Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
31 juillet 2014 4 31 /07 /juillet /2014 18:09

(cette note fait suite aux notes N° 172 et 184)

Après le désastreux traité de Versailles (1919) et l'occupation de la Ruhr (1923), une conférence internationale s'était tenue à Locarno (sur la rive suisse du lac Majeur), terminée par des accords le 16 octobre 1925.

Ces accords avaient été soumis à la ratification des parlements des pays concernés.

En Grande-Bretagne, la Chambre des Communes avait approuvé le 18 novembre 1925 par 375 voix contre 13. A son tour, le Reichstag avait donné son adhésion le 27 novembre 1925 par 291 voix contre 174. Le Parlement français se prononça seulement le 25 février 1926 par 413 voix contre 71.

Une réunion avait eu lieu à Londres le 30 novembre 1925. Deux discours remarquables y furent prononcés, par Aristide Briand (redevenu Président du Conseil ayant gardé les Affaires étrangères) et par Gustav Stresemann (Ministre des Affaires étrangères de la République de Weimar). Ils furent les principaux artisans des accords de Locarno, qui à l'époque semblaient mettre un terme aux rivalités européennes et aux guerres, à tel point que le 5 septembre 1929, la S.D.N. (Société des Nations) avait donné mandat à Aristide Briand pour « présenter un mémorandum sur l'organisation d'un régime d'union fédérale européenne ».

Il est vrai qu'entre-temps Briand et Stresemann avaient reçu conjointement le prix Nobel de la paix (10 décembre 1926), et le pacte « Briand-Kellogg» avait été ratifié le 27 août 1928 (voir fiche N° 184).

En outre la Société des Nations donna à l'opinion publique l'illusion que les conflits allaient dans l'avenir pouvoir se résoudre par le Droit et la Médiation et non plus par la guerre. Les Européens à l'époque purent croire sincèrement qu'ils avaient vu « la Der des Der » et que le slogan « plus jamais ça » allait devenir réalité.

Mais le doux rêve ne dura pas longtemps, le pire restait à venir ! : en économie, la crise de 1929 et le chômage qu'elle entraîna furent rapidement suivis, sur le plan politique, par l'invasion de la Chine par le Japon (en 1931) , l'arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne (début 1933), la guerre d'Espagne, la seconde guerre mondiale etc.

Voici l'intervention à Londres de Briand (rapporté par Georges Suarez dans « Briand tome VI édité en 1952, chapitre I) :

« Les accords de Locarno ont suscité un mouvement d'enthousiasme parmi les peuples. Ce n'est pas que ceux-ci aient médité , dans tous les détails, les clauses des divers articles. Ce qui caractérise ce sentiment populaire, c'est qu'il a été, pour ainsi dire, instinctif. Parmi les nombreuses lettres que j'ai reçues personnellement, il y en a une qui m'a particulièrement touché. A elle seule elle m'aurait fait considérer cet acte comme le plus important et le plus émouvant de ma vie politique. C'est une simple lettre de quelques lignes, d'une femme inconnue, sortie de la foule. Elle me disait : Permettez à une mère de famille de vous féliciter...Enfin je vais donc pouvoir regarder sans appréhension mes enfants, et les aimer avec quelle sécurité.

L'accord de Locarno a ceci de nouveau , qu'à l'esprit de soupçon, il substitue l'esprit de solidarité. C'est par la sollicitude humaine qu'il faut rendre la guerre impossible. Voilà en face de moi, les délégués de l'Allemagne.... Cela ne veut pas dire que je ne reste pas un bon Français, comme eux sont, j'en suis sûr, de bons Allemands. Mais ici nous ne sommes que des Européens. Les documents que nous venons de signer doivent rénover l'Europe. Il y a là la consécration du génie de l'Europe. Et je le vois allant chaque jour plus avant dans la voie du progrès. Par nos signatures, nous affirmons que nous voulons la paix. Nos peuples, depuis des mois, se sont heurtés maintes fois sur le champ de bataille ; ils y ont laissé souvent, avec leur sang, le meilleur de leurs forces. Les accords de Locarno seront valables, s'ils signifient que ces massacres ne recommenceront plus et s'ils font que les fronts de nos femmes ne seront plus assombris de nouveaux voiles, que nos villes, que nos villages, ne seront plus dévastés et ravagés et nos hommes mutilés. »

Voici la réponse que fit Stresemann :

« Je voudrais vous remercier, monsieur Briand, de ce que vous avez dit sur la nécessité d'une coopération des peuples et en particulier de ceux qui ont tant souffert dans le passé. Vous partez de l'idée que chacun de nous appartient à sa patrie d'abord, comme bon Anglais, bon Allemand, mais qu'il est en plus un Européen, uni à la grande tradition de la civilisation. C'est un fait que des secousses de la guerre est sortie une communauté qui nous lie tous. Nous avons le droit de parler d'un esprit européen. L'Europe, après les douloureux sacrifices qu'elle a faits pendant sa dernière guerre, ne risque-t-elle pas maintenant de perdre, par les conséquences de cette guerre, la place qui lui revient dans le monde de par son développement historique ? Ce qu'elle a subi dans cette catastrophe, ce ne sont pas seulement des pertes matérielles et des dévastations, c'est aussi et surtout ce sacrifice d'une génération dont nous ne savons pas tout ce qu'elle aurait produit si elle avait pu exercer pleinement son intelligence et son énergie. Ainsi nous avons été ébranlés ensemble et un même sort nous est fait et nous lie les uns aux autres. Nous périrons ensemble ou bien nous nous relèverons ensemble, et si nous unissons nos efforts au lieu de nous combattre... C'est la seule façon de préparer cet avenir dont vous avez dit, monsieur Briand, en des termes que je ne puis qu'approuver, qu'il doit voir l'émulation des peuples travaillant de concert au développement de la civilisation....Puissent d'autres générations se souvenir avec reconnaissance de ce jour comme du début de l'évolution nouvelle. »

Stresemann comme Briand avaient parlé sans notes.

Le 25 février 1926, Aristide Briand fit une très longue intervention devant la Chambre (des députés) pour présenter les accords de Locarno. Voici quelques extraits :

« Il (il s'agit de l'ensemble des accords de Locarno) a été rédigé, il a été conclu dans un esprit européen et pour un but de paix. Réalise-t-il les conditions de la sécurité absolue ? Rend-il à jamais impossible toute guerre ? Je me garderai de l'affirmer. Je ne veux pas faire de dupes dans mon pays. Nous dispense-t-il de tenir l’œil constamment ouvert sur les événements, de les surveiller étroitement ? Nous dispense-t-il de toutes les mesures qui peuvent être propres à garantir notre sécurité, si par malheur un événement venait à le mettre en péril ? Je dis : non....

C'est une maîtresse exigeante que la paix, plus exigeante que la guerre ! ….

Je n'exagère pas la portée de l'acte de Locarno. Je connais ses limites...
Ce qu'il y a de meilleur en lui, m'entendez-vous, c'est qu'il a donné confiance aux peuples. Ce qu'il y a de meilleur en lui, c'est qu'il a été au moment des ténèbres, dans une atmosphère de menaces, la petite lueur à laquelle s'attache l'esprit des peuples avec leurs espéranc
es. ….

Messieurs pour assurer la paix, c'est l'Europe qu'il faut organiser....

J'y suis allé (à Locarno), ils (il s'agit du Chancelier allemand Luther et de Stresemann son ministre des Affaires étrangères) y sont venus et nous avons parlé européen. C'est une langue nouvelle qu'il faudra bien que l'on apprenne …. »

En lisant ces textes, je me suis posé la question suivante : Comment en Europe a-t-on pu passer aussi rapidement de la situation d'espoir des années 1925/1930 à la catastrophe des années 1930/1940 ?

Je n'ai pas la réponse bien entendu. Il y eut la grande crise économique mais il y eut aussi probablement d'autres facteurs. Il y eut en Europe à un moment donné une génération d'hommes de valeurs (David Lloyd George en Angleterre, Aristide Briand en France, Gustav Stresemann en Allemagne...), il y en eut une autre plus tard (Winston Churchill en Angleterre, Charles De Gaulle en France...) mais entre les deux il y eut un vide : la génération sacrifiée par la guerre de 14/18 dont parle Stresemann, des gens qui n'ont pas pu prendre leur place dans la société parce que morts ou handicapés et c'est ainsi que la France s'est retrouvée en 1940 avec un chef de l'Etat âgé de 84 ans !

Ce serait une raison de plus pour penser que la guerre de 14 a amené celle de 40.

J.D. 31 juillet 2014

Gustav Stresemann, Austen Chamberlain et Aristide Briand à Locarno en 1925

Gustav Stresemann, Austen Chamberlain et Aristide Briand à Locarno en 1925

Partager cet article
Repost0
22 juillet 2014 2 22 /07 /juillet /2014 15:33

Sur terre, la civilisation de l’Égypte antique est probablement celle qui a duré le plus longtemps et avec le plus d'unité : unité d'organisation politique, de langue, d'écriture, de croyances, d'architecture...

C'est en Egypte que l'on trouve le plus vieux monument construit en pierres et encore conservé.

Pour situer les choses, rappelons que la pyramide à degrés de Saqqarah (on trouve écrit aussi Sakkarah ou Saqqara) fut construite :

23 siècles avant le Parthénon d'Athènes

25 siècles avant la grande muraille de Chine

29 siècles avant le Colisée de Rome

35 siècles avant de site Maya de Palenque au Mexique

40 siècles avant le temple d'Angkor au Cambodge ou avant la cathédrale de Chartres.

Cette pyramide, haute de 60 mètres, fut édifiée par le célèbre Imhotep (architecte, prêtre, médecin, philosophe...) pour le Pharaon Djéser de la troisième dynastie.

HISTOIRE :

1- ORIGINE :

« l’Égypte est un don du fleuve » écrivit Hérodote (vers-485/vers-425) historien grec, (que Cicéron gratifia du titre de « Père de l'Histoire »), dans « L'Enquête » livre II (en 5). Hérodote avait doublement raison :

*C'est la désertification du Sahara, commencée il y a environ 6.000 ans, qui entraîna une migration de la faune et de la population vers les rives du Nil. Cette concentration de population obligea le groupement humain à s'organiser.

*Par ailleurs la fertilité de la terre apportée par les crues annuelles du Nil permit à la population de pouvoir subsister sans consacrer 100% de son temps à assurer sa survie comme c'était le cas à la même époque dans beaucoup d'autres contrées sur terre. Le temps libre permit d'organiser ce qu'on appellerait aujourd'hui des « activités tertiaires » (cultes etc) ou de réaliser des constructions : il fallait occuper la main- d’œuvre durant les 4 mois que durait la crue annuelle du Nil.

Sur la fertilité du sol voici ce qu'écrivit Hérodote il y a presque 25 siècles :

« Certes ces gens (il s'agit des Égyptiens) sont aujourd'hui, de toute l'espèce humaine, ceux qui se donnent le moins de mal pour obtenir leurs récoltes : ils n'ont pas la peine d'ouvrir des sillons à la charrue et de sarcler, ils ignorent tout des autres travaux que la moisson demande ailleurs. Quand le fleuve est venu de lui-même arroser leurs champs et, sa tâche faite, s'est retiré, chacun ensemence sa terre et y lâche ses porcs : en piétinant, les bêtes enfoncent le grain, et l'homme n'a plus qu'à attendre le temps de la moisson, puis, quand ses porcs ont foulé sur l'aire les épis, à rentrer son blé. »

En outre :

*la vallée du Nil était bordée par un désert tant à l'est qu'à l'ouest ce qui mit l’Égypte relativement à l'abri des invasions durant les premières dynasties.

*la crue du Nil commençait régulièrement chaque année vers le 18 juillet (de notre calendrier). En recouvrant toutes les terres, elle faisait disparaître les limites des propriétés, ce qui impliqua plus qu'ailleurs la nécessité d'une organisation collective.

2-PERIODES , DYNASTIES , CAPITALES ET PRINCIPAUX EVENEMENTS :

*période prédynastique : antérieurement à l'an 3.200 avant notre ère : Il y eut 2 royaumes en Egypte avant l'époque pharaonique proprement dite ; le royaume du nord (capitale Bouto) et celui du sud (capitale This). On ne sait pas grand chose sur cette époque.

*période archaïque : de l'an -3200 à l'an -2800, 1ère et seconde dynasties, 12 à 15 pharaons. Un roi du sud a fait la conquête du royaume du nord et tous les historiens font partir l'histoire de l'Egypte pharaonique de cet événement qui unit les 2 royaumes. Ce roi est représenté sur une palette appelée « palette de Narmer ». On le voit sur cette palette tuant un ennemi, on y voit également Hathor la déesse aux cornes de vaches (dans les dernières dynasties, c'est Isis qui est représentée avec des cornes de vaches) et le dieu faucon Horus. Narmer fut appelé Ménès par les Grecs. On le trouve aussi sous l'appellation de « roi scorpion ». Cependant pour quelques auteurs minoritaires, Narmer et Ménès seraient 2 personnages différents. En unissant les 2 royaumes, Narmer fusionna également leurs symboles : la couronne rouge du sud avec la couronne blanche du nord (voir illustration), le cobra du sud avec le vautour du nord etc. Tous les pharaons auront toujours le titre de « seigneur des deux royaumes ».

C'est à cette époque que se perfectionne l'écriture que s'établit le calendrier et se codifie la religion.

*l'ancien empire : de l'an -2800 à l'an -2200, de la troisième à la sixième dynastie, 24 pharaons. C'est l'époque du pharaon Djéser, premier pharaon de la troisième dynastie. Il transféra la capitale de This à Memphis. Guerre contre les Nubiens venus du Soudan sous le pharaon Snefrou (4e dynastie). Il fait 7000 prisonniers et s'empare de beaucoup de bétail. La quatrième dynastie est celle des pharaons très connus par leur pyramide : Chéops, Chéphren et Mykérinos.

C'est durant la VIe dynastie que régna le pharaon Pépi II qui eut le règne le plus long de l'histoire (94 ans). Les pharaons de la cinquième dynastie furent en guerre contre les Libyens. Les pharaons de la sixième dynastie furent en guerre contre les Phéniciens pour le contrôle du Sinaï.

Transfert de la capitale à Héliopolis à la fin de la sixième dynastie.

*la première période intermédiaire : de la VIIe à la Xe dynasties. De -2200 à -2060. Il s'agit d'une période troublée. On doit à Manéthon prêtre égyptien du IIIe siècle avant notre ère de posséder une liste reconstituée de pharaons. Pour la VIIe dynastie, Manéthon parle de 70 pharaons en 70 jours ! Ce qui suppose de violentes luttes pour le pouvoir.

*le moyen empire : XIe et XIIe dynasties. De -2060 à -1785. Capitale d'abord transférée à Thèbes vers-2060 (cette Thèbes était à l'emplacement des actuels Louqsor-Karnak, à ne pas confondre avec la Thèbes grecque) puis à Licht (ou Lisht) vers -1990. Trois pharaons pour la onzième dynastie et 8 pour la douzième. Sous la douzième dynastie, le pharaon Sésostris 1er étendit le domaine égyptien au sud jusqu'à la seconde cataracte, tandis que Sésostris III fit la conquête de la Palestine

*seconde période intermédiaire : de la XIIIe à la XVIIe dynasties. De -1785 à -1580. Capitales : Avaris pour les Hyksos en -1785 (Avaris prit le nom de Tanis sous la XXIe dynastie) puis Thèbes pour les Egyptiens.

C'est sous la XIIIe dynastie vers -1730 qu'eut lieu l'invasion des Hyksos venus de Syrie. Ces Hyksos avaient inventé la roue et fabriqué des chars avant les Egyptiens, ce qui leur permit l'invasion et la victoire sur les armées égyptiennes. Les Egyptiens chassés du delta du Nil remontèrent la vallée du Nil. Il fallut deux siècles aux Egyptiens avant qu'ils ne soient vainqueurs des Hyksos et les chassent du delta sous le pharaon Amosis. C'est pour cet Amosis que fut construite la dernière pyramide d'Egypte.

*le nouvel empire : de la XVIIIe à la XXe dynasties. De -1580 à -1085. 32 pharaons. Capitales : Thèbes puis Akhet-Aton (Amarna) de -1392 à -1354 puis à nouveau Thèbes.

-C'est sous la XVIIIe dynastie que l'Egypte antique eut ses plus grandes dimensions et sa plus grande puissance, grâce aux conquêtes de Thoutmosis 1er puis de Thoutmosis III (fiche N°108 http://jean.delisle.over-blog.com/hatchepsout-et-thoutmôsis-iii-n-108). Le domaine de l'Egypte alla de la quatrième cataracte au sud jusqu'à l'Euphrate à l'est. Cette dynastie est aussi celle de la pharaonne Hatchepsout (voir la fiche N°108), d'Aménophis IV (Akhénaton, le pharaon monothéiste) et de son épouse Néfertiti (voir la fiche N°69 http://jean.delisle.over-blog.com/article-nefertiti-109428642.html), de Toutankhaton qui fut récupéré par les prêtres de Thèbes et changea son nom en Toutankhamon.

-La XIXe dynastie fut celle de Séthi Ier, de Ramsès Ier et de Ramsès II, le plus connu (voir la fiche N°80 http://jean.delisle.over-blog.com/article-les-batailles-de-qadesh-112379953.html). Après s'être combattus, Egyptiens et Hittites s'allièrent pour faire face à la montée en puissance de l'empire Assyrien.

-La XXe dynastie est celle de Ramsès III qui extermina les « peuples de la mer ». Ceux-ci avaient d'abord ravagé le royaume des Hittites puis la Phénicie avant d'arriver en Egypte.

La fin de la vingtième dynastie vit de nombreuses invasions (Libyens, Nubiens...).

*la basse époque : de la XXIe à la XXXe dynasties. De l'an -1085 jusqu'à la conquête de l'Egypte par Alexandre le Grand (en décembre -332).

La capitale de l'Egypte avait été transférée à Tanis en -1070 sous la XXIe dynastie, puis à Saïs en -730 sous la XXIVe dynastie, était revenue à Thèbes en -715 (XXVe dynastie) puis revint à Tanis en -689 (XXVIe dynastie). Sous la XXIIe dynastie, en -925, les Egyptiens avaient profité de la division d'Israël après la mort de Salomon pour reprendre la Palestine (le nom de « Palestine » qui veut dire en termes d'étymologie « terre des Philistins » n'apparaît qu'au second siècle de notre ère sous l'empereur Hadrien), il s'agissait donc à l'époque de la Judée.

Sous la XXVe dynastie, l'Egypte est envahie et occupée par les Assyriens de -672 à -665 La ville de Thèbes fut mise à sac par les Assyriens (Assharddon en -672 et Assourbanipal en -665). Tous les trésors accumulés à Thèbes furent emmenés par les Assyriens à Ninive.

Sous la XXVIe dynastie, le pharaon Nekao II reprit la Palestine et un territoire jusqu'à l'Euphrate. Ce fut l'une des dernières gloires de l'Egypte pharaonique. Mais en -605, Nekao II fut vaincu par Nabuchodonosor roi de Babylone à Karkemish (sur l'Euphrate à la limite entre Syrie et Turquie). Ce Nekao II lança la construction d'un canal pour relier le Nil à la mer Rouge. Ce fut lui également qui décida d'une expédition maritime qui fit le tour de l'Afrique.

Ensuite, la période est celle d'un lent déclin avec l'occupation par les Perses à partir de -525 qui ravagèrent aussi Thèbes (Cambyse en -525). Alexandre le Grand libéra l'Egypte de l'occupation perse pour la remplacer par l'occupation grecque jusqu'à l'arrivée des Romains.

La période grecque ou dynastie des Lagides : Alexandre le Grand fut vainqueur des Perses une première fois à la bataille du Granique (dans l'actuelle Turquie) en mai -334, puis une seconde fois à la bataille d'Issos (en Turquie) le 1er novembre -333. Il s'empara ensuite de la Phénicie en -333/-332 (prise de Gaza fin -332) et entra en Egypte. Il se fit couronner pharaon à Memphis dans le temple de Ptah en -331 et lança la construction de la ville d'Alexandrie avant de reprendre ses conquêtes (voir fiche N°105 http://jean.delisle.over-blog.com/alexandre-le-grand-n-105). Cette ville fut la dernière capitale de l'Egypte pharaonique

Après la mort d'Alexandre le Grand à Babylone le 13 juin -323, ses généraux se partagèrent son empire. L'Egypte revint à Ptolémée fils de Lagos (d'où le nom de dynastie « Lagide »). Quinze « Ptolémée » régnèrent sur l'Egypte ainsi que 2 reines : Bérénice (Bérénice IV reine de -58 à -55) et la célèbre Cléopâtre (la septième du nom) qui clôtura la dynastie des Lagides et l'histoire de l'Egypte pharaonique.

Pendant le même temps l'Asie avait été attribuée à Séleucos autre officier d'Alexandre (d'où la dynastie des « Séleucides »). Lagides et Séleucides se firent la guerre pour la possession des zones tampons entre Egypte et Asie. Il y eut ainsi 6 guerres appelées « guerres de Syrie », sans parler d'un troisième larron : Antigone le borgne qui revendiquait aussi l'Asie.

Les pharaons « lagides » conservèrent toutes les traditions égyptiennes. C'est par exemple sous cette dynastie que furent construits les temples de Dendera, Edfou, Esna, Kom Ombo, Philae....

Séleucos, en -321 avait organisé le transfert des cendres d'Alexandre le Grand de Babylone vers la Macédoine. Le cortège fut intercepté par Ptolémée 1er qui fit inhumé Alexandre en Egypte. Plusieurs empereurs romains (Auguste, Caligula, Caracalla) viendront à Alexandrie rendre hommage à Alexandre.

Ptolémée II (-285/-246) fit construire le phare d'Alexandrie ainsi que la Grande Bibliothèque. Cette bibliothèque avait pour ambition de rassembler l'ensemble des savoirs humains. Elle aurait comporté jusqu'à 700.000 volumes . Tout a été détruit mais les auteurs ne sont pas d'accord sur les causes. Pour les uns la bibliothèque fut détruite au moment des combats entre César et les Egyptiens, pour d'autres par les Chrétiens et enfin pour la troisième version en l'an 642 de notre ère lors de l'invasion musulmane de l'Egypte, au temps du calife Omar.
Ptolémée III (-246/-221) s'empara d'une partie de l'Asie occidentale (qui passa une fois de plus sous le contrôle de l
'Egypte)

A la mort de Cléopâtre VII le 12 août -30, l'Egypte fut annexée par Rome (voir la fiche N°121 http://jean.delisle.over-blog.com/cléopâtre-et-agrippine-n-121). Ce fut la fin de l'Egypte pharaonique.

Récapitulation des capitales :

*Bouto royaume du Nord et This royaume du sud

*-2800 : Memphis

*-2220 : Héliopolis

*-2060 : Thèbes

*-1990 : Licht

*-1785 : Avaris (Tanis)

*-1580 : Thèbes

*-1392 : Ahket-Aton (Amarna)

*-1354 : Thèbes

*-1070 : Tanis

*-730 : Saïs

*-715 : Thèbes

*-689 : Tanis

*-331 : Alexandrie

Nota : les dates sont reconstituées et peuvent varier de quelques années d'un auteur à l'autre. Malgré un peu d'imprécision elles permettent de situer les événements dans le temps.

3-JUGEMENT : Pour beaucoup d'auteurs, l'histoire de l'Occident commence en Grèce avec les guerres médiques.

Il me semble plutôt que l'Occident commence en Egypte et se poursuit à travers le monde grec, puis le romain, le byzantin et le judéo-chrétien.

Non seulement parce qu'il y a beaucoup de similitudes entre religions chrétiennes et religion pharaonique mais parce que les Egyptiens de l'antiquité ont été en relation avec presque tous les peuples antiques : Hyksos, Hittites, Assyriens, Babyloniens, Hébreux, Perses, Romains, Grecs.... avec des périodes d'occupation de l'Egypte par différents de ces peuples mais aussi occupation du Proche-Orient par les Egyptiens à de nombreuses reprises.

La Bible nous apprend (Exode IX-12) que les Hébreux restèrent 430 ans en Egypte. Quand on ajoute les 3 siècles de dynastie grecque en Egypte, les presque 7 siècles d'occupation romaine puis byzantine, on a forcément de nombreuses convergences et influences.

Au temps de l'Egypte pharaonique et même sous l'occupation romaine, l'Egypte conserva ses croyances, son écriture (le dernier texte hiéroglyphique gravé et retrouvé date de l'an 394 de notre ère soit 4 siècles après le début de l'annexion romaine), son architecture … et même influença souvent ses occupants. On trouve, par exemple, des cultes à Isis un peu partout dans le monde romain.

Cléopâtre est un beau symbole d'une certaine continuité du monde antique : dernière pharaonne d'Egypte, descendante de Grecs, compagne de Romains (César puis Antoine).

On doit à l'Egypte antique des monuments colossaux, le premier calendrier, le zodiac, les premières notions de calcul, de géométrie, d'astrologie, de médecine, les notions d'éternité, de bien et de mal...

L'examen des momies permet également de juger l'évolution de l'espèce humaine. C'est ainsi que dans un livre consacré aux momies édité en mars 1976, l'auteur (Leca) écrit : « Les recherches du département de chimie de l'Université du Michigan (Etats-unis) montrèrent que l'os d'un homme de notre époque contient trente fois plus de plomb que celui d'un ancien Egyptien »

Si cela n'amène pas à conclure que notre civilisation à du plomb dans l'aile, on peut dire qu'au minimum elle a du plomb dans l'os.

Si malgré tous les envahisseurs, l'Egypte avait maintenu ses traditions durant 4 millénaires environ, tout disparut (croyances, écriture, architecture etc) avec l'invasion musulmane autour des années 640 de notre ère. Tout un symbole, à méditer !

J.D. 22 juillet 2014

La récapitulation thématique des notes de ce blog ainsi que la récapitulation des illustrations se trouvent sur la fiche N°76http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

carte Egypte antique

carte Egypte antique

couronne des pharaons

couronne des pharaons

Partager cet article
Repost0
11 juillet 2014 5 11 /07 /juillet /2014 18:19

Benito Mussolini (29.7.1883/28.4.1945) vint à Locarno à l'occasion de la réunion internationale qui se tint en octobre 1925 (voir la fiche N°184 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/07/une-lettre-allemande-du-7-septembre-1925-n-184.html).

Dans « Briand » tome VI (publié en 1952), Georges Suarez parle de « l'événement » et dresse le portrait de Mussolini. On tiendra compte, bien sûr, que la guerre était terminée et Mussolini mort depuis 7 ans lorsque Suarez écrit. Cela vaut néanmoins son pesant de moutarde ou dans la circonstance son pesant de pizza Margherita ! Voici le texte :

« Le même jour (14 octobre 1925) Mussolini arriva. Il était depuis qu'il avait conquis le pouvoir en 1922, la grande attraction européenne. Il avait surgi dans un moment tragique de l'histoire italienne. Tout allait à la dérive, les gouvernements se succédaient dans le chaos et l'impuissance. Le Parlement était paralysé par la peur, le syndicalisme et les partis étaient déchirés par les agitateurs, les anarchistes, les fascistes, les communistes. On se battait dans les rues, les usines, les casernes. Les effets d'une guerre sur la légitimité de laquelle l'opinion était encore divisée, les résultats d'une paix dont l'Italie se disait victime, les conséquences de la crise économique qui avait suivi la disparition des industries de guerre, les excitations démagogiques qui avaient remué la classe ouvrière, la fragilité des institutions parlementaires, la faiblesse des cadres sociaux avaient atteint simultanément en l'année 1922 leur point culminant. Toutes ces causes rassemblées avaient désarticulé le pays, l'avait livré au jeu des convoitises et des ambitions. Pendant quelque temps, la vague d'anarchie n'avait pas rencontré d'obstacles. Puis, devant la menace, l'instinct de conservation avait réagi. Un homme était apparu qui avait rassemblé et organisé les sentiments et les énergies populaires. Et le fascisme était né.

Ce n'était pas celui dont le même homme avait rêvé trois ans plus tôt. Le fascisme n'était pas un mot nouveau dans le vocabulaire de la péninsule. Il était apparu pendant la guerre dans le langage des interventionnistes, puis en 1919 dans celui des anciens combattants, de quelques socialistes et syndicalistes. Il avait alors pour principe la République, pour essentielles revendications un suffrage universel élargi et la démocratisation des institutions. Sauf ces quelques clichés qui n'avaient pas le mérite de l'originalité, il n'y avait guère plus d'idées dans le système de Mussolini que dans un prospectus électoral. Sa pensée était d'une indicible pauvreté mais la force de ses muscles et l'exigence de son ambition allaient suppléer à ses lacunes intellectuelles.

Sa présence à la tête d'un mouvement socialiste et révolutionnaire n'avait surpris personne. Son passé agité de militant et de révolté le désignait pour tenir ce rôle. Mais ce fascisme républicain et travailliste eût végété longtemps dans l'impuissance et l'illégalité si la jeunesse bourgeoise et universitaire, les coureurs d'aventures qui avaient suivi d'Annunzio, attirés davantage par le dynamisme du chef que par les doctrines du parti, n'étaient venus grossir les rangs faméliques des premières cohortes. Cette clientèle nombreuse et choisie avait des idées et des sentiments qui ne ressemblaient pas à ceux du fascisme originel. Submergé par cet afflux nouveau, le mouvement avait dévié vers le conservatisme et le nationalisme. Mussolini, pour garder le gros de ses troupes, sans perdre ses premiers disciples, s'était soustrait à ce qu'il avait appelé lui-même la camisole de force des questions préalables. L'évolution de Mussolini entre 1919 et 1922 avait été d'une rapidité sans exemple. (il y a ensuite un assez long développement pour expliquer que de républicain, Mussolini était devenu royaliste pour ne pas perdre ses troupes majoritairement royalistes).

Cette dérobade s'était produite dans un moment où le choix aventuré d'une idéologie trop précise pouvait entraîner le fascisme à sa perte. Au ministère Bonomi avait succédé un ministère Facta. Celui-ci tombé en juillet 1922, s'était reformé après une crise de trois semaines et les échecs retentissants du vieux chef politique pour constituer un cabinet. Alors, Mussolini tenta le destin. A la tête de ses bataillons, il marcha sur Rome et cette randonnée sans risques et sans obstacles sur les débris d'un régime vermoulu, s'acheva dans l'apothéose de la conquête du pouvoir.

Arrivé au pinacle par un coup de force où la force avait à peine servi, Mussolini avait suppléé par l'action à l'indécision de son programme, à l'indigence des idées, aux divisions de son mouvement. Il n'était ni idéologue ni doctrinaire. Il venait en droite ligne de la démagogie primaire et déclamatoire et portait sur sa tête têtue la responsabilité de pas mal de désordres. Il était étranger au fascisme comme il l'avait été au socialisme révolutionnaire auquel l'avaient acculé une jeunesse désespérée et une ambition effrénée.

Les idées pour lui n'étaient pas une fin, mais un moyen. Cependant, il avait admirablement réalisé celles des autres et condensé les nervosités d'un état de conscience national. Ses nombreux biographes ont noté l'horreur instinctive qui l'étreignait dès l'enfance quand l'odeur de l'encens se répandait à l'heure de l'office, dans l'église de son village. Ils ont aussi noté la haine qui s'exhalait de lui quand il avait le dessous dans des pugilats d'écolier. Ces deux traits suffiraient à expliquer l'instinct de domination qui tyrannisait le futur dictateur avant qu'il ne tyrannisât les hommes. Dans la petite bourgade de Forli (ville de l'Emilie-Romagne située à l'intérieur des terres à environ 25 kms de Ravenne et 50 de Rimini) où il vivait d'un maigre salaire d'instituteur, ses compatriotes fuyaient son caractère irascible et sa fourberie. Las un jour de cette vie de gagne-petit et de cette claustration dans une école de village, il avait emprunté quarante-cinq lires à sa mère pour prendre le train. Puis il s'était abandonné au hasard et à l'aventure. Ses thuriféraires devaient faire de Mussolini de ce temps-là une sorte de vagabond sublime alors qu'il ne fut selon des témoins plus dignes de foi, qu'un besogneux d'une espèce assez vulgaire.

Introduit dans les milieux révolutionnaire de Genève, il s'était signalé par un athéisme farouche, inexorable et rudimentaire. Un pauvre pasteur qu'il avait mis à mal dans une réunion publique, lui avait jeté sans rancune ces paroles prophétiques : à quarante ans tu seras réactionnaire et tu lécheras les escarpins du Vatican.

Expulsé de Genève comme anarchiste, il était revenu dans son pays à la faveur d'une amnistie et avait accompli, avec quelque retard, son service militaire. Libéré, il s'était fait journaliste et avait collaboré à la feuille irrédentiste de Cesare Battisti.(les « irrédentistes » réclamaient le rattachement à l'Italie de tous les territoires de langue italienne ainsi que ceux qui avaient appartenu à l'Italie). Vers ce temps-là, Mussolini cédait ostensiblement à l'attrait de la France et ressentait pour l'Allemagne une répulsion intellectuelle et physique. A un ancien capitaine il écrivait : Il est bon de se rappeler sans cesse les héros qui sont tombés pour l'unité de la patrie, mais il est mieux encore de se préparer à faire de nos poitrines un rempart infranchissable pour le cas où les Barbares du Nord voudraient réduire l'Italie à une notion géographique.

Le 13 novembre 1914, à Parme, il s'était écrié : Il est une basse vermine qui reproche à la Belgique de s'être défendue, à la France des Droits de l'Homme, ne voulez-vous donc offrir que des phrases ?

Peu après s'était dessiné chez les socialistes (italiens) un mouvement en faveur de la guerre contre les Centraux (empire allemand, empire austro-hongrois et empire ottoman). Mussolini était parti pour les tranchées, s'y était bien battu, avait été blessé.

Je suis fier d'avoir teinté de mon sang la route de Trieste écrivait-il à un ami, non sans quelque emphase.

Cette guerre et le rôle modeste mais courageux qu'il y avait tenu devaient servir de tremplin à sa réussite. Indifférent aux doctrines, en révolte contre les partis, il avait joué toute sa chance sur les déceptions de la victoire et le mécontentement des combattants jusqu'au jour où les fautes du régime et les excès communistes eurent rallié à lui tous ces éléments apeurés ou sains du pays.

Sa dictature avait trois ans quand il vint à Locarno. Elle servait de pendant dans le monde à celle de Lénine et les positions adoptées par l'opinion à l'égard du fascisme se ressentaient de cette inévitable confrontation avec le bolchevisme. Pour les uns, Mussolini était un rempart contre la révolution. Pour les autres, il était l'ennemi du progrès et du peuple. Le parallèle entre les deux hommes s'imposait. A Moscou, un visionnaire orgueilleux et frénétique qui avait voué sa vie à un idéal ; à Rome un homme de main vaniteux et madré qui avait sacrifié plusieurs programmes à un triomphe. D'un côté un doctrinaire fanatique, de l'autre un chef, qui n'avait d'autres règles que son humeur et son ambition. N'étaient-ce pas elles qui le ramenaient victorieux et puissant sur ce sol libre de Suisse où il avait vécu misérable et traqué ? La revanche était trop belle, pour qu'il n'eût pas été tenté de la prendre. A Locarno il était attendu avec plus de curiosité que de sympathies... »

Commentaires :

Le texte de Suarez est très explicite. Sa description de l'état de l'Italie en 1922 explique pourquoi les Italiens ont suivi Mussolini. Les mêmes causes produisant les mêmes effets dans le même contexte, c'est pour des raisons analogues que Lénine prit le pouvoir en Russie en 1917, Hitler en Allemagne en 1933, qu'eut lieu en France la Révolution de 1789 et beaucoup d'autres ailleurs.

En Allemagne en outre, depuis plusieurs siècles, l'opinion attendait « l'homme ». Voir le texte d'Alexandre Dumas dans « la terreur prussienne » ou la fiche N°83 http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-terreur-prussienne-114461627.html.

Hitler dut être identifié à « l'homme ».

Aujourd'hui, une bonne partie du monde musulman attend le retour du douzième imam, « l'imam caché » ou « Mahdi », disparu en l'an 868. Voir la fiche N°29 http://jean.delisle.over-blog.com/article-ali-62454205.html

On a vu ce qu'a donné en Allemagne « l'homme ». Pourvu qu'un autre illuminé ne parvienne pas à se faire passer pour l'imam caché !

J.D. 11 juillet 2014

médaille destinée à la jeunesse  et trouvée en mai 1943 dans une école italienne de Tunis par Monsieur Edouard Cattoir professeur d'histoire en retraite en Savoie

médaille destinée à la jeunesse et trouvée en mai 1943 dans une école italienne de Tunis par Monsieur Edouard Cattoir professeur d'histoire en retraite en Savoie

Partager cet article
Repost0
9 juillet 2014 3 09 /07 /juillet /2014 17:59

Le 7 septembre 1925, Gustav Streisemann adressait une lettre au Kronprinz.

*Gustav Streisemann né en 1878 fut chancelier de la République de Weimar du 13 août 1923 au 23 novembre 1923 puis ministre des Affaires étrangères jusqu'à sa mort le 3 octobre 1929

*Guillaume de Hohenzollern ou Guillaume de Prusse (1882/1951) dit le Kronprinz était le fils héritier de l'empereur Guillaume II (1859/1941). Il fut déchu de ses droits de prince-héritier lors la proclamation de la République de Weimar et de l'abdication de Guillaume II le 9 novembre 1918.

*Guillaume II s'était réfugié en Hollande après son abdication et la reine de Hollande (Wilhelmine, reine de 1890 à 1948) s'opposa à son extradition par les alliés qui voulaient le juger. Le Kronprinz avait été exilé en Hollande. Il put revenir en Allemagne en 1923 grâce à Streisemann. Il soutint Hitler lors de sa prise de pouvoir et les nazis se servirent du Kronprinz comme caution morale.

*le contexte : Après le désastreux traité de Versailles, la désastreuse occupation de la Ruhr et l'effondrement de l'économie allemande, les alliés comprirent que de laisser sombrer l'Allemagne n'arrangerait les affaires de personne. Il y avait en outre la crainte d'une contagion communiste. Des négociations furent conduites qui aboutirent aux accords de Locarno signés le 16 octobre 1925. Les négociateurs, principalement Gustav Streisemann côté allemand et Aristide Briand côté français furent très critiqués dans leur pays respectif. Mais la France isolée et l'Allemagne ruinée n'avaient guère d'autres issues que de s'entendre.

Stresemann était un admirateur de Napoléon 1er et dans un discours prononcé le 29 janvier 1917 (en pleine guerre mondiale) il avait présenté l'Allemagne comme poursuivant la mission de Napoléon 1er contre l'Angleterre !

C'est probablement pour se justifier, surtout vis-à-vis de la postérité, que Steisemann adressa cette lettre au Kronprinz. Mais, elle éclaire la politique allemande au fil de l'Histoire, comme l'intervention d'Austen Chamberlain devant la Chambre des Communes le 24 mars 1925 éclaire la politique anglaise (voir la fiche N°181 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/06/la-politique-anglaise-au-fil-des-siecles-n-181.html).

Cette lettre de Streisemann a été publiée par Suarez dans « Briand » tome VI (édité en 1952) chapitre I. La voici :

« A mon avis, la politique étrangère de l'Allemagne a pour le prochain avenir trois grands buts. D'abord la solution de la question rhénane, dans un sens favorable pour l'Allemagne et l'assurance de vivre en paix, sans quoi l'Allemagne ne pourra recouvrer ses forces. En second lieu , la protection des dix ou douze millions d'Allemands qui vivent maintenant sous le joug étranger. Troisièmement la rectification de nos frontières orientales, reprise de Dantzig, du corridor polonais et modifications du tracé de la frontière de Haute-Silésie. A plus longue échéance, rattachement de l'Autriche à l'Allemagne, bien que je me rende compte que ce rattachement ne soit pas de nature à apporter à l'Allemagne que des avantages car il compliquera beaucoup le problème de notre organisation.

Le meilleur moyen de réaliser ce programme est pour l'Allemagne d'entrer dans la S.D.N. (Société des Nations) Si la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Roumanie savent que l'Allemagne peut parler librement à Genève (siège de la S.D.N.), elles auront plus d'égards pour leurs minorités, dont elles se sont engagées par les traités internationaux à respecter les droits. En outre, toutes les questions qui, pour le peuple allemand sont brûlantes, par exemple la question de notre culpabilité, celle du désarmement général, de Dantzig, du bassin de la Sarre, etc...sont de la compétence de la S.D.N. Et un orateur habile peut les présenter à l'Assemblée de la Société de façon à créer de sérieux désagréments à l'Entente (les Alliés de la guerre de 14 contre l'Allemagne). La France n'est pas du tout ravie par l'idée de l'admission de l'Allemagne, tandis que l'Angleterre la souhaite afin de balancer l'influence prépondérante de la France à Genève.

Le pacte rhénan comporte de notre part un abandon, en ce sens que nous renonçons à un conflit armé pour reconquérir l'Alsace-Lorraine ; mais cet abandon n'a qu'un intérêt théorique puisqu'en fait nous n'avons aucune possibilité de faire la guerre à la France...

C'est pourquoi la politique allemande devra pour commencer suivre la formule que Metternich, je crois, adoptait en Autriche après 1809 : finasser (finassieren) et se dérober aux grandes décisions. »

*Les accords de Locarno : Pour régler tous les problèmes non réglés par les traités d'après guerre, une réunion internationale se tint au Palais de justice de Locarno (canton du Tessin en Suisse, la ville se trouve au bord du lac Majeur) du 5 au 16 octobre 1925. Etaient représentés : La France (Aristide Briand et Berthelot) , l'Allemagne (le chancelier Hans Luther et Gustav Stresemann), l'Angleterre (Stanley Baldwin et Austen Chamberlin), l'Italie (Vittorio Scialoja et Benito Mussolini), la Belgique (Emile Vandervelde) , la Pologne (comte Skrzynski) , la Tchécoslovaquie (Edouard Bénès).

La réunion de Locarno déboucha sur les accords suivants :

*traité entre l'Allemagne, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie. Ce traité est aussi connu sous le nom de « pacte rhénan »

*Convention d'arbitrage entre l'Allemagne et la Belgique

*Convention d'arbitrage entre l'Allemagne et la France

*Traité d'arbitrage entre l'Allemagne et la Pologne

*Traité d'arbitrage entre l'Allemagne et la Tchécoslovaquie

*Traité d'alliance franco-polonais

*Traité d'alliance franco-tchécoslovaque

Voici quelles furent les principales conséquences de ces traités ou conventions :

-l'Allemagne apportait à la France sa garantie de respect des frontières de l'est (est pour la France, ouest pour l'Allemagne) et renonçait à récupérer l'Alsace et la Lorraine. Elle apportait également sa garantie du respect des frontières belges.

-l'Allemagne était admise comme membre de la S.D.N. Cet adhésion avec un siège permanent au Conseil fut effective le 10 septembre 1926

-les forces étrangères (françaises et belges) évacuèrent la Rhénanie en août 1929. La Rhénanie ou région allemande du Rhin comprend notamment la Ruhr et la Sarre.

A l'époque ces accords de Locarno suscitèrent un grand espoir parmi les populations européennes. Le 10 décembre 1926, Gustav Streisemann et Aristide Briand recevaient conjointement le prix Nobel de la Paix.

Dans l'euphorie, était signé à Paris le 27 août 1928 le « pacte Briand-Kellogg » ratifié par 57 Etats par lequel ils s'engageaient à renoncer à la guerre pour régler leurs conflits mais à recourir à l'arbitrage international. Il y eut alors 3 années sans aucune guerre sur la terre. Les 3 seules années du vingtième siècle sans guerre ! Le Japon fut le premier à rompre le pacte en envahissant la Mandchourie (invasion commencée le 19 septembre 1931). Kellog était le secrétaire d'Etat américain chargé de la politique étrangère.

Les objectifs que Stresemann assignait à l'Allemagne dans sa lettre au Kronprinz : récupération des territoires de langue allemande enlevés à l'Allemagne, annexion de l'Autriche … ce fut Hitler qui les réalisèrent !

Mais cela permet de comprendre que la politique d'extension territoriale, suivie par Hitler dans les années 1930, n'était que la continuité de la politique du Saint Empire romain germanique, du royaume de Prusse, de l'empire allemand et même de la République de Weimar. Cela explique aussi pourquoi les Allemands ont suivi le régime nazi outre la situation économique etc.

Les artisans des accords de Locarno qui avaient entraîné une meilleure coopération entre les pays européens et des espoirs de paix n'étaient plus là en 1933 !

J.D. 9 juillet 2014

Guillaume II et son fils tranquillement réfugiés en Hollande, photos prises au château d'Amerongen et  publiées par "Le Miroir" du 8 décembre 1918

Guillaume II et son fils tranquillement réfugiés en Hollande, photos prises au château d'Amerongen et publiées par "Le Miroir" du 8 décembre 1918

Partager cet article
Repost0
4 juillet 2014 5 04 /07 /juillet /2014 11:40

Le journal en ligne « Breizh-info » du 4 juillet 2014 publie plusieurs articles sur la régionalisation.

Selon un des articles, 77% des Bretons sont favorables au rattachement de la Loire-Atlantique (capitale : Nantes) à la Bretagne pour constituer une région à 5 départements plutôt que de rattacher la région « Pays de la Loire » (à laquelle appartient actuellement la Loire-Atlantique) à un ensemble comprenant le Centre (6 départements), les pays de la Loire (actuellement 5 départements) et le Poitou-Charente (4 départements) ce qui en ferait une région allant de Dreux à Jonzac et de Saint Nazaire à Montargis. (cadeau à Ségolène , à Ayrault ou à Le Drian ? les « régionaux de l'étape »).

Breizh-Info consacre un autre article à l'histoire de la régionalisation en Bretagne ; extraits :

« Si tous les découpages régionaux sans exception, ont séparé Nantes de Rennes, la délimitation territoriale change d'un débat à l'autre. Le premier est l’œuvre d'un ministre du commerce nommé Etienne Clémentel . Il crée les groupements économiques régionaux le 5 avril 1919. Le groupement économique régional de Nantes comprend les chambres de commerce de Laval, Le Mans, Angers, Cholet, Saumur, Tours, Lorient, La Roche-sur-Yon, avec Nantes pour centre.

Le groupement économique régional de Rennes comprend les sept chambres de commerce de Brest, Morlaix, Quimper, Saint-Brieuc, Fougères, Rennes, Saint-Malo, avec Rennes pour centre.

Dans la foulée, les comités consultatifs d'action économique, institués dans chaque région de corps d'armée, deviennent les comités économiques constitués par les groupements des chambres de commerce. Ils continuent à fonctionner sous la présidence du préfet du chef-lieu de la région.

En 1926, Raymond Poincaré, président du Conseil, crée les syndicats interdépartementaux. Le décret du 28 septembre 1938 donne naissance à 19 régions économiques. La 5ème région économique (centre administratif Nantes) est formée par les chambres de commerce de Laval, Le Mans, Nantes, Saint-Nazaire, Angers, Cholet, Saumur, Tours, La Roche-sur-Yon.

La sixième région économique, centre administratif Rennes, est formée par les chambres de commerce de Brest, Morlaix, Quimper, Lorient, Saint-Brieuc, Fougères, Rennes, Saint-Malo. Il y eut ensuite le découpage de 1938, celui de 1941 qui crée le préfet régional,, celui de 1944 qui institue le commissaire régional de la République, celui de 1954 qui met en place les comités d'expansion économique, celui de 1956 qui dessine 22 régions, est destiné à favoriser la planification, enfin celui de 1960 qui institue la circonscription d'action régionale voulue par Michel Debré.
A chaque fois la Bretagne est coup
ée en deux.

Le périmètre actuel des régions est issu de la définition, à partir des départements, des circonscriptions d'action régionale par le décret 60-516 du 2 juin 1960 portant harmonisation des circonscriptions administratives.

Ce découpage initial a été maintenu, par renvois successifs à ce périmètre original, par l'article 1er de la loi 72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions, qui inscrit leur périmètre dans la loi, par l'article 59 de la loi 62-213 du 2 mars 1962, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, qui en fait des collectivités territoriales. »

Alors pour la régionalisation, se reporter à des textes de 1919, 1926, 1938, 1941, 1944, 1954 ; 1956, 1960, 1962, 1972 et les auteurs en ont probablement oubliés !

La France est-elle un pays au changement constant ? Au changement dans la continuité ? À la continuité dans le changement ? A chacun de conclure

Mais il n'est pas surprenant que lors de l'adoption du budget primitif 2007, les conseillers régionaux de l'Auvergne aient voté l'édification d'un nouvel hôtel de région, à Clermont-Ferrand, qui a coûté la modique somme de 80 millions d'euros et qui a été inauguré le 21 juin 2014 ! Juste comme était annoncé par le gouvernement le projet de fusion de l'Auvergne et de la région Rhône-Alpes !(la première présentation du projet de réforme régionale en Conseil des ministres est du 9 avril 2014). Pendant qu'à Lyon-Confluence, le Conseil régional Rhône-Alpes avait inauguré son nouvel « hôtel de région » le 25 mai 2011, dont la construction n'a coûté que la bagatelle de 147 millions d'euros. Et ce n'est qu'un exemple !

Il est compliqué pour les agents économiques tant publics que privés de prendre les bonnes décisions d'investissements et au bon moment dans un climat constant de changement tant sur le plan juridique, qu'administratif ou fiscal. Mais le gouvernement a besoin de se donner l'impression d'avoir réussi quelque chose et quelque soit l'avis des citoyens (la Loire-Atlantique est un bon exemple) ils vont probablement faire leur « réforme » et quel qu'en soit son coût !

J.D. 4 juillet 2014

P.S. : Le 4 juillet 2014, le Sénat a rejeté par 177 voix contre 153 le projet de redécoupage régional proposé par le gouvernement.

De même, le 2 juillet 2014, l'assemblée des Départements de France avait adopté à l'unanimité une motion s'opposant au projet de réforme territoriale du gouvernement.

siège du Conseil Régional Rhône-Alpes à Lyon Confluence (Rhône-Saône)

siège du Conseil Régional Rhône-Alpes à Lyon Confluence (Rhône-Saône)

Partager cet article
Repost0
29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 08:49

Le 26 mars 1925, Jean Herbette, ambassadeur de France à Moscou, adressait à Aristide Briand un rapport confidentiel sur la situation de la Russie 7 années après la révolution qui mit fin au règne des tsars.

Témoignage rare sur la situation de la Russie et des Russes à cette époque, texte pertinent, sans concession, prémonitoire.

Ce rapport fut retrouvé par Georges Suarez dans les archives de Briand et publié en 1952 dans le tome VI de « Briand », chapitre I. Voici ce rapport :

« Les journaux m'ont permis de suivre, mais de bien loin, la tâche singulièrement difficile que vous avez accomplie à Genève (à la Société des Nations). J'aurais quelque chose à vous raconter dans un instant, comme au représentant de la France dans le Conseil de la Société des Nations. Mais auparavant, il faut que je vous dise un peu ce que j'observe ici. Sans quoi, ma lettre ne serait pas seulement confidentielle : elle serait aussi inintelligible, ce qui paraîtrait assurément exagéré.

Pour avoir vécu deux mois et demi à Moscou, je n'ai pas la prétention de connaître à fond la Russie nouvelle. Mais il me semble apercevoir ceci :

Les pays qui formaient l'ancienne Russie et que Moscou gouverne actuellement ressemblent à une immense forêt sur laquelle un terrible orage aurait passé. Les arbres découronnés, couronne n'étant pas toujours synonyme de tête. Des branches vivantes ont été cassées comme le bois mort. Tous les troncs frêles ou pourris ont été brisés. De loin, pendant des années, cette forêt dévastée a produit l'effet d'un cimetière.

Mais vous rappelez-vous, monsieur le Président, nos petits cimetières de campagne au printemps le long de la Loire ? La nature y reprend son éternelle jeunesse, et la vie triomphe de la mort. La forêt russe reprend de même. Partout des pousses nouvelles crèvent l'écorce des générations décapitées. Les rues de Moscou grouillent d'enfants. Je les regarde jouer dans la neige , ou bien au bord des ruisseaux que la glace laisse couler maintenant en fondant sous le ciel bleu. Ils sont vigoureux. Ils parlent fort. Le dimanche, on les fait défiler par troupes, en chantant, derrière des drapeaux rouges qui sont ici le symbole du gouvernement et non plus de l'émeute, le symbole de l'ordre et de la discipline rigoureuse et exubérante à la fois. Ces enfants-là n'ont jamais connu le tsar. Ils se voient gouvernés par des hommes de vingt-cinq ou de trente ans, qui étaient des gamins eux-mêmes quand la guerre a éclaté en 1914. Un peuple nouveau et dru commence à lever, comme les blés en avril – des blés pleins de coquelicots.

Ce peuple, il lui faudra sa place au soleil. On parle d'impérialisme bolcheviste ? Quelle absurdité ! Nous sommes devant une poussée irrésistible de la nature, et c'est sous un gouvernement internationaliste que cette poussée a encore le plus de chances de se frayer pacifiquement son chemin.

C'est facile à comprendre. Vous qui avez étudié ces questions sociales bien avant moi et bien plus profondément que moi, monsieur le Président, vous le devinez avant que j'aie le temps de l'écrire : le régime actuel de la Russie n'est point - ses chefs eux-mêmes le disent à qui veut l'entendre – la réalisation du communisme ; il n'est point la formule définitive que ses promoteurs rêveraient d'étendre à toute la terre ; il est, eux-mêmes le proclament, une forme de transition qui, comportant le capitalisme d’État et non pas la suppression du capital, la lutte contre les difficultés primitives et non pas le perfectionnement illimité de la production, le renforcement de l'autorité publique et non pas son évanouissement dans le bien-être général, ne constitue encore, aux yeux mêmes de ceux qui dirigent l'expérience, qu'une laborieuse étape vers un idéal lointain.

Alors, tout naturellement, les dirigeants de ce régime ont dû se partager les besognes. Certains d'entre eux continuèrent à ne préparer que la Révolution universelle. Ils prêchent aux autres nations la doctrine de la troisième Internationale. Mais leurs camarades, pendant ce temps, ont à administrer un pays de quelque 120 millions d'âmes. Administrer, au nom de quelque idéal qu'on s'y emploie, c'est un travail qui exige toujours une adaptation aux réalités. Administrer une région déterminée du globe, sous quelque drapeau que ce soit, c'est une opération qui est toujours conditionnée par les mêmes nécessités géographiques, climatiques, économiques et militaires. Ainsi se fait immanquablement la différenciation des fonctions amenant la différenciation des organes -une distinction entre la troisième Internationale et le gouvernement soviétique. Le gouvernement ne peut pas se lancer dans des aventures folles pour faire du prosélytisme à l'étranger. L'Internationale elle-même n'y aurait pas intérêt. Mais le gouvernement lui-même, attelé qu'il est à la formidable tâche de reconstituer cet immense pays, se souvient volontiers que sa doctrine politique est internationale, parce qu'une doctrine internationale permet de résoudre des problèmes intérieurs (autonomie des minorités allogènes) et d'ajourner des problèmes extérieurs (revendications territoriales contre des États voisins). Si bien que le régime bolcheviste, loin de surexciter un impérialisme forcené, est probablement le seul régime russe qui puisse, à l'heure actuelle, être assez fort pour éviter la guerre civile et en même temps assez patient pour éviter la guerre européenne.

Pour changer de régime, il faudrait passer par une nouvelle période de crises, avec massacres et dévastations. Le pays n'en veut pas. La forêt qui repousse ne veut pas être saccagée une fois de plus. Je ne dis pas que les arbres, entre eux, ne gémissent pas sur la dureté des temps. Les impôts sont lourds. Les marchandises sont chères. La dernière récolte n'a pas été abondante. On craint que la prochaine ne soit encore plus médiocre. Les grandes entreprises d’État sont onéreuses. On manque d'outillage, de crédit, de fonds de roulement. Mais qu'est-ce tout cela auprès de ce qu'on a traversé victorieusement ? Et après quelle révolution les chances des contre-révolutionnaires, si grandes qu'elles aient été, n'ont-elles pas été trop petites pour compenser leurs maladresses ?

Mais admettez, monsieur le Président, que l'on regarde le régime actuel comme un simple accident passager. Admettez qu'on croie déjà discerner – cela se voit apparemment mieux de loin que de près – la forme du régime qui lui succédera. En quoi ce changement supprimerait-il le problème essentiel : le problème qui consiste à savoir comment ce peuple, qui renaît en masse, qui occupe un territoire quasiment inaccessible, qui longe toute la hauteur du continent européen, qui borde toute l'Asie en fermentation, qui dispose de ressources inexploitées et indéfinies – comment ce peuple gigantesque se refera une place parmi les principaux États du monde ?

Est-ce avec nous, pacifiquement, qu'il reprendra son rang ? Est-ce contre nous, par la force, qu'il essaiera de bousculer les frontières de l'Europe orientale, ouvrant la brèche par où passerait la revanche des nationalistes allemands ? Voilà la question dont dépendent peut-être la paix de toute l'Europe et tout l'avenir de notre pays, qu'une nouvelle saignée épuiserait.

On dit : l'alliance russo-allemande est faite, ou bien elle est inévitable. Qu'elle soit faite, je n'ai pas le droit de le croire ; le contraire m'a été affirmé dans des conditions telles que je ne vois pas pourquoi l'on aurait voulu me tromper ; et d'ailleurs je ne vois pas non plus l'avantage que la Russie trouverait à se lier d'avance. Que l'alliance russo-allemande soit inévitable, je le crois encore moins. Quand un pacte a pour résultat que des millions d'hommes devront se faire trouer la peau, il y a toujours quelque moyen d'empêcher qu'il ne se noue ou bien qu'il s'exécute.

Seulement, pour que la Russie et l'Allemagne ne s'unissent pas dans une combinaison explosive, encore faut-il que les Russes guérissent de la fièvre obsidionale où dix ans de guerre, de révolution, de blocus militaire, social ou économique les ont plongés. Or, on les entretient dans cette fièvre obsidionale, si l'on agite continuellement devant eux je ne sais quels projets de coalition entre États limitrophes. Une propagande perfide exploite ici tous ces projets. On répète aux Russes que l'Angleterre désapprouve l'union des États baltiques, qu'elle se désintéresse de la Pologne, qu'elle ne s'occupe pas de la Roumanie, et que la France, au contraire, travaille perpétuellement à encercler le pays des Soviets. Cette muraille d'encerclement n'effraye d'ailleurs pas les Russes, surtout quand on leur affirme qu'aucun Anglais n'est derrière. Ils ne pensent alors qu'à s'unir aux Allemands pour la renverser.

J'arrive ainsi à ce que je voulais vous raconter, monsieur le Président. Le gouvernement soviétique, tout en refusant d'adhérer à la Société des Nations, s'intéresse cependant à ce qui se fait à Genève. Si on l'y invitait, il enverrait volontiers un observateur à la session de septembre prochain. Il choisirait un homme important qui pourrait figurer dans la salle de l'Assemblée et même s'asseoir à la table du Conseil, tout en n'étant toujours qu'un observateur qui n'engagerait pas son gouvernement. La chose peut-elle se faire ? Je ne suis nullement en état d'en juger, comme vous le pensez bien. Je vous en parle confidentiellement, parce que je comprends, ici, bien plus facilement qu'ailleurs, la nécessité de débloquer la Russie, de créer un terrain de collaboration entre elle et nous, et de sauvegarder ainsi, non seulement l'existence de ses voisins, mais encore la paix de tout le continent et la vie d'innombrables Français. Je tâche de jouer mon modeste rôle de vigie, grimpée en haut d'un mât assez exposé au vent. Je vois un écueil. J'entrevois un cheval. Je n'ai qu'à laisser le reste aux hommes qui savent tenir le gouvernail.
Pardonnez-moi, monsieur le Président, cette interminable lettre que je vous écris la nuit, dans le silence de ma petite maison. Ayez la bonté, je vous prie, de la conserver pour vous seul et veuillez..
. ».

Commentaires :

*Sur le contexte russe :

Lorsque Jean Herbette écrit en 1925, la Russie sort de plusieurs siècles de guerres quasi continues :

-guerres contre l'empire ottoman : il y eut 11 guerres appelées « guerres russo-turques », commencées à la fin du XVIe siècle et avec pour point d'orgue la guerre de Crimée de 1853 à 1856.

-guerre contre la Suède de Charles XII de 1700 à 1718

-guerres contre Napoléon 1er au début du XIXe siècle

-guerres contre le Japon au tournant XIXe/XXe siècle

-première guerre mondiale commencée pour les Russes dès début août 1914

-révolution dite « d'octobre » 1917

-guerre civile avec les Russes « blancs »

-guerre russo-polonaise en 1920/1921

sans compter la désorganisation entraînée par la Révolution, l'exode de l'aristocratie, les méfaits de la collectivisation...

L'ambassadeur explique en termes imagés que la Russie fut saignée mais qu'elle avait encore beaucoup de vitalité et voulait reprendre son rang dans le concert des nations.
Le bruit courait déjà d'un possible rapprochement entre la Russie et l'Allemagne. L'ambassadeur ne veut pas y croire car dit-il : « quand un pacte a pour résultat que des millions d'hommes devront se faire trouer la peau... » et c'est bien ce qui arriva avec les pactes germano-soviétiques du 23 août 1939. Comme quoi si le pire n'est jamais certain, il n'est jamais exclu non plus ! Il faut dire que les Russes avaient alors le pire tsar de toute leur Histoire : Joseph Vissarianovitch Djougachvili plus connu sous son surnom de Stali
ne.

Sur tous ces événements, voir sur mon blog les notes :

N°55 http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-fin-des-4-empires-97643758.html

N°152 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/01/la-bataille-de-tannenberg-n-152.html

N°173http://jean.delisle.over-blog.com/2014/05/la-pologne-de-l-entre-deux-guerres-n-173.html

*Sur la troisième internationale :

En Europe, l'année 1848 avait été surnommée « l'année des Révolutions » ou « année du printemps des peuples ». Il y eut partout de la répression ou comme en France le débouché sur un second empire. Mais les idées lentement mais sûrement faisaient leur chemin et le 28 septembre 1864 naissait à Londres « l'Association internationale des travailleurs » qui fut ensuite appelée « première internationale ». Celle-ci prenait fin en 1872.

Une « seconde internationale » voyait le jour lors d'un congrès tenu à Paris en juillet 1889 sous l'impulsion de F. Engels. Cette seconde internationale prenait fin, de fait, avec la guerre de 14 et le ralliement de tous les socialistes à leur cause nationale respective.

La « troisième internationale » (en russe et en abrégé cela donne le « Komintern ») vit le jour en mars 1919 à Moscou sous la direction de Lénine. Lénine qui dicta les « 21 conditions » que devaient remplir les partis étrangers pour adhérer à cette troisième internationale. Ce qui en fit une internationale communiste et entraîna des scissions avec les socialistes dans beaucoup de partis ouvriers européens.

En octobre 1947, le Komintern se transforma en Kominform qui prit fin le 17 avril 1956 à l'époque de Nikita Khrouchtchev. (le « rapport Khouchtchev » sur Staline au XXe congrès du parti communiste de l'Union Soviétique est du 24 février 1956)

En 1938, Léon Trosky avait tenté de fonder une quatrième internationale et une reconstitution théorique de la troisième eut lieu à Sofia en novembre 1995 mais n'eut pas de suite.

L'analyse de Jean Herbette sur le principe de réalité de ceux qui sont au pouvoir est intéressante, on en connaît qui auraient du lire et méditer avant leur campagne électorale !

J.D. 29 juin 2014

P.S. La récapitulation thématique des notes de ce blog et la récapitulation des illustrations se trouvent sur la fiche N°76 http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

commando féminin de la mort russe, photos publiées dans "Le Miroir" du 12 août 1917

commando féminin de la mort russe, photos publiées dans "Le Miroir" du 12 août 1917

Partager cet article
Repost0
27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 16:45

Le 24 mars 1925, Chamberlain fit une déclaration devant la Chambre des Communes qui résume une constante de la politique étrangère britannique au fil des siècles. Cette déclaration est rapportée par Georges Suarez dans « Briand » tome VI (publié en 1952), chapitre I. La voici :

« La France a besoin de sécurité. L'Angleterre reconnaît ce besoin et a le devoir de prêter son aide à la France. D'ailleurs, l'intérêt de l'Angleterre est aussi en jeu. Toutes nos plus grandes guerres ont été menées pour empêcher toute grande puissance européenne de dominer l'Europe et en particulier d'occuper seule les côtes de la Manche et les ports des Pays-Bas. C'est pour cette raison que nos ancêtres ont combattu l'Espagne à l'apogée de sa puissance, que nos grands-pères ont combattu Napoléon et que nous-mêmes, nous avons été en guerre avec l'Allemagne. C'est la question de notre propre sécurité qui se pose en ce moment. D'ailleurs, nous sommes engagés par les articles 42 et 44 du Traité de Versailles qui concernent la rive gauche du Rhin... »

Commentaires :

*Le Chamberlain dont il est question est Austen Chamberlain qui fut ministre britannique des Affaires étrangères de 1925 à 1929 et qu'il ne faut pas confondre avec son demi-frère Arthur Nevillle Chamberlain qui fut premier ministre britannique du 28 mai 1937 au 10 mai 1940. C'est ce dernier qui baissa son froc ainsi que Daladier à Munich en 1938 et qui à leur retour furent accueillis en héros pour « avoir sauvé la paix ». On sait ce qu'il en fut !

*Après l'armistice du 11 novembre 1918, il y eut le désastreux traité de Versailles (œuvre de Clemenceau) et la non moins désastreuse occupation de la Ruhr (œuvre de Poincaré). Voir la fiche N°172 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/04/le-desastreux-traite-de-versailles-n-172.html

*L'intervention d'Austen Chamberlain devant la Chambre des Communes se situe entre la conférence de Cannes (voir la fiche N° 177 http://jean.delisle.over-blog.com/2014/06/la-conference-de-cannes-n-177.html) et le retour d'Aristide Briand sur la scène politique. Il redevint Président du Conseil du 28 novembre 1925 au 17 juillet 1926 en se réservant en outre le porte-feuilles des Affaires étrangères dont il fut en plus ministre du 23 juillet 1926 au 12 janvier 1932. Durant les années où Briand eut en charge les affaires étrangères de la France, il eut 2 objectifs principaux :

-travailler à réintégrer l'Allemagne dans le concert des Nations et à s'entendre avec l'Allemagne, ce qui fut rendu difficile par l'élection le 26 avril 1925 du maréchal Hindenburg comme chancelier du Reich (c'est-à-dire de la République de Weimar). « Le choix comme président du Reich d'un coupable de guerre, produisit dans les chancelleries et l'opinion l'effet d'une provocation »

-maintenir une alliance défensive avec l'Angleterre pour le cas où le militarisme « prussien » reprendrait le dessus.

Il œuvra en tant que représentant du gouvernement français et aussi au sein de la Société des Nations. Sur le premier point son entente avec Gustav Streisemann, qui eut en charge la politique étrangère de la République de Weimar à partir de 1923, permit d'atteindre les objectifs recherchés et en 1926, cela valut à Briand et Streisemann de recevoir conjointement un prix Nobel de la paix. Mais Streisemann mourut le 3 octobre 1929 et Briand le 7 mars 1932. Et l'on connaît la suite dès 1933 !

*L'intervention de Chamberlain le 24 mars 1925 illustre parfaitement la continuité de la politique britannique au fil des siècles. Ceux-ci surent toujours intervenir dans les affaires des européens continentaux pour sauvegarder leurs intérêts. Mais peut-on reprocher aux Anglais de défendre les intérêts des Anglais ?

Au cours de l'Histoire, ils surent à de nombreuses reprises susciter des coalitions de l'Europe contre la France, mais si la diplomatie britannique fut plus intelligente que la nôtre, à qui la faute ?

*A toutes les époques, il y eut en Angleterre, comme dans tous les pays, de nombreux problèmes internes. N'oublions pas que les Anglais coupèrent la tête à leur roi (Charles 1er décapité le 30 janvier 1649) bien avant que le pauvre Louis XVI ne perde la sienne (le 21 janvier 1793) que Thomas Cromwell fut décapité (le 28 juillet 1540) qu'Henri VIII fit décapiter 2 de ses épouses, qu'Olivier Cromwell mort le 3 septembre 1658, fut déterré pour être décapité, qu'Elisabeth 1ère fit décapiter sa cousine Marie-Stuart (le 8 février 1587) qui avait été reine d'Ecosse et reine de France …sans oublier l'assassinat, le 29 décembre 1170, sur ordre du roi Henri II, de Thomas Becket archevêque de Canterbury etc etc etc

*Des années 1780 à nos jours, la France connut : la royauté, la première République, le premier Empire, le retour des Rois, la seconde République, le second Empire, la troisième République, l’État français, la quatrième puis la cinquième République. Durant le même temps les Anglais conservèrent leur monarchie et le fait que les monarques (depuis Henri VIII) soient aussi chef de l’Église anglicane contribue probablement à la stabilité du système. Bien sûr que les pouvoirs d'Elisabeth II (reine depuis 1952) ne sont plus ceux de son arrière-arrière grand-mère : Victoria (reine de 1837 à 1901) mais la continuité de la royauté explique probablement la continuité du système et la continuité de la politique.

J.D. 27 juin 2014

Réception de George V à Paris, photo publiée par "Le Miroir" du 8 décembre 1918

Réception de George V à Paris, photo publiée par "Le Miroir" du 8 décembre 1918

Partager cet article
Repost0
18 juin 2014 3 18 /06 /juin /2014 14:59

C'est à Turin le 20 juin 1837 que Charles Albert signa l'édit permettant la publication du code civil « pour les Etats de S.M. Le Roi de Sardaigne », avec application à compter du 1er janvier 1838. (un code pénal fut promulgué par Charles Albert le 26 octobre 1839 et un code de commerce le 30 décembre 1840)

Le royaume de Sardaigne à l'époque comportait :

*Le duché de Savoie (les actuelles Savoie et Haute Savoie)

*Le comté de Nice

*Le Val d'Aoste où l'on parlait encore français

*Le Piémont dont la principale ville était Turin qui était également la capitale du royaume de Sardaigne

*La Ligurie dont Gênes était la principale ville

*La Sardaigne

Le contexte :

La Savoie et le comté de Nice avaient été envahis en septembre 1792 et annexés par la France. A la faveur des campagnes de Bonaparte en Italie tout le reste du royaume de Sardaigne (sauf la Sardaigne elle-même) avait été annexé à la France. Voir sur le blog la fiche N°21. http://jean.delisle.over-blog.com/article-garibaldi-et-verdi-61434798.html

Les populations avaient donc connu le « code civil des Français » ou « code Napoléon » promulgué le 30 ventôse an XII (21 mars 1804).
Lorsque la Maison de Savoie récupéra son trône après la chute de Napoléon, elle commença par rejeter tout ce qui était « français » et tous ceux qui avaient collaboré avec l'empire. Mais au témoignage de Philippine de Sale
s (voir fiche N°52 http://jean.delisle.over-blog.com/article-philippine-de-sales-et-le-piemont-89037776.html) Charles Albert eut une attitude différente et fit promulguer un code civil, inspiré du code Napoléon.

Sur Charles Albert lui-même voir sur le blog la fiche N°66.http://jean.delisle.over-blog.com/article-histoire-de-la-maison-de-savoie-59295182.html

En 1837, l'unité de l'Italie n'était pas encore réalisée et le toscan n'était pas encore devenu la langue officielle italienne.

En Piémont, Ligurie et Sardaigne, on parlait différents dialectes et compte tenu de cette division le français était encore la langue majoritairement parlée dans le royaume de Sardaigne.

J'ai récupéré un exemplaire du code civil imprimé en 1838 chez Puthod imprimeur-libraire Place Saint Léger à Chambéry en édition française. Il y eut une autre édition imprimée à Turin en 1837 à la "Stamperia Reale" sous le titre "codice civile per gli Stati di S.M. il Re di Sardegna". Le texte dit que le roi en signa deux exemplaires originaux conservés aux archives de la cour à Turin, mais sans préciser en quelle langue étaient écrits ces originaux. Ce fut probablement un original dans chaque langue.

La version française fut enregistrée à Turin par la « Chambre des comptes » le 3 juillet 1837 et à Chambéry par le « Sénat de Savoie » le 6 juillet 1837 (en 1837 dans le royaume de Sardaigne, il existait également un Sénat à Turin, un à Nice et un à Gênes).

Le contenu :

Le code comprend :

*un avant-propos

*2415 articles répartis entre un titre préliminaire et 3 livres

*un appendice relatif à différents sujets (tenue des registres de l'état civil …)

Il n'est pas dans la vocation d'un blog essentiellement consacré à l'histoire de faire une analyse de ce code sous l'aspect du droit. Par contre, au regard de l'histoire, l'avant-propos et le titre préliminaire sont intéressants à examiner.

Extrait de l'avant-propos ou présentation :

« Charles-Albert par la grâce de Dieu, Roi de Sardaigne de Chypre et de Jérusalem, duc de Savoie et de Gênes, prince de Piémont etc, etc, etc.

Une des pensées qui ont le plus vivement excité notre sollicitude dès l'époque où nous sommes montés sur le trône de nos ancêtres a été de faire jouir nos bien-aimés sujets des avantages d'une législation uniforme, fixe, complète et basée sur les doctrines de notre sainte religion catholique et sur les maximes fondamentales de la monarchie...

...C'est pourquoi, par le présent édit, de notre science certaine et autorité royale, eu sur ce l'avis de notre conseil d'état, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

article 1er : le code des lois civiles , sanctionné par nous, signé de notre main sur deux exemplaires imprimés, et contresigné par notre garde des sceaux, aura force de loi dans nos états, à dater du premier janvier mil huit cent trente-huit

article 2 : la publication de ce code aura lieu par l'envoi à chaque ville et chef-lieu de commune, d'un exemplaire imprimé, qui sera placé dans la salle du conseil communal, et y restera exposé durant un mois entier, et chaque jour pendant six heures , afin que toute personne puisse en prendre connaissance. Ce code sera en outre inséré dans le recueil des actes de notre gouvernement... »

extraits du code lui-même :

« article 1 : La religion catholique, apostolique et romaine est la seule religion de l'état

article 2 : Le roi s'honore d'être le protecteur de l'église, et d'en faire observer les lois dans toutes les matières qu'il appartient à l'église de régler. Les cours suprêmes veilleront au maintien du plus parfait accord entre l'église et l'état ; et, à cet effet, elles continueront à exercer leur autorité et juridiction en ce qui concerne les affaires ecclésiastiques , selon l'usage et le droit.

Article 3 : les autres cultes qui existent dans l'état ne sont que tolérés, conformément aux usages et aux règlements spéciaux qui les concernent.

Article 4 le roi seul a le pouvoir de faire les lois de l'état....

Commentaires :

*les souverains de Savoie s'étaient auto-attribués les tires de roi de Chypre et de Jérusalem, mais seul le titre de roi de Sardaigne était reconnu par les autres états .

*les résidents dans le royaume n'étaient pas des citoyens mais des sujets de sa majesté le roi. Le terme de « sujet » est utilisé tout au long du code. Mais c'est le 4 mars 1848 que Charles Albert publia le « statut fondamental » qui transforma la monarchie absolue en monarchie parlementaire. Cette transformation facilita probablement le regroupement de tous les patriotes italiens autour de la Maison de Savoie pour faire l'unité de l'Italie. Et si Mussolini était resté dans son coin comme Franco au lieu de se mêler de la seconde guerre mondiale, la Maison de Savoie règnerait peut-être encore en Italie mais on ne réécrit pas l'Histoire.

*enfin, Charles Albert est roi « par la grâce de Dieu » et dès le premier article du code la religion catholique est affirmée comme religion d'état. Cela peut choquer 2 siècles après mais que dire des pays qui appliquent la charia au XXIe siècle ? (Arabie, Yémen, Iran, Indonésie, Pakistan, Afghanistan, Soudan, Somalie, Libye...).

J.D. 18 juin 2014

Charles Albert

Charles Albert

Charles-Albert piazza Carlo Alberto Torino, photo J.D. 2 avril 2011

Charles-Albert piazza Carlo Alberto Torino, photo J.D. 2 avril 2011

Partager cet article
Repost0
16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 18:58

Nous vivons sous le régime de la cinquième République. Les deux premières Républiques françaises sont nées d'une Révolution (1789 et 1848), les deux suivantes sont issues d'une guerre (1870 et 1940) enfin l'actuelle a eu pour principale cause la guerre d'Algérie et le putsch d'Alger en 1958.

Nous pouvons donc constater que toutes nos Républiques ont été accouchées par des événements violents. Certains (Mélenchon, Montebourg....) réclament une sixième République. Compte tenu du passé, une nouvelle République peut-elle voir le jour hors d'un contexte violent ? N'ayant pas appris à lire dans le marc de café je ne saurais le dire, mais difficile de ne pas se poser la question.

Avant de passer à un rappel sur l'histoire de nos cinq Républiques, voici d'abord un petit rappel plus général

*La République la plus ancienne et la plus durable :

C'est la République romaine qui est la plus ancienne et qui dura le plus longtemps (-509/-27) soit 482 années. Tous les historiens sont d'accords sur la date de -509 pour la création de la République romaine (voir sur mon blog la note N°40 http://jean.delisle.over-blog.com/article-les-republiques-romaines-72828692.html), ils sont également d'accord pour dire que de fait, la République prit fin lorsque le Sénat décerna à Octave (petit-fils de Julia sœur de Jules César) tous les titres (dont celui d'Auguste) et lui concéda tous les pouvoirs, ce qui en fit le premier empereur de l'histoire romaine. Mais cet Auguste était un malin qui ne proclama jamais la fin de la République mais qui au contraire tenta d'affirmer la poursuite de cette République en maintenant un Sénat (transformé en assemblée de lèche-bottes) et en se faisant régulièrement réélire consul. Voir Suétone (auteur latin né vers l'an 70 au premier siècle de notre ère) « Vies des douze Césars », livre II en XXVI. Né le 23 septembre -63, Auguste obtint son premier consulat le 19 août -43, tous les pouvoirs en -27 et il est décédé le 19 août 14. Il y aura donc 2.000 ans en août prochain, cela méritait bien un petit rappel sur cet Octave devenu Auguste !

*La première République française :

L'abolition de la royauté proclamée par la Convention le 21 septembre 1792 signe le début de la première République française, et le Sénatus-Consulte du 28 Floréal an XII (18 mai 1804) sur le premier empire correspond à la fin de cette République qui aura duré officiellement moins de 12 ans.

La fin de la royauté :

Tout a commencé avec l'ouverture des États-Généraux à Versailles le 5 mai 1789. La noblesse et le clergé voulaient conserver leurs privilèges, le Tiers-Etat ne le voulait pas. Des membres du clergé d'abord puis de la noblesse rejoignirent le Tiers-Etat.

Le 9 juillet 1789, les délégués aux Etats-Généraux prirent le nom « d'Assemblée Nationale Constituante ». A partir de ce moment, la royauté de droit divin, la royauté au pouvoir absolue était terminée. Ce qu'il restait de royauté était mal en point.

Le 1er octobre 1791, l'Assemblée Constituante se transforma en « Assemblée législative »

C'est le 21 septembre 1792 que la « Convention » succéda à « l'Assemblée législative». Ce jour là, l'abbé Grégoire avait déclaré : « Les rois sont dans l'ordre moral ce que les monstres sont dans l'ordre physique ; les cours sont l'atelier du crime, le foyer de la corruption ; l'histoire des rois est le martyrologe des nations » !

En 3 années, l'Assemblée (Constituante puis législative) avait aboli les privilèges, voté la constitution civile du clergé, annexé les biens du clergé en biens nationaux, adopté le calendrier « révolutionnaire », adopté (le 26 août 1789) la Déclaration des Droits de l'Homme, créé les assignats, voté une Constitution le 3 septembre 1791 (qui conservait encore la royauté mais le « roi de France » était devenu « le roi des Français »), fait arrêter le roi le 10 août 1792 (après la prise des Tuileries), mobilisé la nation contre l'ennemi extérieur (victoire de Valmy : 20 septembre 1792) ….

On voit donc que la royauté n'existait plus, de fait, avant le 21 septembre 1792.

la fin de la première République :

le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795), la Convention laissa la place au Directoire, lequel fut remplacé par le Consulat après le coup d'Etat du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799). A partir de ce moment le pouvoir était, de fait, passé entre les mains de Bonaparte. Mais officiellement la République ne disparut qu'avec la proclamation de l'Empire le 18 mai 1804 (même si le couronnement n'eut lieu que le 2 décembre 1804). La première République française correspond donc « officiellement » aux périodes de la Convention, du Directoire et du Consulat. Mais sur les monnaies « impériales » il y eut d'abord écrit : « République française, Napoléon empereur » il fallut attendre 1808 pour voir l'inscription : « Empire français Napoléon empereur ».

*La seconde République :

Après Napoléon 1er il y avait eu le retour des rois : Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe. Ce dernier abdiqua le 24 février 1848 après 3 journées révolutionnaires.

Le jour même, la Chambre des députés était envahie par la foule. Un gouvernement provisoire était nommé qui décréta la liberté de réunion, le rétablissement du suffrage universel, l'ouverture « d'ateliers nationaux » pour occuper les chômeurs et la suppression de l'esclavage. L'esclavage avait déjà été aboli par la première République le 4 février 1794, puis rétabli sous le premier empire (à une époque où les autres pays possédant des colonies -Espagne et Angleterre principalement- n'avaient pas encore aboli l'esclavage).

Le 23 avril 1848 une assemblée constituante était élue au suffrage « universel » (avec des guillemets car les femmes n'avaient pas le droit de vote ). Une constitution était adoptée en novembre 1848. Celle-ci prévoyait une assemblée législative unique élue pour 3 ans et un exécutif élu au suffrage universel direct pour 4 ans.
Le 20 décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte était élu Président de la seconde République française avec 74,2% des voix (le reste était dispersé entre plusieurs autres candida
ts)

Le 13 mai 1849 était désignée l'Assemblée législative : Le parti de l'ordre (Bonapartistes) obtenait 500 sièges, les montagnards 180 et les républicains modérés 75. Cela fit dire à Thiers « qu'on avait une République sans républicains ».

A noter qu'un Sénat avait été prévu sous la première République par la Constitution de l'an VIII (13 décembre 1799). Le Sénat avait été maintenu par le premier empire mais avait disparu avec la Restauration.

Le 2 décembre 1851, avait lieu le coup d'Etat de Napoléon qui entraînait la dissolution de l'assemblée législative. Un plébiscite fut organisé les 21 et 22 décembre 1851 pour confier à Napoléon le soin d'élaborer une nouvelle constitution. Il y eut 7.439.000 OUI pour 647.000 NON

Une Constitution était adoptée le 14 janvier 1852, elle prévoyait 3 assemblées : un Sénat (coucou le revoilà), un conseil d'Etat et une assemblée législative. Napoléon était désigné par la Constitution comme étant président de la République pour 10 ans

Le 7 novembre 1852 un sénatus-consulte transformait la République en empire héréditaire au profit du président qui devenait l'empereur Napoléon III. Ce Sénatus-consulte était approuvé le 21 novembre 1852 par 7.824.000 OUI contre 253.000 NON

Le second empire devenait effectif le 2 décembre 1852 et la seconde République avait cessé de vivre après moins de 5 années d'existence et n'avait eu qu'un seul président.

*La troisième République :

naissance :

Napoléon III abdiqua le 4 septembre 1870, deux jours après la défaite de Sedan. Mais cette abdication ne mit pas fin pour autant à la guerre. Dès le 19 septembre 1870, Paris était complètement assiégé. Le siège dura jusqu'à l'armistice du 28 janvier 1871. Les Parisiens affamés mangèrent du chat, du rat et même les éléphants du jardin des plantes.

Sur le plan politique, dès le 4 septembre la foule avait envahi la chambre des députés et un gouvernement provisoire avait été constitué. Devant l'avancée des ennemis, une partie de ce gouvernement était parti à Tours avant de s'installer à Bordeaux où le Parlement siégea du 12 février au 11 mars 1871 (le Parlement reviendra à Bordeaux en septembre 1914 et en juin 1940). Le 12 février 1871, le Parlement avait élu Adolphe Thiers chef de l'exécutif. Il sera dit de ce Parlement qu'il comportait 3 sortes de Républicains : « des légitimistes, des orléanistes et des bonapartistes ». Les 2 premières catégories étaient des royalistes mais c'est leur division qui permit la restauration de la République.

Pendant que Paris était assiégé, Léon Gambetta qui avait été nommé ministre dans le gouvernement provisoire s'évada de Paris en ballon. Il constitua de nouveaux corps d'armées pour poursuivre la guerre mais la France était en retard de plusieurs guerres et n'avait pas tiré les leçons de la guerre de la Prusse contre le Danemark en 1864 et contre l'Autriche en 1866. Il fallut s'incliner, ce fut le traité de Francfort le 10 mai 1871, la perte de l'Alsace et de la Lorraine, la proclamation de l'empire allemand...

De retour à Paris en mars 1871 et constatant une situation insurrectionnelle, Thiers transféra le gouvernement à Versailles. La Commune de Paris fut proclamée le 28 mars 1871. Après avoir été assiégés par les Prussiens, les Parisiens furent assiégés par les... Français. Thiers organisa contre la Commune une répression féroce. Il confia la direction de l'armée de reconquête à Mac-Mahon. Les derniers combats se terminèrent le 28 mai. La Commune n'aura duré que 2 mois. Parmi les communards appelés aussi fédérés, il y eut probablement 35.000 morts. 7.500 furent condamnés à la déportation en Nouvelle-Calédonie (dont Louise Michel). Mac-Mahon avait été vaincu par les Prussiens, il fut vainqueur des Parisiens ! La chanson « Le temps des cerises » (dont les paroles furent écrites en 1866) fut assimilée à la Commune. Les Prussiens ne durent pas être mécontents de voir les Français s'entre-tuer. Sur la francophobie des Prussiens à l'époque, voir « la terreur prussienne » d'Alexandre Dumas ou la note que j'ai faite sur ce livre : http://jean.delisle.over-blog.com/article-la-terreur-prussienne-114461627.html

Le 24 mai 1873, Mac-Mahon avait remplacé Thiers comme chef de l'exécutif. Le 18 novembre 1873, il reçut pour 7 ans les fonctions de Président de la République.

Il fallut attendre le 30 janvier 1875 pour que le Parlement adopte par 353 voix contre 352 une « constitution » prévoyant la désignation d'un Président de la République élu pour 7 ans par les deux chambres (Sénat et Chambre des députés).

La naissance de la troisième République se fit donc dans la douleur, après une guerre perdue, l'occupation et l'amputation du territoire et une répression sanglante à l'intérieur.

Œuvre :

La troisième République fut celle des partis et de toutes les combinaisons. Les gouvernements successifs tombaient comme des mouches, mais on prenait les mêmes à d'autres postes et c'était reparti pour un tour. En caricaturant on peut dire que ce fut le changement perpétuel dans la continuité. On peut citer comme exemple Poincaré qui fut 1 fois Président de la République, 3 fois président du Conseil des ministres (2 fois avant de devenir président de la République et une fois après) et qui fut 7 fois ministre ou Aristide Briand qui en 30 ans de carrière politique fut 10 fois président du Conseil et 22 fois ministre. Le changement c'est maintenant aurait pu être la devise de la troisième République.

Dans sa longue carrière, la troisième République vit :

un certain nombre d'affaires :

-affaire Dreyfus de 1894 à 1906

-affaire Arthur Raffolovitch de 1900 à 1914

-affaire des fiches en 1904,

-affaire Stavisky en février 1934

de scandales :

-des décorations (il y eut une affaire en 1887 et une autre en 1926)

-de Panama en février 1889

des assassinats :

-Sadi Carnot Président de la République poignardé à Lyon le 24 juin 1894 (décédé le lendemain) alors qu'il était venu pour une exposition internationale qui se tenait « quai des Enfoirés » (cela ne s'invente pas!)

-Gaston Calmette directeur du Figaro assassiné à Paris le 16 mars 1914

-Jean Jaurès assassiné le 31 juillet 1914 à Paris

-Louis Barthou ministre des Affaires étrangères assassiné à Marseille le 9 octobre 1934, en même temps que le roi de Yougoslavie venu en visite en France

A l'actif de la troisième , il faut mettre :

-la scolarisation avec la loi du 17 juin 1881 qui mit les écoles à la charges des communes et de l'Etat et la loi du 29 mars 1882 qui rendit l'école obligatoire de 6 ans à 13 ans

-des lois de 1881 à 1901 sur la liberté de la presse, des syndicats, des associations

-la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat

-l'expansion coloniale

-la politique étrangère qui permit à la France de renouer des alliances alors qu'en 1870 elle se retrouva isolée face à la Prusse

-la conduite de la guerre de 14

-le progrès dans beaucoup de domaines : automobile, aviation, médecine ...

-etc

fin :

Après la guerre de 14, les responsables politiques français n'avaient plus qu'un mot à la bouche : fermeté (vis-à-vis du vaincu c'est-à-dire de l'Allemagne) et ce furent le désastreux traité de Versailles et la non moins désastreuse occupation de la Ruhr. Alors que dans la décennie 1930, ce ne fut qu'imprévoyance et lâcheté vis-à-vis des dictatures, Mussolini, Franco et surtout d'Hitler et dont le dernier acte fut le vote des pleins pouvoirs donnés à Pétain le 10 juillet 1940 à Vichy par 569 voix POUR et 80 CONTRE, par un parlement issu du front populaire de 1936 ! Mais la troisième République avait bien commencé avec l'approbation d'une majorité royaliste !

Dans ce bas monde il ne faut vraiment s'étonner de rien !

En tout, 14 Présidents de la République se succédèrent sous la troisième République.

*La quatrième République :

-Pendant que la France était occupée, le 3 juin 1943 à Alger, par accord entre les généraux De Gaulle et Giraud était créé à Alger un « Comité français de libération nationale ».
-Un an plus tard (le 3 juin 1944) ce comité prenait le nom de « Gouvernement provisoire de la République français
e ».

-Le 25 août 1944, Paris ayant été libéré par la division Leclerc et les FFI, le gouvernement provisoire quitta Alger le 31 août pour Paris.

-Le 22 octobre 1944, les Alliés reconnaissaient la légitimité de ce gouvernement.

-Le 13 novembre 1945, Charles De Gaulle était officialisé Président du Conseil, mais parvenant difficilement à s'entendre avec les partis, il démissionna le 20 janvier 1946. Le gouvernement provisoire avait cependant donné le droit de vote aux femmes, procédé à la nationalisation des houillères et d'un certain nombre d'entreprises, créé les comités d'entreprises, la sécurité sociale...

-Le 5 mai 1946, les électeurs eurent à choisir entre un système parlementaire avec une seule assemblée ayant des pouvoirs élargis ou 2 assemblées. Les 2 assemblées l'emportèrent avec 10.584.000 voix contre 9.454.000

-Le 2 juin 1946 était élue une assemblée constitutive

-Le 13 octobre 1946 la nouvelle constitution était adoptée par 9.263.000 voix contre 8.144.000 (il y eut 31 % d'abstentions)

-Le 10 novembre 1946 eurent lieu des élections législatives et le 16 janvier 1947 Vincent Auriol était élu premier président de la quatrième République.

-Le 22 janvier 1947, début du gouvernement Ramadier (socialiste), ce gouvernement comprenait des socialistes, des communistes et des MRP (droite)

-le 5 mai 1947, Ramadier renvoya les communistes de son gouvernement

-le 10 mai 1947, la France reçut un prêt de 250 millions de dollars

Cette quatrième République dut faire face à la nécessaire reconstruction, à la relance de l'économie, à la concentration des populations dans les villes et aussi au début des révoltes dans les colonies :

-massacre à Sétif en Algérie le 8 mai 1945 de 130 européens avec en riposte le massacre de 1500 musulmans selon les chiffres officiels (mais beaucoup plus selon les Algériens)

-massacre à Madagascar en mars 1946 (80.000 victimes?)

-début de la guerre d'Indochine été 1946

-début de la guerre d'Algérie le 1er novembre 1954

Avec un régime parlementaire qui avait les mêmes défauts que sous la troisième République.

-Le 23 décembre 1953, René Coty était élu pour remplacer Vincent Auriol (au treizième tour de scrutin!)

-Le 13 mai 1958, les généraux prenaient le pouvoir en Algérie. René Coty faisait alors appel à De Gaulle qui recevait le 1er juin 1958 l'investiture de l'Assemblée nationale par 329 voix Pour et 224 Contre avec pouvoirs spéciaux pour mettre fin au putsch en Algérie et réformer la constitution.

-le 28 septembre, une nouvelle constitution était adoptée avec en métropole 17.666.828 OUI contre 4.767.180 NON

-le 5 octobre 1958 cette constitution était publiée au Journal Officiel. La quatrième République avait cessé d'exister

*La cinquième République :

Plus les événements sont proches mieux ils sont connus, je n'insisterais donc pas sauf à rappeler rapidement une succession de faits :

-fin de la guerre d'Algérie et indépendance en 1962

-événements de mai 1968 et échec du référendum sur la régionalisation du 27 avril 1969 (rejeté par 52 % des votants) et démission immédiate de De Gaulle

-succession assurée par Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand, Chirac, Sarkozy puis Hollande, le tout sur fond de mondialisation dont les effets se font de plus en plus sentir et avec des institutions européennes qui lentement mais sûrement ont pris plus de pouvoir au détriment des pouvoirs nationaux.

-insistons seulement sur 2 points :

-Au départ de la cinquième République (donc à partir de 1958) le Président de la République était élu par un collège de grands électeurs, jusqu'à une révision de 1962 qui a institué l'élection du Président au suffrage universel. Cette révision fut adoptée le 28 octobre 1962 par 13.150.516 électeurs (77% des votants). Or on était dans le septennat, système qui avait été adopté dans la constitution de 1875 (troisième République) dans celle de 1946 (quatrième République) et 1958 (cinquième République)

-Par accord entre Chirac et Jospin, le mandat présidentiel fut ramené à 5 ans et couplé à l'élection législative, ce qui fut sanctionné par un référendum le 24 septembre 2000. Référendum où il y eut 69,3% d'abstentions ! Il y eut 7.407.697 OUI pour 2.710.651 NON. Compte tenu du taux d'abstention, la réforme fut adoptée par 23 % du corps électoral. Il devrait y avoir un minimum de votants obligatoires pour qu'un texte passe, car cette réforme, on le voit aujourd'hui modifie complètement l'esprit de la cinquième République.

J.D. 16 juin 2014

P.S. La récapitulation thématique des notes de ce blog ainsi que la récapitulation des illustrations se trouvent sur la fiche N°76 http://jean.delisle.over-blog.com/article-blog-liste-des-articles-111165313.html

Partager cet article
Repost0
10 juin 2014 2 10 /06 /juin /2014 18:06

Cette note fait suite à la note N° 172 sur le traité de Versailleshttp://jean.delisle.over-blog.com/2014/04/le-desastreux-traite-de-versailles-n-172.html et à la note N° 177 sur la conférence de Cannes http://jean.delisle.over-blog.com/2014/06/la-conference-de-cannes-n-172.html.

Raymond Poincaré qui avait été Président de la République durant la première guerre mondiale n'avait pas souhaité se représenter lorsque son septennat arriva à échéance début 1920.

Deschanel :

Il fut d'abord remplacé par Paul Deschanel qui avait été député d'Eure-et-Loir de 1885 à 1920 et même Président de la Chambre (des députés) de 1898 à 1902 et de 1912 à 1920. Paul Deschanel fut élu (à l'époque par le Parlement) Président de la République le 17 janvier 1920.

Lors d'un déplacement, le 23 mai 1920, Paul Deschanel tomba du train en pyjama (dans le Loiret à une douzaine de kms au N.O. de Montargis). Situation dûe probablement à du somnambulisme. L'affaire fit grand bruit et ravit tous les humoristes. Comme l'avait fait la mort de Félix Faure à l'Elysée le 16 février 1899 ! Ah, cette troisième République !

Finalement, Deschanel remit sa démission de Président pour « raison de santé » en septembre 1920. Entré en fonction le 18 février, il aura été Président tout juste 7 mois.

Millerand :

Alexandre Millerand qui était Président du Conseil au moment de la démission de Deschanel fut élu Président de la République.

Ce Millerand né à Paris le 10 février 1859 fut d'abord avocat et journaliste (proche de Clemenceau) Il fut élu député de la Seine à partir de 1885.

D'abord socialiste, Millerand commença à prendre ses distances avec les socialistes en entrant dans le gouvernement de Waldeck-Rousseau en 1899. Il fut le premier socialiste français à être membre d'un gouvernement « bourgeois ».

Plus il montait en responsabilité, plus Millerand glissait de gauche à droite. Au moment de son élection comme Président de la République, le parlement était divisé en 2 grands blocs : le « bloc national » à droite et le « cartel des gauches » à ...gauche (mais enfin!). Millerand avait été élu avec le soutien de la droite.

Millerand Président de la République avait sapé le travail de Briand Président du Conseil lors de la conférence internationale de Cannes. Cela avait amené la démission de Briand en janvier 1922, malgré le soutien que lui avait apporté le Parlement.

Raymond Poincaré qui avait remplacé Briand comme Président du Conseil avait fait occuper militairement la Ruhr à compter du 11 janvier 1923. Le traité de Versailles était un désastre, l'occupation de la Ruhr ajouta du désastre au désastre, non seulement en Allemagne mais aussi en France. L'arrêt d'une grande partie des productions en Allemagne eut des conséquences pour les autres pays. Il en alla de même de l'inflation. En 1924, le franc perdit 50% de sa valeur. Ce n'était rien par rapport au mark allemand. Une nouvelle monnaie d'abord appelée « Rentenmark » fut créée en Allemagne à compter du 1er décembre 1923. Un de ces nouveaux marks était échangé contre 1.000 milliards d'anciens marks. C'est dire à quelle situation totalement débile on était arrivé.

Des élections législatives eurent lieu en France le 11 mai 1924. La population excédée vota massivement pour le cartel des gauches qui soutenait Aristide Briand. Les différents partis du cartel des gauches eurent 441 élus et la droite 137. La politique Millerand-Poincaré était massivement rejetée par le corps électoral. Et voici ce qu'écrit Georges Suarez dans « Briand » tome VI, chapitre I :

« Le 1er juin 1924, 307 députés cartellistes votèrent un ordre du jour où il était dit que le président de la République ayant pratiqué une politique personnelle -celle du bloc national que le pays venait de condamner- son maintien à l'Elysée blessait la conscience républicaine et ne manquerait pas d'engendrer des désaccords incessants entre le gouvernement et le chef de l'Etat. »

Une liste de griefs faits à Millerand suivait, parmi cette liste, ses interventions à la conférence de Cannes.

A la suite de quoi, Millerand eut beaucoup de mal à trouver quelqu'un pour former un gouvernement ; tous les pressentis se récusaient. Enfin un nommé François-Marsal se décida. Son investiture fut rejetée le 10 juin 1924 au Sénat par 154 voix contre 144 et à la Chambre des députés par 327 voix contre 217.

Le lendemain (11 juin 1924) Millerand se démettait de ses fonctions de Président de la République et le 13 juin l'Assemblée Nationale (à l'époque Sénat et Chambre des députés) élisait Gaston Doumergue comme Président de la République.

Cela montre que les parlementaires peuvent avoir la peau d'un président désavoué par les électeurs, sauf quand le système est bloqué par la concomitance des élections présidentielles et législatives.

J.D. 10 juin 2014

billets de banque allemands en millions et milliards de marks et rentenmarks de 1 et 2 marks

billets de banque allemands en millions et milliards de marks et rentenmarks de 1 et 2 marks

Partager cet article
Repost0