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16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 16:44

Le 5 septembre 1929, à l'occasion de la dixième Assemblée de la Société des Nations à Genève, Aristide Briand commençait à parler d'Union Européenne. L'idée n'était pas neuve, d'autres l'avaient émise bien avant, comme Victor Hugo qui en 1869 à Lausanne s'était déclaré partisan d'une « République européenne fédérale ».

Mais c'était la première fois qu'un responsable politique de haut niveau s'engageait dans cette voie. Voici un extrait de la déclaration de Briand :

« Je pense qu'entre les peuples qui sont géographiquement groupés, comme les peuples d'Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral. Ces peuples doivent avoir la possibilité d'entrer en contact, de discuter de leurs intérêts communs, de prendre des résolutions communes. Ils doivent en un mot, établir entre eux un lien de solidarité qui leur permette de faire face, au moment voulu, à des circonstances graves, si elles venaient à naître.

C'est ce lien, messieurs, que je voudrais m'efforcer de créer.

Évidemment, l'association agira surtout dans le domaine économique : c'est la nécessité la plus pressante. Je crois qu'on peut, en ce domaine, obtenir des succès. Mais je suis sûr aussi qu'au point de vue politique ou au point de vue social, le lien fédéral, sans toucher à la souveraineté d'aucune des nations qui pourraient faire partie d'une telle association, peut être bienfaisant. Et je me propose pendant la durée de cette session, de prier ceux de mes collègues qui représentent ici des nations européennes de vouloir bien, officieusement, envisager cette suggestion et la proposer à l'étude de leurs gouvernements, pour dégager plus tard , pendant la prochaine assemblée peut-être, les possibilités de réalisation que je crois discerner. »

Quatre jours plus tard, c'est-à-dire le 9 septembre 1929, Aristide Briand invitait à déjeuner l'ensemble des délégués européens présents à Genève. Un communiqué fut diffusé à la suite de ce déjeuner. En voici le texte :

« Au cours d'une réunion à laquelle il avait invité les ministres des affaires étrangères et premiers délégués des 27 nations européennes participant à l'Assemblée de la Société des Nations, M. Briand a développé les idées relatives à l'organisation de l'Europe qu'il avait esquissées devant l'Assemblée. Après un échange de vues, les délégués présents ont déclaré à l'unanimité prendre acte de l'initiative du président du Conseil français tendant à instituer, entre les nations européennes, un lien de solidarité et la considérer avec sympathie. Tous se sont engagés à saisir leur gouvernement de la question et à la mettre à l'étude. Ils ont chargé le président du Conseil français de rédiger, à l'adresse des gouvernements européens représentés à la Sociétés des Nations, un mémorandum et d'instituer une consultation sur cette question. Sur les réponses, le président du Conseil français est prié de préparer un rapport résumant les avis formulés. Ce rapport sera discuté dans une nouvelle réunion qui aura lieu à Genève, au cours de la onzième Assemblée de la Société des Nations. »

En France, Aristide Briand reçut le soutien, semble-t-il actif, d'Edouard Herriot. L'accueil à l'étranger fut très divers. La presse anglaise se trouva très majoritairement hostile au projet arguant que la Grande Bretagne avait mieux à faire avec son empire colonial. En Allemagne la « Gazette de Voss » déclarait qu'à la base d'une union durable des peuples européens il fallait d'abord organiser l'entente franco-allemande .

Le premier mai 1930, le mémorandum d'Aristide Briand était prêt et fut adressé à 27 Etats européens le 17 mai. Les 27 étaient ceux des pays d'Europe qui faisaient partie de la Société des Nations.

La création d'une union européenne était présentée comme une « union morale », une « entente régionale » dans le cadre de la Société des Nations. Il était proposé :

*la création d'une « Conférence européenne » et d'un « organe exécutif permanent » siégeant tous deux à Genève avec une présidence par roulement entre les nations adhérentes avec en outre un secrétariat permanent. Le mémorandum affirmait que « c'était sur le plan de la souveraineté absolue et de l'entière indépendance politique de chaque Etat que devait être réalisée l'entente entre les nations européennes ».

Entre le 25 juin et le 4 août 1930, les différents gouvernements firent parvenir leur position à Aristide Briand. Personne n'était contre ; chacun voulait conserver son indépendance mais espérait la poursuite de discussions pour avancer ses propres pions et revendications.

Le 13 septembre 1930, le débat repris au sein de la S.D.N sur ce projet « d'union européenne » et le 17 septembre était créée une « commission d'étude ». Cette commission fonctionna et eut quelques résultats sur le plan économique et notamment deux conférences du blé qui se tinrent à Rome en 1931.

Mais le 21 mars 1931, se répandit le bruit de tractations secrètes entre l'Allemagne et l'Autriche pour la fusion des 2 pays. Cela occupa toutes les discussions et toutes les réunions. Puis le 8 janvier 1932 Briand démissionnait pour raisons de santé. Il décéda le 7 mars. Le Parlement français décida qu'il avait bien mérité de la patrie et vota des obsèques nationales. Ce fut Edouard Herriot qui prononça l'éloge funèbre de Briand qui avait été 24 fois ministre et 11 fois président du Conseil.

Avec la disparition de Briand disparut aussi le projet d'Union européenne et ce d'autant que quelques mois plus tard les nazis arrivaient au pouvoir en Allemagne.

Une union économique pouvait-elle se faire sans union politique ? C'est probablement bien là tout le problème.

Il a peut-être fallu ce projet d'entre les 2 guerres pour permettre la résurrection de l'idée européenne ensuite. Mais l'on perçoit bien le double mouvement actuel centrifuge/centripète : pendant que les grosses têtes de Bruxelles rêvent d'une Union complète à l'américaine, tout au moins on peut le penser, les peuples revendiquent plus d'indépendance et de souveraineté et se séparent comme dans l'ex Tchécoslovaquie ou l'ex Yougoslavie alors que d'autres manifestent pour demander leur autonomie (Ecosse, Catalogne, Pays basque...) pour ne citer que le cas des pays de l'Union européenne (voir l'Ukraine, le Kurdistan, le Sud-Soudan etc)

J.D. 16 septembre 2014

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commentaires

C
On en veut encore avec autant d\'humour. Continuez.
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