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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 18:21

Quel point commun peut-il exister entre Aristide Briand, ami de Fernand Pelloutier, de Jean Jaurès, homme de gauche, chantre de la paix et Emile Driant qui fit une carrière militaire, fut le gendre du général Boulanger, fut député de droite, fut le fondateur de deux ligues anti-maçonniques et écrivain patriotique sous le pseudonyme de « Capitaine Danrit » (anagramme de Driant) . Voyons un peu.

Aristide Briand : Sur Aristide Briand il existe une biographie en 6 volumes (2700 pages!) œuvre de Georges Suarez et qui fut éditée chez Plon, les tomes 1 à 5 de juillet 1938 à avril 1941 et le tome 6 en juin 1952. Suarez fut le premier auteur autorisé par les héritiers de Briand (sa nièce et son neveu par alliance) à consulter les archives d'Aristide Briand (correspondances, notes, documents...). Il y eut bien d'autres biographies de Briand mais il est probable que les auteurs suivants ont puisé dans le travail de Suarez.

Aristide Briand naquit à Nantes le 28 mars 1862 où ses parents tenaient le café de la Croix Verte. Deux ans plus tard, les parents d'Aristide quittaient Nantes pour Saint Nazaire où ils exploitèrent d'abord un dépôt de vins avant de reprendre un café. Aristide alla à l'école puis au collège à Saint Nazaire avant de retourner à Nantes en 1878 pour le lycée. C'est durant ce séjour à Nantes qu'Aristide Briand fit la connaissance de Jules Verne (né à Nantes le 8 février 1828) qui se prit d'amitié avec l'adolescent Briand, l'emmena en croisières et le fit figurer dans l'un de ses romans : « deux ans de vacances » publié en 1888 mais dans lequel Briand est devenu Briant.

Bachelier en 1881, Briand revint à Saint Nazaire où il travailla chez un avoué avant de partir faire des études de droit à Paris en 1883, tout en continuant à travailler chez un avoué. Après ces études de droit à Paris, il revint à St Nazaire comme avocat. Entre temps, il avait fait la connaissance de Fernand Pelloutier qui entraîna Briand dans la politique.

Briand fut l'un des fondateurs avec Jean Jaurès, Alexandre Millerand et René Viviani du Parti Socialiste Français créé à Tours en mars 1902. La même année, Aristide Briand était élu député de la Loire. En 1905, il fut rapporteur de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat qui fut adoptée grâce aux qualités de négociateur de Briand qui était également un orateur hors pair. Dès le 24 juillet 1909 (7 ans après sa première entrée à la chambre des députés) il devenait Président du Conseil. Durant sa carrière politique, Briand fut 11 fois Président du Conseil et 20 fois ministre. Il fut très proche de Jean Jaurès jusqu'en octobre 1910, date à laquelle Briand, chef du gouvernement, utilisa la réquisition pour mettre fin à une grève des cheminots et marins qui paralysait le pays. Il fut alors renié par une grande partie de la gauche sans que pour autant la droite l'adopte. Cela explique probablement qu'Aristide Briand qui fut l'un des plus brillants (avec et sans jeu de mots) personnages politiques français du XXe siècle est relativement peu connu de l'opinion publique.

Lorsque le Parti Socialiste Français se transforma en 1905, à Paris, en S.F.I.O. (section française de l'internationale ouvrière), Briand ne suivit pas et se déclara « socialiste indépendant ».

Mis en minorité à la Chambre des Députés, Briand se retira une première fois de la politique le 27 février 1911, redevint Président du Conseil de janvier à mars 1913 puis du 29 octobre 1915 au 18 mars 1917 et se retira une nouvelle fois de la politique jusqu'à un autre retour à compter du 16 janvier 1921. Ainsi Briand fut absent à deux moments cruciaux de notre histoire : lors de la déclaration de la guerre de 14 et lors des négociations d'après guerre dont les conditions insensées imposées à l'Allemagne firent le lit du nazisme et de ses conséquences. On ne réécrit pas l'histoire mais compte tenu de l'orientation de Briand, de ses qualités et de son aura, on est en droit de se dire que les événements auraient pu être différents et que son absence entraîna la mort de millions d'humains : dramatique !

Avec son retour à la politique en 1921, Aristide Briand fut l'une des principales figures de la Société des Nations où ses formules chocs furent célèbres à l'époque, du genre : « arrière les canons, place à la paix ». Il fut le négociateur du pacte de Locarno du 16 octobre 1925 avec l'Allemagne, puis du pacte « Briand/Kellog » d'août 1928 par lequel toutes les nations de la terre s'engagèrent à renoncer à la guerre pour régler leurs conflits et à avoir recours aux procédures d'arbitrage international. (Kellog était le ministre des affaires étrangères des USA). A partir de cette date il y eut 3 années sans guerres sur la terre, les 3 seules années du XXe siècle sans guerres. Les Japonais en envahissant la Mandchourie ( au nord-est de la Chine), en septembre 1931, furent les premiers à rompre le pacte. Briand avait compris qu'il ne servait à rien d'interdire la guerre si on laissait prospérer les industries d'armement. Il milita pour l'interdiction des armes. Il proposa également le 5 septembre 1929 un projet « d'union européenne ».

Il reçut en 1926 le prix Nobel de la paix conjointement avec Gustav Stresemann qui fut son partenaire pour la partie allemande des accords de Locarno.

Il mourut à Paris le 7 mars 1932.

Pour conclure sur Aristide Briand, voilà un extrait de ce qu'écrivait le 30 mai 1938 Georges Suarez en introduction au tome 1 de la biographie de Briand après avoir écrit une biographie de Clemenceau :

« Briand et Clemenceau sont les seuls grands hommes de l'Histoire de France contemporaine. Ils se sont partagés la République. Qu'ils soient devenus des adversaires après avoir été des amis, des rivaux après avoir été des collaborateurs, ce n'est là que l'effet logique de la lutte des idées et de la compétition des talents qui sont les règles suprêmes du régime parlementaire...Sur l'échiquier politique, un bon joueur se sert avec le même soin du fou et du roi.... Clemenceau méprisait le fou. Briand comptait avec lui. Clemenceau était un bloc de nerfs qui évoluait tantôt dans le sublime des idées, tantôt dans l'absolu et la haine. Briand était un tout où les faiblesses se relevaient en se confondant avec la grandeur de l'homme. Donc, pour expliquer Briand, j'ai dû ne jamais le séparer du milieu momentané où il opère, de l'actualité où il agit, de la minute où il décide, de l'événement auquel il fait face.... »

Georges Suarez consacra 700 pages à Clemenceau et 2.000 de plus à Briand : révélateur !

Emile Driant : fils d'un notaire, il naquit le 11 septembre 1855 à Neuchatel-sur-Aisne. Il entra à Saint-Cyr en 1875, en sortit sous-lieutenant dans l'infanterie et affecté en Afrique en mai 1884, il devint officier d'ordonnance du général Georges Boulanger dont il épousa la fille (Marcelle) le 29 octobre 1887. Georges Boulanger fut ministre de la guerre en 1886 et devint le porte-parole de l'extrême droite avec le soutien des bonapartistes et des royalistes. Accusé de complots contre la sûreté de l'Etat, Georges Boulanger s'exila à Bruxelles et se suicida en 1891.

Emile Driant pour sa part quitta l'armée le 31.12.1905 suite à « l'affaire des fiches ». Cette affaire est consécutive à l'affaire Dreyfus qui avait commencé en septembre 1894. Le « J'accuse » de Zola paru dans l'Aurore est du 13 janvier 1898. C'est le 19 septembre 1899 que Dreyfus fut gracié par le Président Emile Loubet mais c'est seulement en 1906 que Dreyfus fut réintégré dans l'armée. Fin 1900, le général André Ministre de la guerre avait demandé au Grand Orient de France de lui fournir des fiches de renseignements sur les cadres de l'armée afin de favoriser l'avancement des officiers « républicains ». Cette pratique dénoncée le 28 octobre 1904 à la Chambre des Députés fit scandale.

Emile Driant fit l'objet de plusieurs sanctions militaires, la première fois pour avoir fait l'éloge public de son beau-père après le décès de celui-ci, la seconde fois pour avoir exprimé publiquement son indignation après la révélation de l'affaire des fiches enfin la dernière fois pour avoir assisté avec une partie de ses soldats à une messe à l'occasion d'une commémoration.

Parallèlement à sa carrière militaire, Driant sous le nom de capitaine Danrit commença dès 1892 la publication d'une vingtaine de romans patriotiques dont « la guerre de demain » en 1899 (roman prémonitoire).

Après l'armée il commença une carrière politique et fut élu député à Nancy en 1910 et réélu en 1914. Il se rengagea dès le début de la guerre avec le grade de lieutenant colonel. Se trouvant dans le secteur de Verdun, il contacta Arsitide Briand redevenu Président du Conseil pour lui signaler l'insuffisance des défenses dans ce secteur et prophétiser une offensive allemande probable.

Sur ce sujet, voici ce qu'écrit Georges Suarez dans le tome 3 (publié en mars 1939), chapitre VIII de la biographie consacrée à Aristide Briand :

« Au début de décembre 1915, le colonel Driant, député de Nancy, qui commandait devant Verdun un groupe de bataillons de chasseurs, avait demandé audience au président du Conseil (Aristide Briand). Vous savez, lui dit-il, quel officier discipliné je suis. J'ai constaté sur le front, sur un point, certaines défectuosités dans nos lignes qui me paraissent graves.

Quel point ? (demanda Briand)

Arracourt ; vous devriez bien faire inspecter ce secteur et prendre des dispositions.

Briand téléphona à Gallieni (alors Ministre de la guerre) et le pria de recevoir Driant. Peu après, le colonel fut entendu par la Commission de l'armée de la Chambre. Ses déclarations produisirent une énorme sensation. Documents et chiffres en main, il démontra que le secteur dont il avait la garde était entièrement inorganisé, manquait de fortifications, de moyens de ravitaillement et pouvait d'un jour à l'autre être menacé par l'ennemi, sans que la résistance fut pratiquement possible, même au prix des plus héroïques sacrifices. La Commission, extrêmement impressionnée par ces révélations, décida d'envoyer à Verdun des délégués pour faire une enquête et établir un rapport. Ce rapport qui confirmait de point en point les déclarations du colonel Driant, fut communiqué au ministre de la guerre. Gallieni ému, en référa au cours d'un Conseil des ministres à Briand qui lui conseilla d'écrire à Joffre (alors général en chef des armées). …. Le 16 décembre, il écrivit cette lettre au commandant en chef....

Joffre prit très mal l'avertissement de Gallieni. Le 18 décembre, il lui répondit que, conformément aux instructions qu'il avait données le 22 octobre aux commandants d'armée, l'organisation des lignes de défense était commencée depuis longtemps et achevée sur un certain nombre de points. Cette organisation ajoutait Joffre, est dans son ensemble beaucoup plus forte et plus complète que celle de nos adversaires.... »

Joffre au lieu de renforcer Verdun eut pour principale préoccupation de découvrir qui avait prévenu les élus. Le 21 février 1916 commençait la bataille de Verdun. Le 22 Emile Driand était tué ainsi que tous ses hommes en défendant héroïquement Verdun. Tragique !

Au lendemain de la guerre Joffre fit partie des héros. Mais avec le temps les historiens récents sont très critiques et rendent Joffre responsable de la mort inutile de milliers et de milliers de « poilus ».

J.D. Le 25 mai 2013

La récapitulation des notes de ce blog par thèmes se trouve sur la fiche N°76

Poilu de 14 à Lavours (Ain) photo J.D. septembre 2014

Poilu de 14 à Lavours (Ain) photo J.D. septembre 2014

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