, Despo n’eut, Despo n’aura jamais des Liapes pour maîtres”. Elle saisit un tison dans sa main, appelle ses filles et ses belles-filles : “Ne soyons par les esclaves des Turks, mes enfants; suivez-moi”. Elle met le feu aux cartouches, et toutes disparaissent dans le feu.

 

 

 

 

extraits de lettres d’Edgar Quinet à sa mère

(publiées par la librairie Honoré Champion à Paris 2003)

 

lettre d’Egine du 17.4.1829 : “J’ai vu de mes yeux et distinctement la pauvre Athènes, qui ressemble de ce point à une grande métaierie, ou à un monastère abandonné”

lettre d’Egine du 26.4.1829 : “Voici deux jours que je suis de retour d’Athènes... La ville est détruite de fond en comble, il ne reste que les monuments antiques avec quelques palmiers çà et là. J’ai tout vu, tout reconnu à mon gré dans cette pauvre Athènes qui est encore la plus belle et la plus touchante des ruines.”

lettre de Syra du 12.5.1829 :”Je viens d’entendre dire que mes compagnons ou ceux qui les dirigent ont été tellement effrayés de ce pays, qu’ils étaient encore à Modon, il y a quinze jours, sans oser en sortir.”

lettre de Marseille du 5.6.1829 :”Je reviens de tous points satisfait de mon voyage. Vous savez que je l’ai fait seul, et que j’ai pénétré jusque dans Athènes où j’ai vécu deux jours. J’ai été obligé de me séparer de mes compagnons qui sont restés deux mois inactifs à Modon, par épouvante à ce qu’on dit.”

 

EXTRAITS DE “LA GRECE MODERNE ET SES RAPPORTS AVEC L’ANTIQUITE”

d’EDGAR QUINET 1830

 

... je pris la chaussée vénitienne de Modon, à travers les couches de cendre et les troncs brûlés des oliviers dont la vallée était autrefois ombragée...à la place des villages, des kiosques et des tours...on ne voit plus que de longues murailles calcinées... Une fois, je me dirigeai vers les restes d’une église byzantine, où je croyais voir des marbres écroulés; il se trouva que le porche et le circuit étaient jonchés de blancs squelettes...je descendis vers la mer pour y chercher le port; là encore je ne vis sous une nuée de corbeaux, que des ossements d’hommes et de chevaux...
Entre plusieurs récits qu’ils nous firent, je fus frappé de l’atrocité d’un supplice que le bim-baschi avait fait subir quelque temps auparavant sous leurs yeux à l’un de ses prisonniers : cet homme, qui était un ancien scribe des environs, avait été écorché vif, des pieds jusqu’à la tête, et suspendu ainsi, par des crochets de fer enfoncés dans la poitrine, à un olivier, où il vécut tout un jour. Je tiens d’une autre source non moins certaine qu’un médecin, philhellène français, ayant été pris au Pirée par une bande d’Albanais, sa taille un peu replète les mit en joie; ils le pendirent à un arbre, où ils le tirèrent à la cible toute la matinée.”

 

 

EXTRAITS D’UN AVERTISSEMENT D’EDGAR QUINET DATE DU 11 JUILLET 1857

POUR UNE REEDITION DE “LA GRECE MODERNE ET SES RAPPORTS AVEC L’ANTIQUITE”

 

Y avait-il encore une nation, un avenir sous cette blanche poussière d’ossements humains qui couvrait littéralement les rivages et la place des villes? On pouvait en douter. Il n’a pas été inutile de tracer à la fois le tableau de l’extermination et celui du réveil de la Grèce en 1829...
La Grèce si elle est quelque chose est un Etat maritime; et c’est ce que l’Angleterre ne veut pas. La Grande-Bretagne, la reine des mers jalouse Hydra et Poros. La puissante Angleterre, la chrétienne Angleterre a fait tout ce qu’il fallait pour étouffer au berceau le peuple qui venait au monde. A peine né, elle le rançonnait déjà, elle l’emprisonnait pour dettes...

L’Europe n’est intervenue qu’après sept ans et rassasiée du spectacle du carnage. Une si lente extermination donne un droit à celui qui a survécu. Une plante arrosée de tant de sang ne peut plus être extirpée par personne...

Au milieu de la plus grande destruction d’hommes et de choses que l’on verra jamais, je me suis trouvé dans mon voyage, en face de la nature seule...L’anéantissement de tous les vestiges humains...La détresse était telle qu’il m’eût été impossible de m’attacher au souvenir des époques brillantes de la société grecque. Partout la barbarie présente me ramenait à la barbarie antique. Dans un monde redevenu primitif par l’effet du carnage et de la déprédation je n’aurais pu parler de Périclès, de Sophocle, de Socrate. Je revenais comme naturellemnt aux Pelasges mangeurs de glands et aux dieux d’Arcadie à têtes de loups.”

 

 

 

 

EXTRAITS DE “L’ARCHIPEL EN FEU”

ROMAN DE JULES VERNE DE 1884

chapitreII :

...après la mort de son père, qui fut l’une de ces milliers de victimes de la cruauté des Turcs, sa mère, affamée de haine, n’attendit plus que l’heure de se jeter dans le premier soulèvementcontre la tyrannie ottomane”

chapitre III :

Pendant près de deux cents ans, on peut dire que la vie politique de la Grèce fut complètement éteinte. Le despotisme des fonctionnaires ottomans, qui y représentaient l’autorité, passait toutes limites. Les Grecs n’étaient ni des annexés, ni des conquis, pas même des vaincus : c’étaient des esclaves, tenus sous le bâton du pacha, avec l’imam ou prêtre à sa droite, le djellah ou bourreau à sa gauche...
En 1821, les Souliotes et le Magne se soulevèrent. A Patras, l’évêque Germanos, la croix en main, pousse le premier cri. La Morée, la Moldavie, l’Archipel se rangent sous l’étendard de l’indépendance. Les Hellènes, victorieux sur mer, parviennent à s’emparer de Tripolitza. A ces premiers succès des Grecs, les Turcs répondent par le massacre de leurs compatriotes qui se trouvaient à Constantinople...
Les Philhellènes accoururent à leur secours de tous les points de l’Europe. Ce furent des Italiens, des Polonais, des Allemands mais surtout des Français qui se rangèrent contre les oppresseurs. Les noms de Guys de Sainte-Hélène, de Gaillard, de Chauvassaigne, des capitaines Baleste et Jourdain, du colonel Fabvier, du chef d’escadron Regnaud de Saint-Jean d’Angely, du général Maison, auxquels il convient d’ajouter ceux de trois Anglais : lord Cochrane, lord Byron, le colonel Hasting...

En 1822, Ali de Tébelen, assiégé dans sa forteresse de Janina, est lâchement assassiné au milieu d’une conférence que lui avait proposée le général turc Kourschid...

Ce fut dans les luttes de cette année là (1823)que succomba Marco Botsaris, ce patriote dont on a pu dire : il vécut comme Aristide et mourut comme Léonidas...

Ibrahim Pacha voulut aller prendre part au second siège de Missolonghi, dont le général Kiotagi ne parvenait pas à s’emparer, bien que le sultan lui eût dit : Ou Missolonghi ou ta tête! En 1826, le 5 janvier, après avoir brûlé Pyrgos, Ibrahim arrivait devant Missolonghi. Pendant trois jours, du 25 au 28, il jeta sur la ville huit mille bombes et boulets, sans pouvoir y entrer, même après un triple assaut, et bien qu’il n’eût à faire qu’à deux mille cinq cents combattants, déjà affaiblis par la famine.... Le 23 avril, après un siège qui avait coûté la vie à mille neuf cents de ses défenseurs, Missolonghi tombait au pouvoir d’Ibrahim, et ses soldats massacrèrent hommes, femmes, enfants, presque tout ce qui survivait des neuf mille habitants de la ville...

Ainsi voit-on apparaître le nom de Bobolina, née dans une petite île, à l’entrée du golfe de Nauplie. En 1812, son mari est fait prisonnier, emmené à Constantinople, empalé sur ordre du sultan.... Une autre grande figure doit être placée au même rang que cette vaillante Hydriote. Toujours mêmes faits amenant mêmes conséquences. Un ordre du sultan fait étrangler à Constantinople le père de Modena Mavroeinis, femme dont la beauté égalait la naissance. Modena se jette aussitôt dans l’insurrection...” (Jules Verne passe alors en revue les principales héroïnes de la guerre d’indépendance dont Andronika, Despo ... pour conclure) :”on peut voir de quoi étaient capables les descendantes des Héllènes...

dans la ville de Scio... où périrent vingt trois mille chrétiens, sans compter quarante sept mille qui furent vendus comme esclaves sur les marchés de Smyrne...”

chapitre IX :

A cette époque, le sultan avait lancé, contre Scio cet arrêt terrible : feu, fer, esclavage. Le capitan-pacha, Kara-Ali fut chargé de l’exécuter. Il l’accomplit. Ses hordes sanguinaires prirent pied dans l’île. Hommes au dessus de douze ans, femmes au-dessus de quarante ans furent impitoyablement massacrés. Le reste réduit en esclavage...”

chapitreXIII :

A cette époque, les soldats d’ibrahim faisaient encore une guerre féroce aux populations du centre de la Morée (ancien nom du Péloponnèse), tant éprouvées déjà et depuis si longtemps. Les malheureux qu’on ne massacrait pas étaient envoyés dans les principaux ports de la Messénie, à Patras, ou à Navarin,. de là, des navires, les uns frétés par le gouvernement turc, les autres fournis par les pirates de l’Archipel, les transportaient par milliers soit à Scarpanto, soit à Smyrne, où les marchés d’esclaves se tenaient en permanence”....

Alger était encore à la discrétion d’une milice, composée de musulmans et de renégats, rebut des trois continents qui forment le littoral de la Méditerranée, ne vivant que de la vente des prisonniers faits par les pirates et de leur rachat par les chrétiens. Au dix-septième siècle, la terre africaine comptait déjà près de quarante mille esclaves des deux sexes, enlevés à la France, à l’Italie, à l’Angleterre, à l’Allemagne, à la Flandre, à la Hollande, à la Grèce, à la Hongrie, à la Russie, à la Pologne, à l’Espagne dans toutes les mers de l’Europe. A Alger, au fond des bagnes du pacha d’Ali-Mami, des Kouloughis et de Sidi-Hassan, à Tunis, dans ceux de Youssif-Dey, de Galere-Patrone et de Cicala, dans celui de Tripoli....”

 

INVOCATION POUR LES GRECS

poème de Lamartine de 1826

 

 

N’es-tu plus le Dieu des armées?
N’es-tu plus le Dieu des combats?

Ils périssent, Seigneur, si tu ne réponds pas!

L’ombre du cimeterre est déjà sur leurs pas!

Aux livides lueurs des cités enflammées

Vois-tu ces bandes désarmées,

Ces enfants, ces vieillards, ces vierges alarmées?

Ils flottent au hasard de l’outrage au trépas,

Ils regardent la mer, ils te tendent les bras;

N’es-tu plus le Dieu des armées?
N’es-tu plus le Dieu des combats?

 

Jadis tu te levais! tes tribus palpitantes

Criaient : Seigneur! Seigneur! ou jamais ou demain!

Tu sortais tout armé, tu combattais! soudain

L’Assyrien frappé tombait sans voir la main,

D’un souffle de ta peur tu balayais ses tentes,

Ses ossements blanchis nous traçaient le chemin!

Où sont-ils? où sont-ils ces sublimes spectacles

Qu’ont vus les flots de Gad et les monts de Séirs?

Eh quoi! la terre a des martyrs,

Et le ciel n’a plus de miracles?

Cependant tout un peuple a crié : Sauve-moi;

Nous tombons en ton nom, nous périssons pour toi!

 

Les monts l’ont entendu! les échos de l’Attique

De caverne en caverne ont répété ses cris,

Athènes a tressailli sous sa poussière antique

Sparte les a roulés de débris en débris!

Les mers l’ont entendu! les vagues sur leurs plages,

Les vaisseaux qui passaient, les mâts l’ont entendu!

Le lion sur l’Oeta, l’aigle au sein des nuages;

Et toi seul, ô mon Dieu! tu n’as pas répondu!

 

Ils t’ont prié, Seigneur, de la nuit à l’aurore,

Sous tous les noms divins où l’univers t’adore;

Ils ont brisé pour toi leurs dieux, ces dieux mortels,

Ils ont pétri, Seigneur, avec l’eau des collines,

La poudre des tombeaux, les cendres des ruines,

Pour te fabriquer des autels!

 

Des autels à Délos! des autels sur Egine!

Des autels à Platée, à Leuctre, à Marathon!

Des autels sur la grève où pleure Salamine!

Des autels sur le cap où méditait Platon!

 

Les prêtres ont conduit le long de leurs rivages

Des femmes, des vieillards qui t’invoquaient en choeurs,

Des enfants jetant des fleurs

Devant les saintes images,

Et des veuves en deuil qui cachaient leurs visages

Dans leurs mains pleines de pleurs!

 

Le bois de leurs vaisseaux, leurs rochers, leurs murailles,

Les ont livrés vivants à leurs persécuteurs,

Leurs têtes ont roulé sous les pieds des vainqueurs

Comme des boulets morts sur les champs de batailles;

Les bourreaux ont plongé la main dans leurs entrailles;

Mais ni le fer brûlant, Seigneur, ni les tenailles

N’ont pu t’arracher de leurs coeurs!

 

Et que disent, Seigneur, ces nations armées

Contre ce nom sacré que tu ne venges pas!

Tu n’es plus le Dieu des armées!

Tu n’es plus le Dieu des combats!

 

(De Lamartine voir également le “Voyage en Orient” publié en 1835 où il décrit l’état de ruines dans lequel les Turcs ont laissé la Grèce et les destructions des oliviers)

 

 

 

extraits du chant II de “Childe Harold’s Pilgrimage” de Lord Byron

(publié à Londres en 1812; traduction française utilisée : Florence Guilhot et J.L. Paul, éditions Ressouvenances septembre 2001)

 

 

LXI : “On n’entend jamais la voix de la femme :

Sans se mouvoir, gardée, voilée, bannie,

Elle livre à un seul son être et sa flamme

Soumise, en cage, sans acrimonie,

A ce maître à qui elle s’est unie...”

 

LXXIII : “ Belle Grèce! Amer vestige, éclat passé!

Grande déchue, caduque impérissable!

Qui mènera tes enfants dispersés?

Qui rompra le servage interminable?

Jadis tes fils n’étaient point comparables,

Attendant les guerriers voués au caveau.

Des Termopyles, sépulcre lamentable

Qui réveillant cet esprit brave et beau.
S’élançant d’Eurotas, te prendra du tombeau ?”

 

 

LXXV : “Ils sont changés en tout hormis de corps!

Qui voit la flamme briller en leurs yeux

Croirait bien que leurs coeurs brûlent encor,

liberté perdue, de ton feu radieux.

S’approche l’heure qui, de leurs aïeux

-Rêvent beaucoup-, leur rendra l’héritage :

D’arme et d’aide d’autrui sont-ils envieux,

N’osant seuls affronter l’hostile rage,

Rayé leur nom souillé du livre d’Esclavage.”

 

LXXVI : “Ignorez-vous, esclaves de l’histoire :

Qui se veut libre est son libérateur,

Ses droites armes forgent sa victoire ?

Celte ou Slave vous seraient protecteurs?

Non! Qu’ils terrassent vos fiers spoliateurs,

Et la flammme libre pour vous ne monte !

Ombres d’ilotes! Soyez triomphateurs!

Votre état dure quiconque vous dompte :

Le jour glorieux prit fin, non vos années de honte.

 

 

LXXVII :”La Cité pour Allah prise au Giaour,

Il pourra la reprendre à l’Ottoman;

Et du Sérail l’impénétrable tour

Reverra son hôte, le Franc ardent,

Les Rebelles de Wahab dépouillant

la tombe du Prophète, feront chemin

Sanglant qui serpente vers l’Occident...”

 

LXXIX :”Lequel défile avec plus de folie,

Istanbul, jadis reine de leur règne?

Si les turbans souillent Sainte-Sophie,

Si les vrais autels la Grèce dédaigne...”

 

LXXXIII : “C’est ce que sent le vrai fils de la Grèce,

Si elle peut en vanter dans ses rangs,

Lorsque tant, parlant guerre, en paix s’abaisse

Cette paix de l’esclave soupirant...”

 

LXXXIV :”Puisse Sparte réveiller son ardeur,

Un Epaminondas Thèbes connaître,

Les fils d’Athènes être doués d’un coeur,

Tes mères, Grèce! des hommes faire naître...”

 

 

 

 

CRI DE GUERRE DU MUFTI

(Poème de Victor Hugo d’octobre 1828, publié en 1829 dans la série “Les Orientales”)

 

En guerre les guerriers! Mahomet! Mahomet!

Les chiens mordent les pieds du lion qui dormait;

Ils relèvent leur tête infâme;

Ecrasez, ô croyants du prophète divin,

Ces chancelants soldats qui s’enivrent de vin,

Ces hommes qui n’ont qu’une femme!

 

Meure la race franque et ses rois détestés!

Spahis, timariots, allez, courez, jetez

A travers les sombres mélées

vos sabres, vos turbans, le bruit de votre cor,

Vos tranchants étriers, larges triangles d’or,

Vos cavales échevelées!

 

Qu’Othman, fils d’Ortogrul, vive en chacun de vous,

Que l’un ait son regard et l’autre son courroux.

Allez, allez, ô capitaines!

Et nous te reprendrons, ville aux dômes d’azur,

Molle Setiniah, qu’en leur langage impur

les barbares nomment Athènes!

 

 

 

 

LE VOILE

(Poème de Victor Hugo de septembre 1828, publié en 1829 dans la série “Les Orientales”)

 

LA SOEUR

Qu’avez-vous, qu’avez-vous, mes frères ?

Vous baissez des fronts soucieux;

Comme des lampes funéraires,

Vos regards brillent dans vos yeux.
Vos ceintures sont déchirées;

Déjà trois fois, hors de l’étui,

Sous vos doigts, à demi tirées,

Les lames des poignards ont lui.

 

LE FRERE AINE

N’avez-vous pas levé votre voile aujourd’hui ?

 

LA SOEUR

Je revenais du bain, mes frères,

Seigneurs, du bain, je revenais,

Cachée aux regards téméraires

Des Giaours et des Albanais.

En passant près de la mosquée

Dans mon palequin recouvert,

L’air du midi m’a suffoquée;

Mon voile un instant s’est ouvert.

LE SECOND FRERE

Un homme alors passait ? un homme en caltan vert.

 

LA SOEUR

Oui... peut-être...mais son audace

n’a point vu mes traits dévoilés...

Mais vous vous parlez à voix basse,

A voix basse vous vous parlez.

Vous faut-il du sang? sur mon âme,

Mes frères, il n’a pu me voir.
Grâce! tuerez-vous une femme,

Faible et nue en votre pouvoir !

 

LE TROSIEME FRERE

Le soleil était rouge à son coucher ce soir!

 

LA SOEUR

Grâce! qu’ai-je fait? grâce! grâce!

Dieu! quatre poignards dans mon flanc!

Ah! par vos genoux que j’embrasse...

O mon voile! ô mon voile blanc!

Ne fuyez pas mes mains qui saignent,

Mes frères, soutenez mes pas!

Car sur mes regards qui s’éteignent

S’étend un voile de trépas.

 

LE QUATRIEME FRERE

C’en est un que du moins tu ne lèveras pas!

 

L’ENFANT

(Poème de Victor Hugo de juin 1828, publié en 1829 dans le série “Les Orientales”)

 

Les Turcs ont passé là : tout est ruine et deuil.

Chio, l’île des vins, n’est plus qu’un sombre écueil,

Chio qu’ombrageaient les charmilles,

Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,

Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois

Un choeur dansant de jeunes filles.

Tout est désert : mais non, seul près des murs noircis,

Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,

Courbait sa tête humiliée.

Il avait pour asile, il avait pour appui

une blanche aubépine, une fleur, comme lui

Dans le grand ravage oubliée.

 

Ah! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux!

Hélas! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus

Comme le ciel et comme l’onde,

Pour que dans leur azur, de larmes orageux,

Passe le vif éclair de la joie et des jeux,

Pour relever ta tête blonde,

 

Que veux-tu? bel enfant, que faut-il donner

Pour rattacher gaiement et gaiement ramener

En boucles sur ta blanche épaule

Ces cheveux qui du fer n’ont pas subi l’affront,

Et qui pleurent épars autour de ton beau front,

Comme les feuilles sur le saule ?

 

Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?

Est-ce d’avoir ce lis, bleu comme tes yeux bleus,

Qui d’Iran borde le puits sombre ?

Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,

Qu’un cheval au galop met toujours en courant

Cent ans à sortir de son ombre?

 

Veux-tu pour me sourire, un bel oiseau des bois,

Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,

Plus éclatant que les cymbales?

Que veux-tu? fleur, beau fruit, ou l’oiseau merveilleux?

Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,

Je veux de la poudre et des balles.

timbre grec de 1971 commémorant la victoire navale de Samos contre les Turcs

timbre grec de 1971 commémorant la victoire navale de Samos contre les Turcs

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